Chaque année, les Français achèteraient pour 2,7 milliards d’euros de fleurs et plantes vertes. Et si le vert reste une valeur sûre, que ce soit pour offrir ou décorer des espaces de vie ou de travail, le secteur connaît de profondes mutations depuis quelques années.
Commandes en ligne et digitalisation, relocalisation de la production, meilleure prise en compte de la biodiversité… Nous sommes allés à la rencontre de deux expertes du sujet : Sabrina Ananna, la fondatrice d’aKagreen, une entreprise française spécialisée dans la végétalisation de bureaux en intérieur et en extérieur, et Hortense Harang, qui a cofondé Fleurs d’Ici, une plateforme de vente de fleurs éthiques et 100% françaises.
Reverdir les bureaux et les villes
Lorsqu’elle lance aKagreen en 2016, Sabrina Ananna s’adresse d’abord aux particuliers pour reconnecter les urbains à la nature grâce aux plantes… mais change rapidement son fusil d’épaule. Elle reçoit en effet de nombreuses demandes de la part d’entreprises et startups qui souhaitent végétaliser leurs bureaux, et décide de se spécialiser dans cette activité. Son crédo : (re)faire du “vivant”.
“Dans les années 1990 et 2000, on s’est mis à installer des plantes en plastique puis des plantes stabilisées, sorte de végétaux empaillés, un peu partout, résume l’entrepreneuse. Mais heureusement l’intérêt pour les plantes vivantes renaît depuis quelques temps. Chez aKagreen, nous prônons la biophilie, littéralement “l’amour du vivant”, car seules les plantes vivantes peuvent avoir un impact positif sur le moral et le bien-être des collaborateurs.”
Plus question d’artificiel, ni de “mettre une plante seule punie dans un coin de salle de réunion et qui prend la poussière”. Pour ses clients, elle imagine de véritables scénographies végétales, qu’elle rend immersives. “En extérieur, on travaille sur les couleurs, les odeurs et les textures, pour proposer des espaces où la biodiversité est préservée et encouragée et où les collaborateurs peuvent se ressourcer et se reconnecter au vivant. On s’inspire aussi davantage de la nature avec des compositions qui rappellent les prairies en campagne ou la forêt, on veille à choisir des plantes 100% locales et plus résilientes face au changement climatique.”
Sabrina Ananna contribue ainsi pas à pas à “revitaliser les bureaux et les villes”, en se basant sur les concepts d’écologie urbaine et de biodiversité.
“Les plantes et le végétal sont de mieux en mieux intégrés dans les villes et le bâti, notamment sous l’impulsion de nouvelles réglementations, de labels et de politiques RSE de plus en plus ambitieuses, avec par exemple la végétalisation d’espaces autrefois laissés de côté ou inaccessibles comme les toits techniques. Surtout, on anticipe et on intègre ces éléments aux projets plus en amont !”, résume-t-elle.
Les nouvelles technologies ont aussi largement contribué, nous explique Sabrina Ananna, à ce processus : “ Aujourd’hui il est possible de mesurer de façon directe l’impact du vert sur la baisse des températures en ville grâce à la création d’îlots de fraîcheur par exemple”.
aKagreen a développé ses propres outils numériques. L’application Green Akademy permet aux usagers d’un bureau verdi de suivre l’évolution de leurs plantes et d’apprendre à en prendre soin. Sabrina Ananna voit cet outil comme une “porte d’entrée” vers une sensibilisation plus large aux questions environnementales et à l’amélioration des comportements face aux différentes crises que nous traversons, “en incitant par exemple chacun à calculer son bilan carbone, ou en proposant des contenus média informatifs.”
9 fleurs sur 10 étaient importées
Hortense Harang s’appuie également sur la tech. Sa startup est née du constat que “la nature change selon les saisons, mais que l’on retrouve toute l’année les mêmes fleurs chez la plupart des commerçants”. Pas moins de 9 fleurs sur 10 seraient importées. Et même lorsqu’elles sont produites en France, elles doivent repasser, une fois cultivées, par les Pays-Bas, avant d’être renvoyées dans l’Hexagone. Résultat : “3000 kilomètres parcourus en camion réfrigéré”... et un bilan carbone désastreux.
“Nous avons la chance de pouvoir faire mieux, explique Hortense Harang. Les fleurs sont l’une des rares productions agricoles qui soient très rentables sur de petites surfaces, et qui nécessitent peu d’investissements au départ. Par conséquent, on trouve beaucoup de néo ruraux en reconversion qui sont sensibles à l’idée du bouquet 100% français, et prêts à nous accompagner dans cette démarche.”
La difficulté se trouvait plutôt dans la gestion des processus et l’industrialisation des flux entre producteurs, commerciaux, logisticiens et clients. “Ce point de rencontre n’existait pas encore, il fallait le créer de toute part !”, se souvient Hortense Harang.
Fleurs d’Ici comme aKagreen semblent avoir un bel avenir devant elles. Leurs fondatrices constatent que fleurs et plantes ont un point commun : être un moyen particulièrement “visible et impactant” pour les entreprises de communiquer sur leur politique RSE et de l’appliquer au quotidien. “Ce n’est pas uniquement une question de patriotisme économique, souligne Hortense Harang, mais plus largement une démarche de fond sur la biodiversité que nous menons. Les acteurs y sont sensibles.”
Lors des prochains Jeux Olympiques et Paralymiques, c’est elles qui fourniront les bouquets et plantes vertes… qui seront bien vivants, et locaux !