« Je ne suis pas du tout un DRH, ce n’est pas ma formation ! Le patron de Covea est venu me chercher pour ma capacité d’engagement. Moi, je viens de la police nationale, je me suis occupé du RAID », s’est présenté Amaury de Hauteclocque au public de 300 personnes réunies pour l’occasion dans les salons Hoche.

Au RAID, on le devine, le leadership n’est pas une option. « C’est comme une rivière souterraine, a indiqué Amaury de Hauteclocque. Vous êtes entouré de collaborateurs qui ont les mêmes valeurs que vous, qui veulent servir leur prochain. Ils ont réussi des sélections très difficiles, où malgré les apparences ce qu’on juge, ce n’est pas leur performance physique, mais leur capacité de résistance au stress et leur compréhension d’événements même infimes, ce qui les rend capables de réagir en permanence. De quoi ont-ils besoin ? D’exemplarité. La situation n’est jamais celle qu’on a prévue. L’exemplarité, c’est l’engagement de chacun à tous les échelons, pour instaurer la confiance. Votre équipe doit constater que vous êtes là, à leurs côtés, sur le terrain. Le premier opérateur de la colonne ouvre la porte parce qu’il a toute l’équipe derrière lui et parce que le chef est parmi eux. »

« L’agilité, ça ne veut rien dire, c’est la réactivité qui compte »

En arrivant chez Covea il y a 10 ans, Amaury de Hauteclocque a relevé plusieurs éléments qui nuisent au bon fonctionnement des équipes. « J’ai noté un flou dans la responsabilité, autour d’une comitologie confuse. Beaucoup de réunions, peu de décisions. Et des ambitions qui souvent étaient personnelles. J’ai retrouvé la peur, une peur certes différente de la peur qu’on connaît au RAID : celle de perdre son job. »

Pointant le droit à l’erreur, dont on parle beaucoup dans l’entreprise, mais plus on en parle, moins on y croit », l’actuel DG des Coopérations humaines de Covéa a raconté une histoire personnelle très éloquente. « Pour ma première mission au RAID, j’ai négocié toute une nuit devant un pavillon vide. On avait estimé que si le preneur d’otages ne répondait pas, c’est qu’il était particulièrement déterminé. Que faire quand on a des informations parcellaires et qu’il faut tout de même prendre une décision ? Eh bien, une fois sur deux, comme tout le monde, je me trompe ! Est-ce grave? Si vous pouvez réarticuler votre dispositif, c’est là que la réactivité compte.»

Autre valeur passée au crible par Amaury de Hauteclocque : l’agilité. « J’en entends parler à tout bout de champ, mais l’agilité, ça ne veut rien dire, c’est la réactivité qui compte. On a envoyé un très mauvais signal à l’occasion du Covid : on a, pour certains, établi qu’il était possible de rester chez soi et d’être payé sans faire grand-chose. »

Réservé sur l’efficacité du télétravail sur l’esprit d’équipe, l’ancien du RAID s’est emparé chez Covea du sujet de l’absentéisme.

« En 2023, 56% de nos arrêts de travail concernaient des collaborateurs de moins de 40 ans. Nous avons aussi étudié le multi-absentéisme (plus de trois arrêts d’une semaine, sur une durée d’un an). Devinez ? Chez nous, 68% des multi absentéistes ont également moins de 40 ans. Et un salarié sur deux qui a moins de 40 ans et qui est multi-absent cumule moins de cinq ans d’ancienneté chez nous. Cela dit exactement l’inverse de nos baromètres internes, selon lesquels les nouveaux arrivés sont satisfaits de leur job ! Voilà pourquoi je milite pour l’exemplarité et pour une vraie responsabilisation des équipes. Plus les outils deviennent collaboratifs et moins on se croise, moins on échange, et au final moins on se connaît. Comment faire confiance à quelqu’un qu’on ne croise que rarement ? Comment embarquer quelqu’un qu’on ne voit jamais? Les années qui viennent seront celles du retour nécessaire au collectif, seule vraie source de valeur, de production de valeur. »