Eric Larchevêque, en retrait de Ledger depuis bientôt cinq ans, a fait du coaching son activité principale. Depuis septembre dernier, Eric Larchevêque reçoit, jusqu’à deux fois par semaine, des petits groupes d’entrepreneurs, dans son domaine au cœur de la Sologne. Au programme : session de travail pour débloquer les problématiques business des participants, balade en forêt avec le garde-chasse du domaine et apéro. Maddyness s’est glissé dans la trentième masterclass du Domaine Larchevêque, la dernière de cette année scolaire.
Mardi matin, 8h30, dans la grande salle à manger. Amandine, Laure, Alexandre, Nicolas et Charlotte prennent leur petit-déjeuner. Ils sont arrivés la veille au Domaine Larchevêque, ils ont eu brièvement le temps de faire connaissance et d'échanger autour de leurs parcours et de leurs attentes. Ils seront bientôt rejoints par Julien et un duo de frères entrepreneurs : David et Raphaël. Chacun de ces chefs d’entreprise est venu régler une ou plusieurs problématiques pendant cette masterclass. Ils connaissent tous Eric Larchevêque grâce à sa participation dans l’émission de M6, “Qui veut être mon associé ?”, où il est l’un des jurys-investisseurs depuis la première saison diffusée en 2019.
«Un côté un peu fan club»
Le rencontrer, échanger, découvrir les coulisses du show télévisé, se mettre un peu dans la peau d’un entrepreneur de l’émission, c’est aussi une motivation. «Je suis complètement à l'aise avec ça parce que ça fait partie de l'expérience et que ces gens-là ont une entreprise qui fonctionne. Il y a un côté un peu fan club, on fait des photos… c'est normal. Mais il y a un vrai sujet, des problématiques, une vraie entreprise et derrière on bosse !», assure Eric Larchevêque. Pour passer deux jours à ses côtés, les participants ont déboursé 5000 euros, et entre 6000 et 8000 euros s’ils sont deux pour la même entreprise.
Il ne suffit pas de s’inscrire : pour participer, les candidats doivent, en plus de faire un chèque, envoyer un dossier et échanger avec Kate Sergueeva, proche collaboratrice d’Eric Larchevêque depuis près de 15 ans. Sont retenus ceux qui ont une entreprise déjà existante, une preuve de concept. Pas de projet en cours d’idéation.
«Se mettre en chaussettes, ça fait partie de l’expérience»
«Quand tu es entrepreneur, un jour tu es Cristiano Ronaldo, le lendemain tu es Adil Rami», analyse Raphaël, jeune CEO de la startup qu’il monte avec David, son frère avocat. Sans aucune expérience dans la tech ou dans l’entrepreneuriat, il est venu chercher un retour d’expérience et les conseils de quelqu’un qui a déjà vécu ce qu'il traverse. Une masterclass au Domaine Larchevêque s’étale sur deux jours et est rythmée par des sessions de travail de trois heures. Tous les participants se réunissent autour du propriétaire des lieux et discutent, exposent leurs réussites, leurs difficultés et explorent des pistes. Le but est que chaque entrepreneur reparte avec «un livrable, qu’on aille au bout des problématiques», confie Eric Larchevêque. Voilà donc le petit groupe, autour de lui, confortablement assis dans des canapés et des fauteuils. Tous en chaussette, première règle du domaine : «C’est important que les gens se sentent à l'aise, puissent se vautrer dans les canapés, se mettre comme ils veulent», explique le coach. «Se mettre en chaussons, en chaussettes, ça fait partie aussi de l'expérience. Parce que j'aime bien. Et donc, c'est comme ça chez moi.»
Le premier tour de table commence, présentation générale. Alexandre a monté son entreprise de ventes de moteurs aux professionnels il y a 25 ans et réfléchit à son exit d’ici 4 à 5 ans. Julien, entrepreneur à la tête d'une startup qui propose de la location, de l’achat et de la maintenance de bornes de recharge pour véhicules hybrides rechargeables, est en roadshow depuis un an et ne parvient pas à closer. Charlotte, qui a toute sa famille dans le secteur bucco-médical, a racheté il y a 5 ans une entreprise de dentifrice destinés aux personnes souffrant de problèmes de gencives et ne sait pas comment développer sa clientèle. Eric Larchevêque pose des premières questions : quel est votre chiffre d’affaires, êtes-vous déjà rentables, à combien était cette offre, lever des fonds pour quoi faire ?
