La Matmut, acronyme de Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, est une société d'assurance mutuelle, basée à Rouen, mais aussi un important investisseur français. Maddyness a rencontré Léovic Lecluze, directeur des investissements du groupe Matmut, qui gère environ 6 milliards d’euros, constitués essentiellement des fonds propres du groupe et des provisions pour les sinistres à payer.
« Nous avons une organisation bicéphale », introduit Léovic Lecluze. Les investissements cotés sont délégués en partie à OFI Invest AM, avec trois gérants basés à temps plein dans les bureaux de la Matmut. Tout le non coté, est, lui, piloté par son équipe, qui s’appuie sur Swen Capital Partners, la filiale private equity du groupe OFI, mais uniquement pour les due diligences et la partie administrative.
Investir selon la raison d’être du groupe Matmut
« Notre mission est de répliquer la raison d’être du groupe Matmut dans notre politique d’investissement. Cela signifie donner une grande part aux notions de solidarité, d’aide, de soutien, de protection et d’adaptation du modèle économique vers les enjeux de transition énergétique », partage Léovic Lecluze. « Cette politique d’investissement est valable tant sur le coté que sur le non coté, mais je suis convaincu qu’elle peut avoir encore plus d’impact sur le non coté », ajoute-t-il.
Pour cela, la politique d’investissement s’est structurée en plusieurs étapes. La première, mise en place il y a dix ans, repose sur le principe de l’exclusion sectorielle. Tous les fonds qui ont des expositions supérieures aux normes définies par les listes fournies par les équipes d’OFI Invest AM sont exclus. Parmi les secteurs exclus, on retrouve le charbon, le tabac, les armes non conventionnelles, l’hydrocarbure non conventionnel, le pacte mondial des Nations-Unies, les produits chimiques dangereux et l’huile de palme.
Il y a deux ans, la Matmut a passé une vitesse supérieure, en visant l’inclusion. « Exclure des secteurs néfastes, c'est bien, inclure les secteurs que nous désirons, c’est encore mieux », résume Léovic Lecluze. Depuis deux ans, la Matmut a donc fait le choix de ne sélectionner que les fonds ayant un label ISR ou étant article 8 ou article 9 SFDR. « 100% des fonds de private equity entrés depuis 2021 sont article 8 ou 9 SFDR », souligne Léovic Lecluze.
De fonds généralistes à des fonds thématiques à impact
« Aujourd’hui, nous cherchons à augmenter davantage encore l’impact de nos actifs. Nous ne sélectionnons donc désormais que des fonds qui ont un impact positif sur l’environnement ou la société », explique Léovic Lecluze. Avec cette troisième étape, le LP a cessé d’investir dans des fonds généralistes et se concentre dorénavant sur des fonds thématiques traitant des sujets tels que la biodiversité, l’agriculture régénératrice, la protection des ressources de la planète et la santé. « J’aimerais pouvoir dire que d’ici 5 ans, 100% des fonds de notre portefeuille seront Article 9 SFDR, mais malheureusement, je pense que le gisement n’est pas encore assez riche », déplore Léovic Lecluze.
Sur l’impact environnemental, on peut citer Blue Ocean Impact, le fonds de Swen Capital Partners, dédié à la protection des océans. Sur l’impact social, on retrouve par exemple le fonds Mutuelles Impact, qui investit dans des thématiques telles que les inégalités sociales en santé, le bien vieillir pour tous, la prévention primaire et secondaire, l’autonomie des personnes handicapées, l’accès aux soins, la santé environnementale, l’efficacité et la qualité du système de soins. Enfin, sur la santé, la Matmut a investi dans Lauxera Growth, un spécialiste de la Healthtech.
Un investisseur engagé auprès de l’écosystème français
En plus de ces thématiques, la Matmut contribue aussi au financement de l’innovation en France, via son adhésion aux initiatives Tibi 1 et 2. La société d’assurance mutuelle s’est en effet engagée à hauteur de 90 millions d’euros. « Nous voulons nous engager pour financer l’écosystème technologique européen et français en particulier », souligne Léovic Lecluze. En ce sens, le fonds investit majoritairement dans des fonds européens, au sein du gisement des fonds labellisés Tibi.
Aujourd’hui, le non coté représente 7% des actifs totaux investis. « Nous sommes assez plafonnés par Solvency II, et devons veiller à ne pas dégrader nos ratios prudentiels », commente Léovic Lecluze. Sur ces 7%, 3% sont investis en private equity, 3% sur des fonds infra et 1% dans des fonds de dette privée. Au sein du private equity, 85% des actifs sont investis en late stage et 15% en early stage.« Nous sommes une maison de gestion très prudente, nous avons assez peu d’appétit pour le VC », partage Léovic Lecluze.
La Matmut aime suivre les millésimes, mais n’hésite pas à investir dans des first time team ou first time fund. « Donner sa chance à tout le monde faire partie de notre raison d’être », avance Léovic Lecluze. « Sur les jeunes fonds, nous faisons un travail de due diligence encore plus poussé, et nous essayons de limiter ces fonds à 10% de notre allocation », précise-t-il.