L'IA s’impose comme un outil incontournable dans le secteur du jeu vidéo. Lors du « State of the Game Industry », 31 % des développeurs déclarent d’ores et déjà utiliser l’IA générative. Andrew Wilson, PDG d’EA, estime que l’IA pourrait améliorer 50 % de ce processus. Les initiatives comme celles d’Ubisoft avec ses Neo NPCs, démontrent la volonté du secteur d’intégrer l’IA au processus créatif, mais également au jeu lui-même.
Le développement d’une IA peut être, en tout ou partie, fondé sur la collecte et le traitement de données personnelles. Son intégration à l’industrie du jeu vidéo soulève des questions sur ce terrain. La CNIL a récemment publié des recommandations pour aider les fournisseurs ou utilisateurs à l’initiative d’un système IA à se conformer au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) lors de son développement. Nous insisterons ici sur certains des enseignements qui en sont issus.
Un objectif explicite et légitime : La finalité d’un traitement est l’objectif principal de l’utilisation des données personnelles. Les données ne peuvent être collectées que pour un but bien déterminé et légitime et ne doivent pas ultérieurement être traitées de façon incompatible avec cet objectif initial.
Si l’application ultime d’un système d’IA est déterminée et légitime, les traitements réalisés au stade de son développement ne soulèvent pas de difficultés. En revanche, si l’application de l’IA n’est pas connue ou identifiable lors de son développement, la CNIL considère alors que la finalité des traitements effectués en phase de développement, peut remplir les conditions posées par le texte, que si elle se réfère cumulativement à un type spécifique de système d’IA et aux fonctionnalités ou capacités techniques du système qui peuvent être raisonnablement anticipés.
Le responsable de traitement devra redoubler de vigilance lorsqu’il réutilise des données collectées dans un autre cadre. Il sera tenu d’évaluer si le traitement envisagé est compatible avec la finalité initiale de la collecte des données.
Des activités de traitement licites : La création et l’utilisation d’une base de données pour le développement ou l’apprentissage d’un système d’IA doivent être faites de manière licite, ce qui implique qu’elles reposent sur l’une des bases légales prévues par le RGPD.
Compte tenu de la quantité de données requises et de leur mode d’obtention, il pourra être difficile pour le responsable de traitement de démontrer qu’il a recueilli le consentement des individus ou encore, que le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat conclu avec ceux-ci. L’intérêt légitime sera vraisemblablement la base légale sur laquelle il sera possible de s’appuyer. Néanmoins, Il conviendra non seulement établir cet intérêt légitime, mais encore veiller à ne pas porter une atteinte disproportionnée aux droits des individus. Une mise en balance entre les avantages obtenus du traitement et l’impact qu’il pourrait avoir sur les individus devra être effectuée.
Principe de minimisation et de « Privacy by design » : Seules les données pertinentes devront être traitées. Dès lors que non strictement nécessaires, des procédés comme l’anonymisation devraient être envisagés. Si pour la génération d’environnements de circulation dans un jeu, une captation d’images réelles est réalisée à partir de véhicules, un procédé de floutage automatique et irréversible des piétons et des plaques de véhicules pourrait être mis en œuvre.
Le principe de « privacy by design » doit également être mis en œuvre afin de prendre en compte la protection des données dès le stade de la conception du système d’IA. Les techniques d’IA ne sont pas forcément équivalentes, car elles n’impliquent pas de recourir aux mêmes données ou aux mêmes quantités. Le responsable de traitement devra sélectionner la technique la plus respectueuse des droits et libertés des personnes afin de respecter le principe de minimisation des données tout en tenant compte de l’objectif recherché.
L’information des personnes : La constitution et l’usage d’une base de données d’apprentissage à partir de données personnelles, doivent respecter un principe de transparence vis-à-vis des personnes dont les données sont traitées. Il convient de les informer afin qu’elles comprennent les usages qui seront faits de leurs données et soient en mesure d’exercer leurs droits tant sur les bases d’apprentissage que sur les modèles d’IA eux-mêmes, peu importe que ces données aient été directement recueillies auprès des personnes concernées ou qu’elles aient été collectées indirectement.
L'IA ouvre le champ des possibles dans le développement des jeux vidéo. Toutefois, nul doute que le juste équilibre entre innovation et protection des individus sera la clé du progrès durable de cette industrie.