Après une heure et demie, le mentor et le groupe ont déjà une bonne idée des raisons qui ont poussé chacun à venir. Deuxième tour de table. Les questions de notre hôte se font plus précises et les premiers conseils fusent. Eric Larchevêque ne prend pas de pincettes, il est franc et direct, quitte à faire mal. David et son frère Raphaël montent une legaltech, Click’N’Justice. Également à la tête de son cabinet d’avocat et David est également créateur de contenus et a une importante communauté sur LinkedIn et Youtube. Pour faire avancer sa startup, il faut qu’il y consacre plus de temps. «Je me donne deux ans pour lâcher mon cabinet et me consacrer à Click’N’Justice», tente l’avocat-entrepreneur. Inaudible pour Eric Larchevêque. Pour lui, c’est trois mois, ou alors l’aîné des deux frères n’est pas sérieux dans son projet d’entreprise. Raphaël acquiesce, David encaisse. «C’est vrai que je suis cash parce que je n'ai pas le luxe de prendre le temps, je veux aller directement à l’essentiel», confie Eric Larchevêque.
«La dernière chose que je veux entendre, c’est qu’on va faire de la pub sur les réseaux sociaux»
Charlotte, à la tête d’une marque de dentifrice et de produits gingivaux, raconte avoir essayé de booster ses ventes grâce aux pubs sponsorisées sur les réseaux sociaux. Vive réaction du coach : «La dernière chose que je veux entendre, c’est que la solution est de faire des pubs sur Facebook ou Instagram !» Eric Larchevêque partage aussi ses propres erreurs : «Une des grosses erreurs quand on démarre : recruter un commercial. Le meilleur commercial de votre boîte, c’est vous !»
Sans avoir pris aucune note, le multi-entrepreneur retient les chiffres, les détails, sait guider la discussion pour ouvrir de nouveaux questionnements et en fermer d’autres. «Travailler sans notes, cela me vient de mon expérience d’entrepreneur et de l’obligation de faire du multi-tâches. Il faut passer d’un sujet à l’autre, cela m’a entraîné pendant des années à passer d’un contexte et d’une problématique à une autre. Et pour aller vite, je ne prends pas de notes, sinon je m’y perds !» Le jury-investisseur de “QVEMA” ouvre aussi son carnet d’adresses et glisse aux uns et aux autres des noms à appeler de sa part pour avancer sur certaines parties de leurs projets.
Il est déjà 13 heures, les participants de la masterclass ont le sentiment d’avoir fait un bond en avant. Le partage d’expériences et la rencontre d’autres entrepreneurs est également fondamental dans cette formule de masterclass. «Il y a 221 personnes qui ont assisté aux trente premières masterclass. 75 % sont des solopreneurs. Ils sont assez isolés. Il y a une grosse partie du facteur de décision qui est que c’est en groupe et qu’ils vont découvrir d’autres entrepreneurs. Ils se disent ‘enfin, je vais pouvoir parler avec quelqu’un qui va comprendre ce que je fais’», explique Eric Larchevêque.
Lors de cette trentième masterclass, sur 8 entrepreneurs représentant 7 PME ou startups, seulement un vient de région parisienne. Les secteurs d’activités sont très divers. Ils évoluent finalement très loin du microcosme parisien et des structures habituelles reliées à la French Tech. Cela aussi, Eric Larchevêque l’a bien noté. «De manière naturelle, toutes les entreprises de la French Tech, qui sont dans des incubateurs, qui lèvent des fonds, ont des équipes de plusieurs personnes…. n’ont pas du tout l’idée de faire appel à des coachs ou à des conseils externes. Ce n’est pas du tout dans le mindset», analyse le cofondateur de Ledger avant de poursuivre. «On leur donne déjà accès à tout un tas de ressources. Il y a vraiment deux salles, deux ambiances. Je ne pensais pas que c'était à ce point-là. Il y a vraiment une fracture. Et enfin, la plupart des entrepreneurs qui sont bootstrappés, etc., n'ont aucune idée de ce que c'est que de lever de l'argent.»
Œuf mollet, compotée de lentilles et asperges sauvages
Pour le déjeuner, tout le groupe, toujours accompagné de notre hôte, rejoint la salle à manger. Dans une ancienne grange, on trouve une grande cuisine ouverte, un coin salon et une immense table en bois sous des poutres apparentes. Le hourdage a été remplacé par des vitres pour laisser passer la lumière. Pierre, chef privé, accompagne le groupe tout au long de la masterclass. Les repas sont délicieux et équilibrés. Au menu ce midi : oeuf mollet, compotée de lentilles et asperges sauvages. Le rangement, le dressage de la table… tout est organisé pour que les entrepreneurs se laissent porter et se concentrent sur les temps d’échanges pour faire avancer leurs business.
