En 2023, la directive CSRD a étendu les obligations de reporting de durabilité à un plus grand nombre d'entreprises, leur demandant de fournir des informations détaillées sur leur activité, en matière sociale. Ces informations portent notamment sur l’égalité des chances, les conditions de travail, le respect des droits de l’homme, les libertés fondamentales… Résultat ? 5 fois plus d’entreprises seront concernées d’ici 2028, soit 2000 entreprises françaises supplémentaires.
« Ces obligations ne visent pas nécessairement les startups, mais les touchent de façon indirecte, ce manque d’encadrement est un avantage mais peut aussi s’avérer être décourageant » précise Juliette Guillou, Senior Manager KPMG en France, chargée de l’offre sur le devoir de vigilance et les droits humains au sein du Centre d’Excellence ESG. « Si des startups veulent se lancer par conviction, et non par contrainte, elles sont bloquées par un manque de moyens, humains comme financiers, alors que cela constitue un vrai levier pour convaincre les investisseurs soucieux de leur performance sociale. »
Un devoir de vigilance renforcé pour 2024
La nouvelle directive européenne CS3D sur le devoir de vigilance, publiée en juillet 2024, impose des obligations strictes aux entreprises concernant les droits humains et les droits fondamentaux. Cette directive élargit le périmètre du devoir de vigilance déjà existant dans certains pays. En effet, depuis 2017, la France, s’était déjà saisie du sujet pour maîtriser les risques sociaux sur toute la chaîne de valeur. Les États membres ont désormais deux ans pour transposer cette directive, complétée par celle sur l’interdiction de l’importation des produits issus du travail forcé.
« En pratique, le devoir de vigilance comporte cinq étapes : la définition d’une politique globale de vigilance, l’identification des impacts négatifs réels ou potentiels, les réponses de gestion et d’atténuation de ces impacts, la mise en place de mécanismes d’alertes et de notification, et enfin la définition de dispositifs de suivi et des indicateurs » explique Rachel Brunet, Directrice adjointe des rédactions de la Presse sociale Lamy Liaisons.
Ainsi, la directive sur le devoir de vigilance impose aux grandes entreprises de prévenir, de stopper ou d’atténuer les impacts négatifs sur les droits humains. Les entreprises doivent veiller à ce que leurs sous-traitants respectent également ces obligations. Elles doivent instaurer des échanges constructifs avec les parties prenantes potentiellement impactées. Une autorité de suivi avec des pouvoirs de contrôle et de sanction sera mise en place dans chaque État membre.
Une obligation de reporting peu accessible
Les entreprises concernées devront inclure, dans leur rapport de gestion, les informations permettant de comprendre les incidences de l'activité de l’entreprise sur les enjeux de durabilité, notamment sociaux, ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l'évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation. Les informations communiquées par l'entreprise devront être certifiées par un commissaire aux comptes ou par un organisme tiers indépendant accrédité.
« Pour répondre à ce devoir de diligence raisonnable, des initiatives sectorielles se mettent en place : par exemple, un consortium de 15 entreprises du secteur des cosmétiques a créé un dispositif de traçabilité des chaînes d’approvisionnement » conclut Juliette Guillou. « Des entreprises prennent les devants, comme Michelin qui a instauré un “salaire décent” pour ses collaborateurs du monde entier. Certes, les enjeux de l’ESG permettent de prévenir les risques réputationnels ou juridiques, mais constituent aussi une opportunité business, facteur de différenciation et de compétitivité. »
A ce titre, l’accord national interprofessionnel relatif à la transition écologique et au dialogue social fournit aux acteurs du dialogue social des exemples et des bonnes pratiques afin de relever le défi de la transition écologique en entreprise. Cependant, il ne constitue qu’un guide de « bonnes pratiques » et un mode d’emploi pédagogique, sans intégrer de nouvelles obligations.
« Tout n’est pas limpide et de nombreuses questions se posent encore quant à leur mise en œuvre » conclut Rachel Brunet. « Les entreprises doivent absolument se tenir informées des évolutions de la réglementation en matière d’ESG pour se préparer aux différentes phases d’entrée en vigueur des nouvelles obligations, en se faisant accompagner par des professionnels ou en consultant une documentation juridique spécialisée, comme celle proposée par Lamy Liaisons. »