Dans l’écosystème tech, l’une des erreurs les plus pernicieuses est le manque de projection du CEO : une vision long-termiste, une planification intégrale qui couvre le lancement, le développement, et surtout, la fin. L’exit. Ce terme, encore tabou en France, est pourtant déterminant. CEOs, si vous ne pensez pas à votre rachat, IPO ou LBO dès le départ, vous exposez votre startup et vos collaborateurs à un risque majeur : l’échec. Si vous refusez d’y penser, les investisseurs le feront pour vous. Car eux l’ont bien compris : les Lego builders ne sont pas des Playmobil players.
En dehors du fait que le contexte économique est aujourd’hui plus propice aux exits qu’aux levées dû à la baisse des liquidités des investisseurs, l’exit reste le dénouement inévitable de toute aventure entrepreneuriale heureuse. Aucun CEO ne reste aux commandes de sa startup indéfiniment, sauf Elon Musk avec Tesla. Mais, c’est Elon Musk.
Évidemment, penser à la fin dès le départ est loin d’être un exercice agréable, ce qui explique sûrement pourquoi il est systématiquement négligé par les fondateurs. Lorsqu’on se marie, on ne veut pas penser séparation. Pourtant, le notaire demande de l’envisager avant la signature. Non pas pour préparer une fin dramatique, mais pour protéger les deux parties en anticipant l’ensemble des scénarios possibles, quelle que soit la forme que prendra cette union des années plus tard. Or, dans l’ébullition de l’écosystème tech, cette anticipation est d’autant plus importante qu’elle est histoire d'Hommes. A la différence d’autres structures, les assets d’une startup se résument à ses brevets, ses clients et son capital humain. Point. Ne pas anticiper la suite est une erreur stratégique aux impacts avant tout humains.
CEO, pour éviter cet écueil, il est primordial d'affronter vos peurs. La peur de faire fuir vos collaborateurs. La peur de partir trop tôt, ou trop vite. La peur de couper le cordon.
Les gens partent, dans tous les cas…
Concernant la rétention des talents, il ne faut pas se mentir : les gens partent. C’est inévitable. Le taux moyen de turnover dans les startups est de 25 %, soit le double de la moyenne nationale. Néanmoins, en abordant sereinement le sujet de l’exit avec vos équipes et en les impliquant dans ces discussions, vous verrez qu’ils s’investiront davantage, resteront plus longtemps et seront plus productifs. Mieux encore : en abordant ce sujet dès le départ, vous vous assurez de choisir des collaborateurs suffisamment matures pour s’engager à servir votre projet à toute étape de son développement.
Trouver le bon timing
La seconde peur récurrente est de trouver le bon timing. Comment savoir si on ne part pas trop tôt ? En occultant cette question, on risque de partir trop tard, ce qui est systématiquement douloureux, comme le partagent encore de nombreux entrepreneurs sur LinkedIn. Certains repères peuvent vous aider à discerner, comme la maturité des enjeux (internationalisation, partenariats…), ainsi que les indications du conseil d’administration restent des témoins stratégiques précieux.
Couper le cordon
Mais la peur réelle des CEOs, celle qui en tétanise plus d’un et induit en erreur nombre d’autres, est l’incapacité à couper le cordon. Réaliser que sa startup et soi-même sont deux entités distinctes, autonomes et indépendantes. Que ce projet, dans lequel tant d’énergie, de week-ends et de sacrifices ont été investis, doit continuer à grandir sans nous. Une vraie leçon d’humilité que les parents connaissent bien quand leur adolescent prend son envol. Penser à l’exit dès le départ est indispensable : pour éviter le déchirement, pour ne pas se sentir désœuvré ou dépossédé. Ce passage est inéluctable et sera douloureux s’il n’est pas préparé. Il pourrait même s’avérer dangereux, voire fatal, pour l’entreprise ou l’entrepreneur.
Définir ses objectifs
Pour toutes ces raisons, il est impératif de se demander dès le départ : qu’est-ce que je veux vraiment ? Pourquoi je me lance là-dedans ? Quel est mon objectif final, tangible, réalisable ? Qu’il s’agisse d’une maison en bord de mer ou d’un voyage en famille, ce rêve doit être réaliste, mesurable, accessible.
CEO, gardez en tête que vous n’êtes pas votre startup. Pis encore : vous n'êtes pas son commandant. Vous êtes le booster d’une fusée que vous avez pensée, dessinée et construite : sans vous, votre entreprise ne peut pas décoller. Mais pour qu’elle atteigne son objectif sans encombre, il est indispensable de se détacher une fois lancée sur la bonne trajectoire. Ni trop tôt, ni trop tard. Et ainsi vous assurer que votre fusée atteigne les étoiles.