Pour l’après-midi de cette première journée, le groupe se scinde en deux. La moitié des entrepreneurs passeront à nouveau trois heures avec Eric Larchevêque, la deuxième partie de la classe ira en forêt avec Antony Neuilly, garde-chasse et intendant du domaine. Une activité un peu incongrue dans le programme : «Pour moi, c'est une expérience, cette masterclass. C'est-à-dire qu'on est chez moi», développe l’hôte du domaine. «On n'est pas juste dans une salle de réunion, dans un nouvel hôtel en banlieue parisienne. Cette expérience avec le lieu, l’endroit, ce qu’on mange… est importante. Le fait de reconnecter avec la nature, de prendre l'air, de vraiment faire autre chose et d'avoir une réflexion très différente, c’est très important.» Les entrepreneurs sont souvent surpris mais reviennent tous très heureux, assurent Eric Larchevêque et Antony Neuilly.
Le garde-chasse commence sa session avec les participants en donnant une paire de bottes à chausser pour tout le monde ! Le petit groupe grimpe ensuite dans une Polaris, une 4x4 sur grosses roues adaptée aux chemins de terre, parfois boueux, de la forêt. Antony Neuilly partage sa passion et ses connaissances pendant une heure et demie. Il arrête la voiture, fait descendre les entrepreneurs pour attirer leur regard sur une trace de sanglier dans la terre fraîche ou une biche qui fend les bois. Il raconte aussi son métier et son rôle dans la préservation du domaine : réguler la présence des animaux par la chasse et la pêche - il y a également un petit lac dans le Domaine Larchevêque -, entretenir certaines parcelles, récupérer le bois pour chauffer les logements, etc. Plus question de business, de levées de fonds ou de croissance externe. Tous les entrepreneurs se prêtent au jeu, lui posant des questions, demandant parfois à s’arrêter ou à mieux comprendre le rôle d’un garde-chasse.
Antony Neuilly connaît Eric Larchevêque depuis plus d’une dizaine d’années. Il parle de l’entrepreneur comme d’un ami, les deux hommes se vouent une confiance sans limite, comme avec Kate qui assiste aussi Eric Larchevêque dans l’organisation des masterclass. Le garde-chasse au volant de son pick-up raconte les voisins du domaine : la famille Derichebourg et Lorànt Deutsch, qu’il croise au marché. Il confie également que si le patron de Ledger a voulu installer son domaine ici, en Sologne, à côté de Vierzon, c’est car il a grandi dans la région. Il contribue d’ailleurs fortement à son développement : l’usine d’assemblage de Ledger est à proximité. Il soutient aussi l’incubateur B3 – Village by CA, juste à côté de la gare de Vierzon.
«Cela paraît bête d'aller en forêt, mais pour beaucoup, ils ne le font jamais», raconte Eric Larchevêque convaincu que cette sortie est un plus dans la masterclass. «C’est vraiment important de faire un vrai break. C’est la nature, c'est le soleil. C'est complètement en raccord avec ma personnalité, c’est important. Et puis, ce n'est pas juste une balade. Antony partage beaucoup de choses. Il a vraiment une passion de la nature qui est communicative.»
« Le Club Med de l’entrepreneuriat »
Après cette première journée, tout le monde se retrouve au coin de la cheminée - éteinte - pour partager un apéro et une coupe de champagne. Eric Larchevêque partage également ce moment avec les participants. On discute beaucoup de "Qui veut être mon associé". L’hôte de la soirée confie repartir pour une nouvelle saison en septembre prochain. Chacun revient un peu sur les avancées de cette première journée et sur les premières décisions prises grâce aux échanges. Eric Larchevêque revient sur sa vision de l’investissement, du bitcoin dans lequel il place une majorité de son argent, sa vie de famille… Le cadre, le format de la masterclass permet de créer un vrai climat de confiance entre tous les invités.
Le coaching est désormais l’activité principale d’Eric Larchevêque. Le domaine est encore en travaux mais dans quelques mois un spa, une piscine naturelle et plus de chambres seront disponibles. «Pour l’instant je n’ai pas de meilleur terme que “Club Med de l’entrepreneuriat” pour définir ce que je voudrais faire», confie Eric Larchevêque. « Je voudrais proposer des sessions plus longues, d’une semaine, accueillir des familles, pouvoir profiter de la piscine, du spa… Et inviter beaucoup plus d’intervenants. Je vais continuer à développer cette idée et le domaine !»
Après la masterclass, Eric Larchevêque entretient le lien avec les participants pour ceux qui le veulent : «Avec mon cercle d’entrepreneurs, nous nous réunissons tous les 15 jours avec l'ensemble des participants de toutes les masterclass qui souhaitent s'inscrire et avoir le suivi. Le but est de prendre des nouvelles, d’apporter des réponses à de nouvelles problématiques ou des follow-up.» De vraies amitiés et parfois même des associations entre les participants naissent des masterclass.
«On me demande souvent pourquoi je fais ça», dit encore Eric Larchevêque. «J’aime transmettre, c’est vraiment un énorme plaisir. Je vais me concentrer dessus dans les prochaines années. Accompagner, transmettre, aider.»