La stratégie du Blitzkrieg, ou "guerre éclair", a marqué l'histoire militaire par sa capacité à déstabiliser des forces bien établies grâce à une rapidité et une concentration des efforts sur les points faibles de l'ennemi. Popularisé entre autres par Reid Hoffman, cofondateur de LinkedIn, à travers le livre "Blitzscaling", ce concept explore l’état d’esprit derrière les croissances fulgurantes des startups de la Silicon Valley. Cependant, bien que le blitzscaling soit souvent associé aux startups de la tech de la Silicon Valley, nombre de ses tactiques et de ses avantages peuvent être utilisés dans pratiquement tous les types d’entreprises, indépendamment de leur marché, leur localisation, ou de leur financement.
La vitesse prime sur l’efficacité
Que l’on soit en guerre ou non, les principes du blitzscaling offrent de bonnes pistes à utiliser pour accélérer la croissance. Les grandes entreprises, malgré leur efficacité et leur puissance, sont souvent handicapées par leur lenteur, rappelant l'armée française avant la Seconde Guerre mondiale. En revanche, les startups, avec leurs risques calculés, peuvent tolérer des échecs plus facilement que les grandes entreprises, qui subissent des pertes financières significatives en cas de mauvaise décision. Ainsi, la vitesse devient un outil stratégique essentiel face à cette asymétrie de taille et de vulnérabilité.
La rapidité est parfois la meilleure arme contre les géants du marché. Prenons l’exemple des marques automobiles japonaises comme Honda et Toyota qui ont surpassé les constructeurs américains en produisant de nouveaux modèles en deux ans, contre trois pour leurs concurrents. Cette rapidité leur a permis de répondre plus efficacement à la demande des consommateurs, entraînant une chute dramatique des parts de marché des constructeurs américains, passant de 90 % à 74 % entre 1970 et 1988 en raison de l’augmentation des importations de véhicules japonais. En accélérant le rythme d'itération des produits, les entreprises peuvent améliorer leurs offres et mieux s'adapter aux besoins du marché.
Aller vite peut également pousser l'adversaire à faire des erreurs
Forcer un concurrent à réagir rapidement augmente le risque d'erreurs. Un exemple classique est Uber : ouvrir des villes sans attendre les autorisations locales a perturbé le marché des taxis, provoquant des manifestations qui ont attiré l'attention publique et multiplié par neuf la clientèle d’Uber le jour même. Les startups échouent souvent non à cause de la concurrence, mais de leurs réactions à celle-ci, une idée
applicable à toute démarche entrepreneuriale. Le Schwerpunkt, vision stratégique et point faible de l'adversaire dans la stratégie militaire Blitzkreig, correspond à la North Star Metric (NST) en startup.
Toyota, par exemple, avait pour NST le temps entre commande et livraison. Chez Coudac, notre NST est le nombre d'entreprises clientes dans 2 ou plus des business units du groupe, signe qu'elles ont été satisfaites de la première prestation qu'elles ont reçue. Des entreprises comme Airbnb, Uber et Quora adoptent des North Stars claires, alignant ainsi les efforts stratégiques.
La culture d'entreprise participe à l’hyper-croissance
Mais le Blitzkrieg n'est pas une formule magique. Aller vite vers un objectif rend vulnérable sur d'autres fronts. Il faut savoir quels feux éteindre et lesquels laisser brûler. Dans le livre "Blitzscaling", il est souvent recommandé aux startups de négliger le service client, ce qui n'est pas applicable pour les agences comme Coudac, où le service client est central. La vitesse impose une pression considérable, ce qui oblige à faire des choix éclairés et déterminer quelles batailles mener et lesquelles abandonner. Pour cela, six facteurs sont à prioriser: distribution, produit, modèle de revenu, opérations, compétition et vision future. Choisir un focus ne signifie pas ne jamais en changer ; la capacité de se réorienter rapidement est cruciale.
