« Nous sommes confrontés à la fois à la raréfaction des ressources en eau, à une dégradation de sa qualité, et aussi au vieillissement des infrastructures et des réseaux eau ». C’est avec ces mots que Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des Territoires introduit la soirée anniversaire du collectif aquagir qui réunit des acteurs et experts de l’eau (la Banque des Territoires, le BRGM, l’ANEB, le Cercle français de l’eau, les pôles de compétitivité de la filière eau Aqua-Valley et Aquanova et l’Union des Industries et des Entreprises de l’eau). Le collectif a soufflé en cette soirée du 4 juillet sa première bougie avec un bilan « impressionnant » à la mesure des défis à relever pour l’écosystème français de l’eau.
aquagir, un an d’existence
Et pour cause, reprend Kosta Kastrinidis : « Au cours des 15 dernières années, on estime que la réserve d’eaux renouvelables a diminué de près de 15%, un tiers des réserves d’eaux souterraines sont questionnables en termes de bon état au sens de la directive cadre sur l’eau, et plus de 50% des réseaux d’eau de notre pays ont plus de cinquante ans. La durée de vie d’un réseau d’eau est estimée à 50-60 ans, et au rythme actuel, il faudrait probablement 150 ans pour pouvoir rénover l’ensemble de ces réseaux ». Il y a donc nécessité d'accélérer le rythme d’investissement et d’augmenter le volume des projets portés par les acteurs publics locaux.
C’est ce qui a poussé la Banque des Territoires à « structurer un programme Eau qui vise à accompagner l’ensemble des porteurs de projets et à fédérer l’écosystème de nos partenaires pour pouvoir apporter de meilleures réponses ». À ce titre, aquagir propose une plateforme d’accompagnement des collectivités locales dans leurs projets de gestion de l’eau. Propositions d’actions concrètes et opérationnelles, retours d’expériences, articles d’experts, moteur de recherche de financements, assistance physique, aquagir.fr propose également une marketplace qui met en relation les collectivités locales avec l’ensemble des acteurs publics et privés de l’écosystème de l’eau. L’ambition est claire : faire connaître les solutions existantes et les dernières innovations dans le domaine de l’eau, inspirer, et in fine faciliter le passage à l’action des collectivités
À terme, le programme a vocation à intégrer des solutions de data science pour être au plus près des besoins des porteurs de projets qui disposeront ainsi d’une « vision de l’état de la ressource à la fois quantitative et qualitative », mais aussi aider à la prise de décision des différents métiers de la Banque des Territoires, qui accompagnent et financent porteurs de projets et collectivités locales.
La piste des solutions fondées sur la Nature
Après un an d’existence, aquagir connaît déjà quelques premiers retours positifs. « L’un des bénéfices immédiats est la mise en avant de l’innovation de nos entreprises, notamment les TPE-PME qui représentent une grande partie des adhérents des pôles Aquanova et Aqua-Valley (400 sur 550 adhérents) », commente Hervé Gaboriau, directeur général Centre-Val de Loire du pôle Aquanova.
Ces informations sont bienvenues : « Les questions sont nombreuses », rappelle Pierre Pannet, directeur adjoint de la direction des actions territoriales du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). En cause, un contexte d’urgence : « Il y a des territoires où le manque d’eau est criant. Les Pyrénées-Orientales souffrent depuis trois ans de sécheresse majeure. Les citoyens et les élus ont besoin de réponses concrètes et rapides. C’est pour cela que nous devons informer ». Il n’y a pas de recette miracle dans une bonne gestion de la ressource en eau. « Les meilleures réponses viendront de la connaissance des milieux et de l’évolution des usages dans le contexte du changement climatique », reprend-il.
C’est dans ce contexte que la soirée s’est conclue sur la présentation de la première édition du « Panorama de l’Eau 2024 – les solutions fondées sur la nature », en collaboration avec Maddyness, le collectif aquagir et la Banque des Territoires. Ce livre blanc évoque de manière documentée les alternatives durables, fondées sur le Vivant, susceptibles d’inspirer des solutions plus performantes de gestion de l’eau : végétalisation des milieux urbains, aménagement des noues paysagères ou agroforesterie. Ces solutions fondées sur la Nature, dites « SfN », présentent l’avantage d’être « frugales, de préserver la biodiversité tout en étant économiquement viables », analyse Etienne Portais, co-fondateur et rédacteur en chef de Maddyness.
Les SfN un sujet plus que jamais d’actualité puisque le 9 juillet dernier une instruction interministérielle a précisé aux préfets les conditions de la mise en œuvre du plan Eau de mars 2023 et notamment la mesure 30 qui porte sur le lancement de 70 projets d’opérations phares (10 par grand bassin hydrographique) labellisées « Solutions fondées sur la nature » à des fins de démonstrateurs de lutte contre les sécheresses, en particulier pour la restauration des zones humides, la renaturation ou encore la restauration des cours d’eau, indique l’instruction.
La preuve si on en doutait que l’innovation peut être utile à tous, économiquement viable… et frugale.
