Innover est devenu une injonction omniprésente dans notre société, au point où l'on pourrait croire que toute innovation est nécessairement bénéfique. Pourtant, certaines innovations, malgré leurs promesses initiales, ont parfois des conséquences négatives non anticipées. Dès lors, il est crucial de se demander : une innovation doit-elle être jugée uniquement sur son potentiel technologique, ou sur son impact concret, durable et stratégique pour notre société ?
L’innovation au-delà des promesses
L’innovation est souvent décrite comme un moteur de progrès, synonyme de modernité et de croissance. Cependant, toute innovation n’est pas forcément vertueuse. L’histoire regorge d’exemples où des avancées prometteuses ont entraîné des effets indésirables. Les véhicules thermiques, tout en révolutionnant la mobilité, ont contribué au réchauffement climatique. De même, l’agriculture intensive, bien qu’elle ait accru les rendements, a provoqué une dégradation des sols et une perte de biodiversité.
Ces exemples montrent que l’innovation doit être repensée, en intégrant ses impacts à long terme. Mais cette réflexion ne doit pas ignorer l'importance de la compétitivité économique et de la souveraineté industrielle, qui sont également cruciales pour le développement durable de notre société. Et c'est là que les choses deviennent parfois complexes, surtout quand le jugement moral se glisse dans le débat.
Une responsabilité collective
L’innovation ne peut se limiter à des gains économiques ou à des prouesses techniques. Elle doit aussi répondre à des critères de responsabilité sociale et environnementale tout en renforçant notre compétitivité et notre autonomie stratégique en tant que nation. Il ne s’agit pas de freiner l’innovation, mais de l’orienter vers des objectifs qui créent une valeur durable pour la société dans son ensemble, au-delà de nos frontières d'ailleurs.
Les startups industrielles, essentielles à la réindustrialisation de notre pays, développent des solutions qui répondent aux défis globaux du changement climatique, de la transition énergétique, et de la santé, tout en contribuant à notre souveraineté technologique et économique. Pour que ces entreprises réussissent, elles doivent évoluer dans un environnement qui valorise la création de valeur partagée, conciliant rentabilité, responsabilité, et résilience.
Innover mieux, pas moins
Franck Aggeri critique, dans un article récent, l'innovation comme une « machine à fabriquer les promesses » du capitalisme financier. Il est effectivement nécessaire de réorienter l’innovation pour qu’elle réponde mieux aux besoins réels de la société, tout en soutenant la compétitivité économique.
Mais innover mieux ne signifie pas s’émanciper des logiques économiques. Innover mieux consiste à intégrer la notion de profit de manière responsable, en anticipant les impacts à long terme. Et nous avons bien du travail en la matière.
Il s’agit ici d’adopter une approche qui prenne en compte l’ensemble du cycle de vie des innovations, de leur conception à leur fin de vie, en considérant à la fois leur durabilité et leur contribution à la puissance économique du pays. Cette démarche renforce la légitimité des innovations en les inscrivant dans une logique de développement soutenable, souverain et circulaire.
Le rôle de l’industrie dans cette transition
L’industrie, souvent perçue comme un secteur du passé, est en réalité au cœur de la transformation nécessaire vers une économie durable et compétitive. Les startups industrielles jouent un rôle crucial dans le développement de solutions qui renforcent la souveraineté technologique et industrielle de notre pays.
Cependant, elles ne peuvent réussir seules. Un écosystème d'innovation responsable, circulaire, où grands groupes, PME et startups collaborent, est essentiel pour bâtir un avenir commun. Cette transformation nécessite une vision partagée où l’innovation est perçue non seulement comme un moyen de répondre aux défis de notre époque, mais aussi comme un levier stratégique pour renforcer la compétitivité économique et l’autonomie industrielle.
Innovation : questionnons l'offre, mais aussi la demande
Il ne s’agit plus seulement d’innover, mais de comprendre comment et pourquoi nous le faisons. Une innovation se justifie non seulement par ses promesses, mais par son impact concret, durable et stratégique sur la société, l’économie et l’environnement.
Cependant, au-delà des débats théoriques (auxquels je me prête bien volontiers) sur la nature des innovations qui méritent d’exister, force est de constater que nos modes de consommation dictent en grande partie cette course à l’innovation. Le réfrigérateur connecté, les gadgets technologiques, toutes ces créations sont symptomatiques d'une demande poussée par une société en quête perpétuelle de nouveauté. Tant que nos habitudes de consommation resteront ce qu'elles sont, l’innovation continuera d’être orientée vers ce qui brille plutôt que vers ce qui construit.
Ce qui légitime une innovation, c’est sa capacité à transformer positivement le monde tout en renforçant la compétitivité et la souveraineté. Mais pour que cela devienne une réalité, il faudra que nos attentes, en tant que consommateurs et citoyens, évoluent. Car en fin de compte, ce sont aussi nos choix de citoyens qui façonnent l'innovation de demain.