En TGV, Rennes ne se situe qu’à 1h30 de Paris. Mais les startups bretonnes doivent souvent sortir les rames pour attirer l’attention des fonds parisiens, incontournables pour faire décoller de futures pépites tricolores. Néanmoins, les choses évoluent année après année, avec un écosystème breton, emmené par ses deux capitales labellisées French Tech (French Tech Rennes Saint-Malo & French Tech Brest Bretagne Ouest), qui veut se faire de plus en plus entendre au travers de plusieurs événements, dont Startup on the Beach à Saint-Malo en ce début de mois de juillet.

Avant un deuxième tour des élections législatives anxiogène, qui s’est finalement soldé par une victoire surprise du Nouveau Front Populaire de la gauche, les acteurs de l’écosystème breton se sont réunis dans la cité corsaire, avec l’espoir de permettre aux startups locales de capter des fonds pour accélérer leur développement et se donner un peu d’oxygène. Et ce dans une période de fortes incertitudes, où les préoccupations politiques sont venues se greffer aux inquiétudes liées à un robinet du capital-risque dont le débit s’est fortement réduit depuis deux ans.

«Intéresser l’écosystème d’investissement parisien à ce qui se passe sur notre territoire»

C’est dans ce contexte que 35 startups bretonnes ont pitché leurs projets respectifs durant une dizaine de minutes au Palais du Grand Large, à Saint-Malo, devant une vingtaine d’investisseurs de tous horizons (business angels, fonds d’investissement, banques…), avant de pouvoir éventuellement s’entretenir avec certains en tête-en-tête pour décrocher un deal. Parmi eux, il y avait plusieurs structures parisiennes, à l’image de CapHorn Invest, Omnes Capital, Raise Sherpas ou encore Blast.Club, le club d’investissement d’Anthony Bourbon. Et celles-ci étaient particulièrement convoitées par les acteurs locaux lors de cette 9e édition de Startup on the Beach.

«C’est un événement qui grandit, mais qui est resté fidèle à ce qu’on voulait faire. Nous voulions intéresser l’écosystème d’investissement parisien à ce qui se passe sur notre territoire. Et chaque année, ça monte en puissance avec des fonds qui se déplacent. L’année dernière, on avait eu Daphni par exemple. Cette année, des représentants de Blast ont fait le déplacement. Il nous a fallu quelques éditions pour trouver le bon modèle», observe Daniel Gergès, directeur général du Poool, structure qui chapeaute la French Tech Rennes/Saint-Malo.

204 millions d’euros levés par les startups bretonnes au premier semestre

Lors de cette édition 2024, ce sont 54 millions d’euros qui étaient recherchés par les startups bretonnes, contre 28 millions d’euros l’an passé. Ces plus grandes ambitions sont en adéquation avec un écosystème local qui repart de l’avant depuis le début de l’année. En effet, les levées de fonds en Bretagne ont bondi lors du premier semestre, avec 204 millions d’euros captés par les jeunes pousses bretonnes sur les six premiers mois de l’année, contre 119 millions sur la même période un an plus tôt.

La région peut même se targuer d’avoir déjà fait beaucoup mieux en 2024 que sur la totalité de l’année 2023, qui s’était soldée avec 138 millions d’euros d’investissements. Parmi les sociétés qui tirent l’écosystème breton vers le haut, on peut citer notamment Unseenlabs, startup rennaise qui déploie des satellites dédiés à la surveillance maritime. Celle-ci s’est ainsi distinguée en début d’année avec une levée de fonds de 85 millions d’euros. «Lors de notre première levée de fonds de 7,5 millions d’euros en 2018, c’était une nouvelle façon de faire du spatial. On ne rentrait dans aucune case à l’époque. Finalement, Breizh Up (le fonds de co-investissement de la région Bretagne, ndlr) est arrivé. On les remercie car nous n’avions encore envoyé aucun satellite dans l’espace», se remémore Clément Galic, co-fondateur et CEO d’Unseenlabs.

Réduire le quasi-monopole de la tech parisienne

Le patron de la startup rennaise espère que son histoire amènera d’autres réussites au niveau local. Et si nous sommes loin des montants astronomiques de la tech parisienne, comme en témoigne le tour de table de 600 millions d’euros de Mistral AI il y a un mois, la dynamique est bel et bien enclenchée en Bretagne et elle monte en puissance. «L’écosystème est mature et les startups sont de plus en plus ambitieuses», relève ainsi Daniel Gergès.

Avec des événements comme Startup on the Beach ou l’Imagine Summit à Rennes, prévu en décembre prochain, la tech bretonne veut sortir du bois et prouver que l’écosystème tricolore ne doit pas se résumer qu’à Paris et Station F. Si le trait est volontairement grossi, c’est pour mieux souligner l’importance pour les régions françaises de tirer leur épingle du jeu. La Bretagne mais aussi la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec notamment Grenoble qui se rêve en «Silicon Valley» à la française grâce à la force de frappe de son écosystème deeptech, ont des atouts à faire valoir. Décentraliser un écosystème encore trop parisien (5,1 milliards d’euros ont été levés en Ile-de-France en 2023 sur les 8,3 milliards investis au total dans les startups françaises), c’est en effet l’un des défis à relever pour la French Tech durant les prochaines années.