« En 2017, lorsque nous avons commencé nos développements, il n’y avait qu’un seul acteur sur le marché qui pouvait nous accompagner avec le niveau de service et de sécurité dont nous avions besoin pour la signature électronique, et il était américain », se souvient Patrick McNamara, le fondateur et CEO de Quai des notaires.
Mais en sept ans, les choses ont beaucoup changé. Rentable depuis 2023 avec 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, cette startup équipe aujourd’hui 22 % des études notariales de l’Hexagone… « Avec le temps, travailler avec une solution américaine s’est avéré de plus en plus incompatible avec nos objectifs de développement, puisque, en fournissant des outils pour des professions réglementées, nous nous trouvons au cœur des enjeux de confiance numérique », ajoute Patrick McNamara, qui a fait de la souveraineté numérique l’un de ses nouveaux enjeux.
Surtout, « le Covid a accéléré les choses : aujourd’hui, la signature électronique qualifiée permet d’avoir la même valeur qu’un acte notarié physique », explique ainsi Alban Sayag, le CEO de Yousign, une scale-up française qui aide les entreprises à sécuriser et fluidifier leurs transactions numériques, et qui équipe Quai des Notaires depuis peu.
« Il faut que le produit soit aussi bon, voire meilleur »
Patrick McNamara souligne aussi que dans le même temps, « les réglementations ont considérablement évolué, que ce soit en matière de sécurité informatique, de protection des données ou de vérification d’identité à distance. Les menaces de cybersécurité sont aussi sans commune mesure. Surtout, les acteurs de notre marché - les instances du notariat et les notaires eux-mêmes - ont pris conscience de l’importance de la souveraineté numérique et des risques que représentent le fait de ne pas être souverain ».
Autant d’arguments qui ont amené la startup à faire le choix de faire migrer progressivement ses outils de signature électronique vers une solution française. « C’est l’autre changement de ces dernières années : les alternatives existent désormais », explique Patrick McNamara.
Pour autant, « la souveraineté ne peut pas être le seul argument », nuance Alban Sayag, le CEO de Yousign, dont la solution de Signature Électronique Qualifiée a été certifiée par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information) en 2023. Et d’insister : « il faut que le produit soit aussi bon, voire meilleur ».
« On a souvent tendance à résumer la souveraineté numérique à la data. Mais la question ne se limite pas à la maîtrise des données ! Elle commence par la maîtrise des projets et des idées et implique la capacité à les réaliser », abonde Patrick McNamara. Entre Yousign et Quai des Notaires, les discussions ont ainsi débuté dès 2019 et ont évolué vers un mode partenarial, qui « n’a rien à voir avec les relations que l’on peut avoir avec une entreprise dont les développements sont décidés à San Francisco ».
« Encourager davantage les alternatives européennes »
Cette proximité culturelle et géographique permet notamment aux deux entreprises de mener des projets en commun, dans le cadre de la nouvelle phase de croissance entamée par Quai des Notaires. En parallèle de la poursuite du développement de ses outils à destination des études notariales (automatisation des formalités, réalisation d’actes à distance, partage sécurisé, etc.), la startup compte en effet investir un nouveau marché : les partenaires des notaires, à commencer par les agents immobiliers et les pompes funèbres.
« En matière de souveraineté numérique, si on veut voir plus loin que la seule question de la localisation des datacenters, il faut encourager davantage les alternatives européennes et faire preuve de volontarisme. Cela passe par toute une série de choix et de décisions de la part des clients, des partenaires, des clients finaux, des régulateurs… », conclut Alban Sayag. A bon entendeur.