La première promotion de Forward College vient tout juste d’être diplômée. Lancée en 2021, cette école propose un bachelor, trois ans d’études après le baccalauréat, européen. Chaque élève les effectue dans chacun des trois campus européens de l'école : première année à Lisbonne, deuxième à Paris et troisième année à Berlin. Le diplôme délivré par Forward College n’est pas encore reconnu par l’État français mais il est en partenariat avec la prestigieuse London School of Economics et le King’s College. Avec Xavier Niel parmi ses investisseurs, Forward College délivre des diplômes en management, économie, politique, data science et psychologie.
Comment recruter des élèves qui ont aux alentours de 18 - 19 ans ? Comment élaborer un programme pédagogique adapté à leurs envies et à leurs besoins ? Comment former la Génération Z à intégrer des entreprises ? Ce sont les problématiques de Boris Walbaum, fondateur et président de Forward College. Les techniques de l’enseignement supérieur nouvelle génération sont plus proches des étudiants et suivent les évolutions de notre mode de vie… De quoi inspirer managers et recruteurs.
Comment imaginer un programme de formation pertinent ? Particulièrement dans l’enseignement supérieur ?
D’abord, il faut échanger avec différents profils. J'ai beaucoup discuté avec des recruteurs, des DRH de grands groupes, Jean-Claude Le Grand, directeur général des relations humaines de l'Oréal par exemple, des grands cabinets de chasse de tête comme Russell Reynolds Associates, des fondateurs de startup. C’était très important car ces interlocuteurs sont une partie de vos clients en tant que recruteurs, ils nous aident à définir où emmener les étudiants.
L’autre typologie de clients d’une école, ce sont bien sûr les étudiants. Il faut passer du temps avec des jeunes, à écouter ce qu’ils ont à dire, à s’intéresser à leurs centres d’intérêts et à les questionner sur la façon dont ils veulent apprendre.
Il est évident qu'on n'a pas envie d'étudier en 2024 comme on étudiait en 1994, il y a 30 ans. Pourtant, dans la plupart des établissements, la formation enseignée est la même.
Nous avons consacré beaucoup de temps à être auprès des étudiants, à comprendre leurs aspirations pour faire de Forward College le meilleur pont entre des jeunes curieux de découvrir le monde, d’explorer, de suivre leurs envies et des compétences fondamentales cognitives et intellectuelles comme la capacité d’analyse, la résolution de problèmes… Mais également des compétences émotionnelles, comme la résilience, la gestion du stress, le savoir-être, et des compétences pratiques comme la gestion de projet, le travail en équipe, le management etc.
Ces quatre intelligences, cognitive, sociale, émotionnelle et pratique, sont pour nous les piliers de notre enseignement et les véritables enjeux.
Peut-on faire un parallèle entre programme pédagogique d’enseignement supérieur et formation en entreprise ?
Jeffrey Sampson est l’un des fondateurs de Forward College à mes côtés, avec Céline Boisson (ex-Google et Youtube, ndlr). Il a été pendant 10 ans directeur monde du développement des talents chez Apple et a créé la Apple University. Il a travaillé à développer les compétences des ingénieurs et des commerciaux chez Apple.
La dimension d’innovation, de gestion de projet, de leadership, de capacité à travailler en équipe et à interagir, à gérer les difficultés en groupe, etc. sont des compétences au cœur de “l'executive education”. Nous nous en inspirons. Dans le même temps, notre dimension académique répond à la curiosité intellectuelle des étudiants.
Pour être un bon leader, il faut avoir des capacités émotionnelles, sociales, pratiques et également comprendre son environnement et le monde. Il faut savoir lire son environnement et le décrypter pour ensuite le partager à ses équipes et expliquer le sens de son action.
Quels conseils donneriez-vous à un recruteur pour réussir un entretien ? Comment bien juger son interlocuteur au moment d’un recrutement ?
L’entretien n’est pas, à mes yeux, une technique très fiable. Il vaudrait mieux passer une demi-journée ou une journée de test dans l’entreprise. Certes, c’est un coût important mais celui d’un mauvais recrutement est énorme.
Quand nous devons faire passer un entretien, nous utilisons la technique de Jeffrey Sampson. Nous sommes très contextuels dans nos questions. Nous demandons aux candidats de nous raconter des situations dans lesquelles ils ont été mis en difficulté. Nous sommes convaincus que leurs réponses nous permettent d’en apprendre beaucoup sur eux, leur capacité à encaisser, à être honnête, à être réflexif et à tirer des leçons. C’est, pour nous, fondamental. Nous allons creuser pendant plus d’une dizaine de minutes, surtout qu’il n’est pas possible de mentir dans cet exercice et d’inventer la manière de gérer telle ou telle situation.
C’est une technique que nous utilisons en entretien et qui est appliquée chez Apple dans le cadre de leurs recrutements.
De quoi ont besoin les jeunes pour s’épanouir dans une entreprise ?
Le secret est votre capacité à mailler le groupe social qui est votre entreprise. C'est-à-dire à créer un espace où les gens s'apprécient, s'entraident, deviennent potes. C'est ce que chacun cherche. Chacun restera dans une entreprise efficace, qui fonctionne bien, car il y a une super ambiance. Et cela parce que les collaborateurs se parlent, s’entraident, qu’il y a une diversité de backgrounds, de profils… C’est toute la dimension relationnelle.
Nous avons une approche éducative qui est basée sur cette approche, nous croyons à l’interaction. Les professeurs connaissent les étudiants, ont des rendez-vous individuels avec les étudiants une fois par mois. Nos élèves rencontrent un de leurs professeurs une fois par semaine, ce qui fait que nous ne sommes plus dans un rapport transactionnel mais rapport relationnel plus solide..
Nos étudiants se définissent comme une famille. Si c’est le cas dans votre entreprise, le churn ne sera pas un souci !
Quelle est la place du mentorat ? Est-ce indispensable en entreprise et dans un cursus scolaire ?
Nous avons mis en place un système de "peer mentors". Les étudiants de troisième année mentorent les deuxièmes années et les deuxièmes années s’occupent des premières années. Ceux qui sont aidés aident à leur tour et il y a une grande satisfaction de nos étudiants sur ce sujet-là. D’ailleurs, ils sont rémunérés pour cela.
Le mentor devient un compagnon de route, on ne parle pas que boulot. C’est très important lorsqu’on étudie loin de chez soi dans un pays étranger.
Le mentorat est quelque chose d’extrêmement puissant et pas assez développé dans les entreprises. Mais attention, ce n’est pas inné. Il faut former, encadrer les mentors.
C’est doublé, chez Forward College, de tutorat réalisé par les professeurs. Les élèves et leurs professeurs se rencontrent individuellement chaque semaine pour du feedback, car c’est la clé du progrès.