La patience s’impose quand il s’agit de consulter un professionnel de santé. « Il faut compter jusqu’à deux ans d’attente dans les zones sinistrées pour faire une thérapie comportementale et cognitive avec un psychologue » souligne David Callegari, fondateur de l’application Feel qui se destine aux personnes souffrant de dépression. De son côté, l’équipe de Poppins, spécialiste des troubles du neurodéveloppement comme la dyslexie, indique des délais similaires pour une prise en charge par un orthophoniste.

Boris Pourreau, fondateur de MindDay met quant à lui l’accent sur les personnes qui ressentent un trouble psychologique. « Peu d’entre elles ont le réflexe de consulter que ce soit par pudeur, à cause du temps ou de l’argent nécessaire ou encore parce qu’elles minimisent le problème. »

Le numérique pour gagner du temps

Pour contrecarrer ces différentes réalités, chacune de ces solutions proposent de l’autothérapie, souvent en complément d’un suivi médical. « Il y a une pénurie de psy et certaines pathologies, lourdes, ne peuvent pas être traitées digitalement, donc nous participons à désengorger les cabinets sans mettre un jugement de valeur sur les cas » considère David Callegari.

Aucun de ces acteurs n’a l’ambition de remplacer le travail d’un professionnel, insistant sur leur complémentarité. « Il y a des ressources et des compétences à développer par soi-même, des outils que l’on peut s’approprier » précise Boris Pourreau qui assure que certains psychologues recommandent MindDay.

L’avis des pros

La plupart des startups s’entourent de professionnels de santé pour imaginer leur application. Chez MindDay, l’un des fondateurs est psychiatre. La startup Poppins est née d’un projet de recherche pluridisciplinaire dans lequel l’hôpital Pitié Salpêtrière était engagé. Feel a sollicité des psychiatres libéraux et hospitaliers formés aux thérapies comportementales et cognitives.

Alors que la covid a participé au développement des applications autour de la santé mentale et de l’autothérapie, Poppins insiste sur sa volonté de devenir un dispositif médico numérique, à la recherche d’un marquage européen attestant de son intérêt. Pour l’heure, l’UNADREO, union nationale pour le développement de la recherche et de l’évaluation en orthophonie, mène une étude pour évaluer l’impact de l’application sur la prise en soin en orthophonie et sur l’évolution des enfants. « Afin d’accompagner les orthophonistes dans la potentielle prescription d’outils numériques, l’évaluation des Dispositifs Médicaux Numériques (DMN) devient un sujet d’intérêt qui relie recherche et clinique. […] Dans l’attente des résultats, nous ne pouvons actuellement nous prononcer sur le recours à cet outil (Poppins) qui viendrait en complément d’une prise en soin orthophonique sans s’y substituer » explique un rapport de l’organisme.

De son côté, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé reste en retrait sur ces différentes solutions : « Au vu des informations présentes sur les sites internet des produits d'auto-thérapies et notamment des applications Feel et MindDay, les finalités de gestion du stress, de gestion des émotions et d'évaluation du bien-être de ces applications ne sont pas des finalités médicales au sens de l'article 2 du Règlement 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux. En effet, le seul fait de diminuer des symptômes ou comportement liés au stress, via des séances de relaxation, un suivi de ses émotions, ou l'amélioration de la gestion de ses activités peut avoir des effets sur le bien-être du patient mais ne relève pas du champ du dispositif médical, et par conséquent pas dans le champ de surveillance de l'ANSM. »

L’avis des fonds

En attendant d’être reconnue, pour grandir, les startups d’autothérapie s’appuient sur les fonds d’investissement comme Allianz France, entrée au capital de Poppins, via son fonds d'investissements stratégique InnovAllianz ou encore Mutuelles Impact qui s’est engagé aux côtés de MindDay.

Mais tous les fonds ne sont pas propices à s’engager autant dans ce secteur. « Les Français n’aiment pas payer pour leur santé car ils n’en ont pas l’habitude. Les applications sur le modèles B to C ou B to B to C ont du mal à fonctionner en France et c’est un challenge encore plus dur dans le domaine de la santé » considère Catherine Boule, directrice générale du fonds d’investissement Karista. Elle interroge également sur la capacité des solutions à se différencier des autres dans le flot des offres. Son fonds a toutefois fait le pari de la santé en investissant dans des prises en charge software où le digital et l’autothérapie ne sont qu’une partie de la solution comme Ludocare ou Kranus Health. « Les investisseurs préfèrent un suivi médical car la proposition de valeur est plus évidente et le modèle économique va vers le remboursement même si c’est long et difficile. » Et vous, êtes vous prêt à payer pour vous soigner ?