Avec des satellites toujours plu nombreux au-dessus de nos têtes, se pose naturellement la question de leur entretien. Or plutôt que de les réparer, les opérateurs de ces derniers ont plutôt pris l’habitude de les laisser tournoyer à l’infini jusqu’à leur désintégration ou leur collision avec d’autres engins spatiaux, engendrant une pluie de déchets. Et alors que des sociétés comme SpaceX, qui déploie des milliers de satellites pour constituer la constellation Starlink d'Elon Musk, ne cesse d’envoyer des appareils dans l’espace, le risque d’un «Far West» spatial est plus grand que jamais.

Dans ce contexte, la startup toulousaine Infinite Orbits tente de remédier à cette situation problématique avec une approche simple : prolonger leur durée de vie plutôt que de s’en débarrasser dès les premiers signes de défaillance. Pour que cette approche se concrétise, la société annonce aujourd’hui un tour de table de 12 millions d’euros mené par Newfund. Le fonds du Conseil européen de l’innovation (EIC), IRDI Capital Investissement et Space Founders France, le fonds d'investissement du Cnes, ont également participé à l’opération.

De Columbia à Toulouse

Si l’entreprise a vu le jour en 2017 sur les bancs de l’université de Columbia aux États-Unis, elle s’est depuis dotée d’un ADN totalement français depuis qu’Adel Haddoud en a pris la direction après avoir investi dans la société. Et quoi de plus naturel que de relocaliser la startup à Toulouse, fief d’Airbus qui accueille l’Aerospace Valley. C’est là que la société développe sa technologie de navigation autonome basée sur la vision qui permet aux actifs spatiaux de s'approcher et de s'amarrer les uns aux autres.

Celle-ci est la porte d’entrée vers les services avancés en orbite, notamment l'inspection rapprochée, le ravitaillement, la conception de produits dans l'espace et de nombreuses autres applications qui doivent encore se concrétiser à la suite de l'augmentation spectaculaire du nombre de satellites lancés au cours des dernières années. «Depuis le premier satellite mis en orbite en 1957 (Spoutnik 1, ndlr) jusqu’au 31 décembre 2020, environ 2 500 satellites ont été mis en orbite. Puis en 2021, nous sommes passés à 2 000 satellites envoyés dans l’espace sur une seule année, et nous sommes désormais sur un rythme de 2 000 à 3 000 satellites lancés chaque année», note Adel Haddoud, PDG d'Infinite Orbits, auprès de Maddyness.

«Endurance», un satellite de prolongation de la durée de vie des engins spatiaux prévu pour 2026

Par conséquent, le dirigeant sait qu’il n’y a pas de temps à perdre pour éviter que l’espace ne devienne une immense déchetterie remplie de satellites à la dérive. «L'année dernière, nous avons déjà franchi une étape majeure : nous sommes la première startup au monde à avoir un nanosatellite commercial en orbite géostationnaire, nous avons formé une alliance clé avec l'opérateur de satellites Intelsat pour développer des services pour sa flotte. Avec quatre grands clients, dont Azercosmos, Intelsat, le Cnes et Hispasat, l'entreprise a clôturé sa deuxième année de revenus et est sur une forte trajectoire de croissance pour dépasser un chiffre d’affaires de 60 millions d'euros en 2027», indique Adel Haddoud.

En effet, ce premier nanosatellite, envoyé dans l’espace à l’aide d’un lanceur Falcon Heavy de SpaceX, n’est que la première pierre d’un projet bien plus ambitieux. La société prévoit de lancer un autre nanosatellite cette année, puis un autre en 2025, avant de changer d’échelle. En 2026, elle espère en effet envoyer dans l’espace «Endurance», un satellite de prolongation de la durée de vie pour les actifs spatiaux. «Endurance permettra aux opérateurs de satellites d'optimiser leurs stratégies de gestion de flotte tout en augmentant leur retour sur investissement grâce à une durée de vie de leurs satellites plus longue que prévue», résume l’entreprise toulousaine.

D’ici la première mission européenne d'extension de la vie prévue dans deux ans, Infinite Orbits va continuer à peaufiner sa technologie pour répondre de manière optimale aux besoins des opérateurs de satellites. Et même si la société est consciente de l’ampleur du défi qui l’attend compte tenu du nombre potentiel de satellites «à secourir» à l’avenir, elle évolue dans un secteur qui a de plus en plus le vent en poupe. «Le New Space français et européen a ses chances pour prendre une grande part du marché spatial mondial», estime ainsi Adel Haddoud, qui rêve vers l’infini et au-delà.