De plus en plus de business angels souhaitent désormais se réunir au sein d'un même véhicule d'investissement collectif pour mener leur prise de participation dans une startup. Habituellement répandu dans l'investissement immobilier, le club deal consiste à créer une structure juridique ad hoc qui généralement ne survit pas plus de 10 ans.
L'entité juridique en question se présente comme un SPV (Special Purpose Vehicle), généralement sous la forme d'une SAS créée spécifiquement pour un projet d’investissement. Le SPV est souvent utilisé dans les transactions de club deals pour investir dans des startups, particulièrement lors des phases d’amorçage (seed). Pour chaque investissement, le club crée une SPV qui entre au capital de la startup.
Les investisseurs associés se rémunèrent au moment de la revente des actifs de l'entreprise ou bien via la redistribution de revenus annuels générés. Ce dernier moyen étant davantage répandu en immobilier avec la redistribution des loyers engrangés. En théorie, tout le monde peut créer un SPV, à condition que le collectif soit composé de moins de 150 personnes. Au-delà, la structure tombe dans le régime d'appel public à l'épargne comme c'est le cas dans le monde du crowdequity.
Plusieurs business angels mais un seul leader
Mais alors quelle différence avec un pool traditionnel rassemblent plusieurs business angels ? « Un club deal est généralement guidé par un business angel leader qui représente le collectif et mobilise sa communauté », répond Renaud Guillerm, CEO de SideAngels, tout en rappelant que ce mode d'investissement est né outre-Atlantique.
« Nous avons été les premiers en 2016 avec Side Capital à décider de fonctionner uniquement en club deal », se souvient-il. En 2021 est ensuite né SideAngels pour partager ce savoir-faire à d'autres structures. En 2023, SideAngels a permis l'investissement d'un total de 30 millions d'euros dans 45 startups par ce biais. La plateforme de club deals française s'attend à voir ce chiffre atteindre les 45 millions d'euros cette année, en finançant une soixantaine de startups auprès de sa communauté de quelques milliers d’investisseurs.
Cette troisième voie est présentée comme un moyen de combiner à la fois les avantages de l'investissement via un fonds classique et de l'investissement en direct. D'une part, cela permet de mutualiser le travail de due diligence autour d'un seul leader « soucieux de suivre l'aventure de près » et non pas dans un pool de business angels dispersés « dont aucun ne va prendre en charge proprement l’étude de l’activité de la startup ».
D’autre part, « ce leader aura un plus fort pouvoir de négociation de la valorisation et des clauses du pacte d'associés. Il sera en outre au board de la startup où il pourra défendre les intérêts de tous les investisseurs du club deal », fait valoir Renaud Guillerm. Pour la startup, le fait d'avoir un décideur juridique ciblé offrirait une prise de décision plus fluide entre actionnaires.
Une meilleure fluidité dans la prise de décision
La société de capital-risque Asterion Ventures a justement fait le choix de créer un SPV pour chacun de ses investissements. « Cela nous permet de choisir pour chaque startup les investisseurs adaptés et nous demandons à ces derniers de leur consacrer une heure par mois », détaille Stéphane Bourbier, CEO du fonds. L'accompagnement peut être sur le développement du business ou du produit, sur l'adaptation au marché ou encore le recrutement. Le lien entre investisseur et entrepreneur est décrit comme plus fort et le coaching « sur-mesure ».
Asterion Ventures s'appuie sur l'expertise de SideAngels (lui-même se reposant sur le Prestataire de Services d'Investissement Tylia) pour former ses clubs deals. Le principal avantage évoqué dans ce type de montage reste le gain de fluidité dans les prises de décision. « Un pacte d'associés inclut généralement plusieurs investisseurs qui doivent être d'accord à l'unanimité pour chaque prise de décision, développe Stéphane Bourbier. C'est pour cela que le club deal est intéressant, car la gouvernance de la startup est assurée par un seul interlocuteur ».
Ainsi, de plus en plus de startups exigeraient ce regroupement de leurs business angels en club deal pour ces mêmes raisons. Cela peut être d'ailleurs le cas au moment de la conversion dans le cadre d'un BSA-Air. Autre avantage non négligeable : au-delà de l'amorçage, les fonds d'investissement vont davantage s'intéresser aux startups qui ont déjà pensé à cette structuration ordonnée de leurs investisseurs. Ces fonds dédiés aux séries A, B et au-delà ont donc la possibilité de proposer à certains de leurs Limited Partners d'entrer dans un tour afin de forger un club deal. Les entrepreneurs auraient donc tout intérêt à s'intéresser au club deal pour simplifier leur gouvernance et multiplier les chances de boucler un tour de table futur.
Autre avantage non négligeable selon Renaud Guillerm : « cela minimise les risques que les investisseurs particuliers servent de variable d’ajustements dans des tours suivants. Le business angel leader sera en effet partie prenante de toutes les décisions et peut chercher de nouveaux business angels pour assurer si besoin de réinvestissement par la holding ». Si les opérations via club deal se cantonnent encore essentiellement aux amorçages, Renaud Guillerm s'attend déjà à conquérir des tours de table plus ambitieux. « On commence à participer en tant que follower à des séries A de plus de 5 millions d'euros ! », se réjouit-il.
Chez SideAngels, les nouveaux investisseurs sont généralement sélectionnés s’ils sont eux-mêmes entrepreneurs ou ont déjà réalisé au moins un premier investissement dans des startups, de sorte à valider leur niveau d'acculturation à l'écosystème. Depuis janvier dernier, la base de membres de SideAngels est passée de 1900 à 2300. En outre, les processus de sélection divergent selon les clubs deals et il est conseillé à l'entrepreneur de toujours vérifier le background du business angel leader pour s'assurer qu'un solide accompagnement juridique et une réelle relation de confiance soient possibles.