Les changements de paradigme dans l'histoire économique montrent que les monopoles d'hier peuvent mourir s'ils ne s'adaptent pas. Le cas de Blockbuster face à Netflix en est un exemple frappant : Blockbuster n'a pas su anticiper le virage numérique et a été balayé par Netflix. À l'inverse, Intel a su réorienter ses activités des puces mémoires vers les microprocesseurs pour survivre face à la concurrence japonaise, illustrant l'importance de l'agilité stratégique. L'agilité permet d'éviter les erreurs fatales et est essentielle pour trouver un modèle économique viable. Pour qu'une réorientation soit efficace, elle doit être déléguée au plus bas niveau de commandement. Le contrôle centralisé est souvent inefficace, menant à la résistance et à l'inertie. Le principe de l'Auftragstaktik, qui encourage l'initiative, la flexibilité et la réactivité, est crucial pour une adaptation réussie.
L'hypercroissance d'une entreprise ne doit rien au hasard et repose souvent sur une combinaison de facteurs internes et externes. Si les facteurs externes, tels que la taille du marché et l'intensité concurrentielle, définissent le potentiel global de croissance, ce sont les leviers internes, comme la culture d’entreprise, qui libèrent ce potentiel. Selon une étude de KPMG réalisée sur 1.834 entreprises françaises en hypercroissance, 40 % des répondants affirment que la culture d'entreprise et l'état d'esprit des collaborateurs sont des soutiens essentiels à la croissance, surpassant l'investissement, l'avantage concurrentiel et les moyens financiers. Une culture d'entreprise forte instaure une confiance au sein des équipes, créant un socle de valeurs communes et réduisant la nécessité de micro-gérer. Cette confiance permet une rapidité de prise de décision, essentielle dans une stratégie de Blitzkrieg. Une culture d'entreprise forte non seulement rassemble les troupes mais peut également intimider les concurrents.
Le rôle du commandant
La culture d'entreprise doit être incarnée par son chef, dont le rôle évolue avec l'entreprise. Dans "Blitzscaling", les auteurs décrivent une typologie des entreprises selon leur taille : famille, tribu, village, ville, nation. Le rôle du commandant varie : le fondateur tire les leviers de la croissance dans
une petite entreprise, adopte un rôle stratégique dans une entreprise de taille moyenne, et applique le Blitzkrieg à de nouveaux produits à grande échelle.
Qu’en est-il d’un dirigeant qui doit faire face à une attaque de blitzkrieg ? Pour se défendre contre un Blitzkrieg, il faut transformer une guerre rapide en une guerre d'usure. À l'image de Stalingrad, où les Allemands ont échoué en se dispersant, l'entreprise doit renforcer ses défenses, diversifier ses activités et retarder les initiatives de l'adversaire pour épuiser ses ressources. En prolongeant le conflit et en adaptant ses stratégies, elle peut non seulement survivre mais aussi se préparer à contre-attaquer efficacement, transformant une situation initialement défavorable en une opportunité stratégique.
Une fois le blitzscaling terminé, les entreprises doivent naviguer à travers plusieurs transitions essentielles : passer de petites équipes à grandes équipes, de généralistes à spécialistes, d’une culture centrée sur l’inspiration à une culture basée sur les données, et du rôle du fondateur à celui de dirigeant. Pour réussir ces transitions, la délégation efficace, l'amplification des forces internes et l'amélioration personnelle sont des piliers indispensables, permettant à l'entreprise de consolider ses acquis et de se préparer à sa prochaine phase de croissance.
Le blitzscaling n'est pas une solution miracle, mais plutôt un équilibre entre rapidité et prudence. Même les entreprises bien établies peuvent tirer parti de périodes de blitzscaling. Ces principes peuvent aider les entreprises à accélérer leur croissance, quel que soit leur secteur. Réagir rapidement et ajuster les produits peut secouer les marchés établis et créer des avantages.