A l’image du numérique et des algorithmes, l’Intelligence Artificielle (IA) n’est plus un concept de demain. Elle est une réalité d’aujourd’hui. Omniprésente dans la grande majorité des secteurs, cette innovation de « rupture » transforme nos modes de pensée et nos économies. Comme la machine à vapeur, l’électricité ou l’Internet, elle représente une nouvelle révolution industrielle qui ne doit susciter ni excès d’optimisme ni pessimisme exacerbé.

Le rapport piloté par Anne Bouverot et Philippe Aghion récemment remis au président de la République est sans appel. La généralisation de l’IA pourrait conduire en dix ans en France à une hausse du PIB comprise entre 250 et 420 milliards d’euros. Soit l’équivalent de la valeur ajoutée de l’industrie dans son ensemble ! Il s’agit d’une opportunité économique fantastique à l’heure où les gains de productivité sont nuls sur notre continent.

Pour la saisir, il faut tout mettre en œuvre pour faire de la France et de l’Europe des champions de demain dans le domaine. L’irruption de l’IA recompose la compétition économique mondiale et les relations internationales. Nous le savons, la Chine et les Etats-Unis ont fait de l’IA l’un des piliers de leur stratégie de puissance et d’influence. Plusieur leviers peuvent être actionnés pour permettre la montée en charge de la compétitivité du bloc européen.

Un plan de formation de nos concitoyens aux enjeux de l’IA reste nécessaire pour permettre une acculturation et sortir des fantasmes. L’accès aux données doit être facilité. Un principe « d’exception IA », proposé par Anne Bouverot et Philippe Aghion, pourrait être instauré dans la recherche publique pour libérer les chercheurs des contraintes administratives et rendre les rémunérations plus attractives. Notre pays peut également compter sur des atouts de taille, à l’image de notre longue tradition d’excellence en mathématiques et en sciences de l’information. Nous parlons aussi d’un domaine pour lequel les besoins de financement sont immenses. A court et moyen terme, il faut pouvoir réorienter l’épargne européenne et française vers le financement de la recherche en IA et de son développement.

L’innovation, enfin, ne peut ni ne doit devenir une fin en soi. Évitons, comme Icare, de trop nous rapprocher du soleil, et rappelons-nous qu’innover « à la frontière » ne signifie pas innover sans frontières. Face à certaines applications qui ressuscitent les morts ou reproduisent des voix humaines sans autorisation, je crois que l’échelle européenne est la bonne pour mettre en place une éthique de l’innovation en matière d’IA, éthique qui reste à inventer.