Céline Lazorthes est une entrepreneure passionnée et concentrée. Après avoir créé Leetchi puis Mangopay et revendu ces deux entreprises, elle fonde Resilience, une medtech qui cible à la fois les patients atteints de cancer et le personnel soignant, en 2021 avec son associé Jonathan Benhamou, ancien fondateur de PeopleDoc. C’est leur deuxième projet commun dans la santé : pendant la crise sanitaire, les deux entrepreneurs avaient participé au lancement du mouvement “Protège ton soignant”. Un virage logique pour Céline Lazorthes qui a grandi dans une famille de médecins.
«Notre rôle en tant que dirigeant et dirigeante est d’améliorer l’écosystème», voila le “drive” de Céline Lazorthes. Elle fait partie de l’équipe fondatrice de France Digitale en 2012, est co-créatrice de Sista en 2018, se bat pour une amélioration du congé paternité en 2020… Aujourd’hui, Céline Lazorthes consacre tout son temps à Resilience dans laquelle elle concilie entrepreneuriat et engagement sociétal. Elle est par ailleurs business angel dans la healthtech et a rejoint le board d'iliad et de la SNCF.
Pour Maddyness, elle partage sa vision et ses projets.
Comment vous définissez-vous avec un parcours aussi multiple ?
Je suis une entrepreneure de 41 ans et mon métier consiste à inventer des produits et des services qui n'existent pas encore. A travers mes différentes expériences, j’ai pu concevoir une trajectoire commune, qui est celle de construire des services et des produits qui améliorent la vie des gens.
Aujourd’hui, je co-dirige la startup Resilience avec mon associé Jonathan Benhamou, ancien fondateur de PeopleDoc. C'est une solution de suivi et d'accompagnement pour les patients atteints de cancer.
Vous êtes aussi très engagée, vous avez notamment co-créé Sista et France Digitale. Vous avez aussi beaucoup milité pour une amélioration du congé paternité. Quel sens donnez-vous à ces engagements ?
En effet, j'ai co-fondé Sista en 2018, dont je suis aujourd’hui la co-présidente avec Tatiana Jama, et j'ai fait partie des membres fondateurs de France Digitale il y a plus de dix ans. J'ai toujours été très engagée, notamment pour le congé paternité.
Mon engagement avec Resilience est dans la même veine. J'ai besoin de donner du sens à mes actions quotidiennes. Par exemple, c’est au moment de la naissance de mon fils, il y a 5 ans, que je me suis sentie frustrée de me retrouver seule à la maison trop rapidement.
Pourquoi ? Parce que j’avais déjà mis en place un congé paternité étendu chez Leetchi et Mangopay, et cela me paraissait évident qu’il était temps d’étendre ce bénéfice à toutes les entreprises.
De manière générale, j'aime améliorer le quotidien des gens. Mes parents étaient tous deux médecins, tout comme mon grand-père. Grandir dans une famille de médecins m'a toujours inspirée. Côtoyer des hommes et des femmes qui se dévouent pour leurs patients, parfois au détriment de leur vie de famille, a du sens pour moi.
L’engagement est-il indissociable de l’entrepreneuriat ?
En tant que dirigeants, nous devons améliorer et faire évoluer l'écosystème. Des actions comme France Digitale ou Sista, qui bénéficient à tous les entrepreneurs, sont des moyens d'améliorer nos conditions d'action.
Cependant, l'un n'est pas nécessairement lié à l'autre. Ces actions demandent du temps et des investissements importants. Il est donc essentiel de bien mesurer le temps et les moyens que l'on peut consacrer à un engagement associatif en parallèle de son activité entrepreneuriale.
Pourriez-vous vous engager en politique ?
Pas dans le sens classique. Ce qui m'intéresse, c'est l'engagement sociétal, ce que je poursuis déjà depuis toujours. Je suis convaincue qu'on change plus efficacement le système de l'extérieur que de l'intérieur.
Comment est née votre startup Resilience ?
L’histoire de Resilience est reliée à la crise sanitaire du Covid. Avec mon associé Jonathan Benhamou, et une centaine d’autres entrepreneurs, nous avons lancé “Protège ton soignant”, une initiative associative et citoyenne pour collecter des moyens financiers et acheter du matériel médical pour les établissements alors en besoin. Cette expérience a duré cinq mois et impliqué 200 bénévoles, récoltant 7,4 millions d’euros.
Nous avons compris à quel point le digital pouvait aider les patients et les soignants, et cela nous a donné envie d'entreprendre à nouveau dans le secteur de la santé. Le cancer s'est imposé naturellement comme une priorité, étant la première cause de mortalité en Occident. 40% d'entre nous seront touchés par un cancer un jour dans leur vie. Et mon histoire familiale m'a inspirée à rendre la santé accessible et de la meilleure qualité possible.
