La crise de l’eau concernera 25 % de la population mondiale en 2030. Et cela ne va pas s’améliorer : selon les projections du World Resources Institute, think tank spécialisé dans les questions environnementales, la raréfaction des ressources hydriques est malheureusement amenée à s'aggraver dans les décennies à venir, en raison du dérèglement climatique, mais aussi de la croissance et du développement de l'urbanisation… « On ne peut plus se permettre de gaspiller l’eau, c’est une aberration de ne pas recycler et réutiliser les eaux grises, issues d’une douche, d’un lavabo et d’un lave-linge, pour des tâches ne nécessitant pas une eau potable », explique Pierre Magnes, gérant de Firmus, société implantée à Clermont l’Hérault (Occitanie) et administrateur délégué de sa base commerciale FGWRS (Firmus Grey Water Recycling System), à Monaco.

FGWRS commercialise une technologie de recyclage des eaux grises renvoyées vers les chasses d’eau, douches, lavabos, machines à laver, lavage des sols ou systèmes d’arrosage. « 80 % des eaux grises des bâtiments (sauf eaux de cuisine et eaux usées) pourraient être récupérées, ce qui représenterait une économie d’eau potable d’environ 50 %. Les calories contenues dans les eaux grises traitées peuvent être valorisées et utilisées pour le préchauffage de l’eau chaude sanitaire », ajoute le dirigeant.

Une technologie validée par l’agence spatiale européenne

FGWRS n’est pas la seule société positionnée sur le traitement des eaux grises. Mais la startup peut se targuer de voir sa technologie validée par la fondation Solar Impulse Bertrand Piccard. Elle est issue de travaux de Recherche pour l’Agence spatiale européenne. « Depuis 2005, on recycle les eaux grises de la station de Recherche Franco-Italienne Concordia en Antarctique, complètement isolée du monde, comme le serait dans l’espace une équipe de l’ISS… Ce système produit jusqu’à 2.800 litres d’eau recyclée par jour, sans jamais aucun problème technique ni sanitaire. Des analyses sont faites toutes les semaines par le médecin de l’Agence spatiale européenne. On a la garantie d'apporter une eau de qualité parfaite en sortie de notre procédé qui, a minima, peut être utilisé pour alimenter les WC mais qui pourrait l’être aussi pour alimenter les douches, les lavabos voire de la potabilisation. »

Vers une ouverture du marché français

Créée en 2017, la startup maintenant Alumni de l’incubateur monégasque MonacoTech a dans un premier temps investi le marché monégasque. Après des opérations pilotes au Fairmont Hotel et au Musée océanographique, FGWRS traite les eaux de la piscine du Yacht-Club de Monaco depuis l’été 2023 et a été sélectionné pour des opérations de promotion immobilière (notamment le siège de la banque UBS ou la rénovation d’un immeuble résidentiel, le Schuylkill). « Monaco a servi de laboratoire », s’enthousiasme Pierre Magnes qui s’attaque à l’arc méditerranéen mais pas seulement. FGWRS traite les eaux de douche de la Mosa Ballet School à Liège. FGWRS a également obtenu une commande pour un bâtiment collectif à Montpellier. « À ce jour, nous avons permis d’économiser plus de 10 millions de litres d’eau potable sur plusieurs sites installés dans différents projets. »

FGWRS s’attaque au marché des maisons individuelles

La société monégasque, dont l’actionnaire principale est Sylvia Ratkowski, est à la croisée des chemins. Le marché français devrait bientôt s’ouvrir et lever ses contraintes réglementaires dans le cadre du Plan Eau. « En France, si on veut recycler des eaux grises dans un bâtiment collectif, un hôtel ou un centre sportif, il faut une dérogation des ARS. Un décret devrait sortir cet été pour codifier la possibilité d'utiliser des eaux grises traitées vers des usages qui concerneront les chasses d'eau, l'arrosage, le lavage du linge et le lavage des WC. » FGWRS, qui traite déjà depuis 2020 les eaux grises des vestiaires d'entraînement du tournoi de Roland-Garros (sous contrôle des ARS de la ville de Paris), s’est positionné sur les secteurs consommateurs d'eau, les bâtiments, les piscines et les blanchisseries. « Nous avons réalisé une première installation industrielle sur un site du 4e groupe de blanchisseries français, qui envisage d’équiper toutes leurs blanchisseries d’ici 2030. Toutes les installations classées qui consomment plus de 10.000 m3 d’eau par an sont soumis aux arrêtés sécheresse qui en fonction des niveaux d'alerte, leur imposent de diminuer de 5, 10, 20 ou 30 % de leur consommation. Pour eux, c’est une véritable épée de Damoclès sur la tête ! »

Pour se développer, après des investissements en fonds propres soutenus par son actionnaire majoritaire, FGWRS envisage d’ouvrir son capital social en 2024. « Nous avons besoin de financer notre développement et notre croissance », annonce le dirigeant. Le groupe affiche un chiffre d’affaires de 1.650.000 €. Objectif en 2028 : 5 millions d’euros avec le développement de partenariats à l’international dès 2025 via un réseau d’experts en traitement de l’eau dans différents pays cibles. En plus du marché des bâtiments collectifs, FGWRS s’attaque en effet à celui des logements individuels avec ses Home Stations. La startup vient de signer un contrat de collaboration avec la société spécialiste de l’équipement sanitaire SIAMP pour passer à l’échelle industrielle. Implanté sur les cinq continents, le leader des solutions de chasse en France, créé en 1947 à Monaco, amène ses 7 usines et 9 filiales commerciales à travers le monde. « Cette collaboration permettra d’intégrer notre savoir-faire industriel dans les structures métalliques et la plasturgie et de faire le sourcing sur les composants à l’achat », explique-t-on chez SIAMP.