« Avec leurs difficultés d’accès aux financements, les startups de la tech font face à des problèmes de trésorerie. Et si elles ne traitent pas le problème suffisamment tôt, la conséquence certaine est le dépôt de bilan. » C’est le constat que dresse Antoine De Chomereau, associé dans le service prévention et restructuration du groupe d’audit Grant Thornton, qui accompagne de plus en plus de startups du digital en difficulté.

Une tendance que note également Thierry Vandewalle, associé du fonds d’investissement Wind Capital, qui aide également les startups à surmonter leurs difficultés. « L’innovation marche par cycles, l’argent a coulé à flot jusqu’en 2021. On a testé différents modèles, maintenant il faut que ces boîtes deviennent rentables, parfois au prix de restructuration », estime l’investisseur, pour qui le contexte n’est pour autant pas « morose. » « Nous ne sommes pas en crise, l’économie va bien, les entreprises ont des clients. L’argent est simplement moins disponible pour les startups de la tech, c’est la fin d’un cycle. Désormais, les investisseurs ne financent plus la transition numérique, nous sommes passés à la transition écologique », précise Thierry Vandewalle.

« Elles se retrouvent dans une impasse de trésorerie »

Dans ce contexte, les professionnels s’appuient sur les outils de restructuring pour aider les startups en difficulté. Antoine De Chomereau commence par réaliser un diagnostic permettant de déterminer les causes des difficultés, d’identifier les perspectives de la société et sa capacité à proposer des pistes de solutions. « Nous intervenons en tant que tiers indépendant, nous sommes crédibles par rapport aux créanciers, avec qui nous engageons ensuite une phase de négociation. »

Car l’idée pour les startups est avant tout de gagner du temps. « Les entreprises se retrouvent souvent dans une impasse ponctuelle de trésorerie et doivent tenir jusqu' à une levée de fond ou l’atteinte d’une rentabilité qui peut prendre plusieurs mois. Elles réduisent la voilure mais ont souvent besoin d’un peu de temps avant que leurs efforts ne portent leurs fruits », souligne Antoine De Chomereau, qui leur propose ainsi des leviers de financement permettant de gagner quelques mois précieux, sous forme de bridge notamment.

Une startup qui a mis au point une solution de paiement en ligne s’est ainsi retrouvée avec de gros problèmes de trésorerie. « Nous avons commencé par geler ses dettes bancaires et accélérer le recouvrement de son crédit impôt recherche afin de gagner le plus de temps possible », précise Antoine De Chomereau.

De 100 à 50 salariés

Selon Thierry Vandewalle, la restructuration passe d’abord par la chasse aux dépenses inutiles. Et un retour à une croissance plus raisonnable. « Il n’est pas rare de voir les startups passer de 50 à 20 % de croissance », souligne l’investisseur qui estime que cette tendance au restructuring existe depuis 2, 3 ans. Pour la plupart des sociétés, il a fallu un an en moyenne pour se recaler. Une startup spécialisée dans le crédit conso, qui a connu une croissance délirante entre 2017 et 2021, en prenant beaucoup de parts de marché, a notamment dû faire passer ses effectifs de 100 à 50 salariés, avec des licenciements.

« Pour devenir rentable, elle a dû se poser et arrêter les activités qui n’étaient pas vraiment utiles ou réduire les dépenses qui pouvaient l’être. Parfois, il suffit d’arrêter de travailler avec certains prestataires, de redimensionner son service communication, ou de quitter un pays dans lequel le business n’est pas florissant. On arrive assez rapidement à faire 30 % d’économie. Mais souvent, ça ne suffit pas », précise Thierry Vandewalle. A ce moment-là, la startup doit donc entrer dans une phase plus complexe en revoyant son business model. « L’idée est de se demander si on peut vendre plus cher ou optimiser son revenu avec des services additionnels », complète l’investisseur.

« En intervenant tôt, on maximise les chances »

Pour Antoine De Chomereau, l’enjeu est surtout de traiter le problème le plus tôt possible. « Compte tenu du profil des startups et, souvent, de leur faible connaissance du milieu financier, elles vont attendre le plus longtemps possible pour déposer le bilan. Dans ce cas, l’administrateur qui va intervenir n’aura pas le temps de trouver une solution. C’est pour cela que la clé est l’accompagnement. En intervenant suffisamment tôt, on maximise les chances de trouver une solution. D’autant que souvent, il suffit d’être orienté vers les bons acteurs. » Grant Thornton travaille également avec un réseau de financeurs, de banques spécialisées capables d’intervenir dans des situations complexes. « Contrairement aux banques traditionnelles, elles peuvent intervenir auprès des startups en difficulté, avec des garanties importantes. C’est un autre levier accessible aux entreprises en difficulté. »