Quelles sont vos ambitions avec Resilience et comment allez-vous faire évoluer le produit ?
Notre solution, prescrite par les oncologues et remboursée par la Sécurité sociale, est un dispositif médical de classe 2A. Elle comprend une application mobile pour les patients et une interface appelée Resilience Pro pour les soignants.
L’application permet aux patients de suivre leurs traitements au quotidien. Cela leur permet d’être mieux informé sur son parcours de soins, sa maladie, les effets secondaires et puis de suivre des programmes de soins de support pour améliorer sa qualité de vie.
Resilience Pro permet aux soignants de suivre tous les patients et d’être alertés en cas de risques de complication ou de rechute, tout ça dans le but d'agir immédiatement. La qualité de l'interface de notre plateforme permet d’être concentré sur le bon patient au bon moment.
Nous nous développons à l'international, notamment en Belgique, et visons d'autres pays européens. En novembre 2023, nous avons racheté une société dans le domaine des maladies inflammatoires du côlon et de l'intestin comme la maladie de Crohn, élargissant ainsi notre champ d'action au-delà du cancer.
«La rigueur est essentielle»
Comment fonctionne Resilience concrètement ?
Notre solution se compose de deux parties : la télésurveillance et l'éducation thérapeutique. Resilience permet aux patients de remplir des questionnaires personnalisés, dont les données sont analysées par les soignants via Resilience Pro.
L'éducation thérapeutique inclut des vidéos, des podcasts et des articles, développés par notre studio interne, ainsi que des programmes de soins de support et des thérapies en ligne pour améliorer la qualité de vie des patients. Nous proposons plus de 850 contenus 100% développés en interne avec un haut niveau d’exigence.
L’information est qualitative et au service du patient. À titre d’exemple, nous avons imaginé et produit des programmes de nutrition, un programme sur les bouffées de chaleur, sur les fonctionnements des traitements ou encore sur les effets secondaires.
Nous proposons aussi des programmes de soins dits “supports” comme des cours de yoga, des activités physiques adaptées ou des exercices thérapeutiques développés par une psychiatre. Ces programmes accessibles en ligne et 100% gratuits, accompagnent le patient sur sa qualité de vie.
Ces solutions sont inclusives, apportant des ressources directement à domicile, ce qui est particulièrement utile pour ceux qui n'ont pas les moyens ou le temps de suivre des cours en personne.
Quel a été le processus pour obtenir le remboursement par la sécurité sociale ?
Le processus a été long, nécessitant de passer par différentes étapes et obtenir des certifications de la Haute Autorité de Santé et de l'Agence nationale de santé. Nous avons mis en place une équipe spécialisée dans l’accès à ce marché. En 2021, nous avons fait l’acquisition de la société Betterise qui nous a permis d'accélérer notre déploiement et d'obtenir le premier remboursement en nom de marque pour la télésurveillance médicale en oncologie.
Aujourd’hui, nous sommes présents dans une centaine d'établissements en France et en Belgique, avec plus de 10 000 patients suivis. Nous sommes en phase d'accélération.
Quelles sont vos ambitions à long terme ?
Nous voulons que Resilience couvre d'autres maladies chroniques, en améliorant la vie des patients grâce au suivi à distance. Cela leur permettrait de passer moins de temps à l'hôpital et d'être moins inquiets, tout en ayant plus d'informations à leur disposition.
Nous visons un développement mondial, y compris dans les pays en dehors des zones occidentales, où le besoin est critique. Le digital peut grandement aider à pallier le manque de ressources médicales dans des pays comme le Mali, qui n'ont que très peu d'oncologues et où une solution digitale peut vraiment aider.
Est-ce que travailler dans la santé a changé votre vie ?
J'ai adoré mon aventure chez Leetchi et Mangopay. Ce fut une expérience entrepreneuriale enrichissante. Mais maintenant, ma place est chez Resilience. Tout ce que j'ai fait auparavant me prépare à être où je suis aujourd'hui, et j'en suis ravie.
Mon parcours m'a beaucoup appris et m'a permis de développer des réflexes entrepreneuriaux. Je prends des décisions plus rapidement tout en restant à l'écoute de mon entourage.
Quel conseil donneriez-vous aux entrepreneurs débutant dans la santé ?
Ces entreprises nécessitent des investissements financiers importants dès le départ pour fonctionner sérieusement. Il est crucial de respecter les procédures de développement et les réglementations, comme le Quality Management System et les exigences du marquage CE. La rigueur est essentielle pour garantir la sécurité et l'efficacité des produits destinés aux patients.