On ne la présente plus dans le milieu. Eva Sadoun, entrepreneuse pionnière de la finance responsable, a été sélectionnée dans le nouveau palmarès de l’institut Choiseul, distinguant 40 leaders engagés en partenariat avec la communauté “Les entreprises s’engagent” (dossier complet à retrouver en kiosques). Ce prix distingue le parcours de la cofondatrice et présidente de Lita.co et Rift, qui a coprésidé de 2020 à 2023 le Mouvement Impact France, association de représentation des acteurs de l'économie sociale et solidaire et des entreprises engagées. « Je ne pense pas être un leader économique traditionnel et j'ai envie de m'en éloigner le plus possible, d'être le plus intègre possible, en apportant quelque chose de différent au milieu économique. A cet égard-là, je suis contente de faire partie de ce palmarès », se réjouit Eva Sadoun.
« J’ai toujours eu beaucoup de convictions, que j’ai explorées de différentes façons. Assez tôt, j’ai voulu m’engager, se remémore la trentenaire qui a grandi dans l’Est parisien. J'avais toujours cette envie de représenter ceux qui m’entouraient et de faire exister une forme de justice partout. J’étais au lycée Hélène Boucher, dans le XXème arrondissement, qui est connu pour ses mobilisations. »
Des entreprises engagées pour une nouvelle finance
Après des études à l’EM Lyon et l’Essec, elle monte une ONG franco-togolaise puis travaille dans une ONG indienne de la microfinance. Mais le temps passé à récolter des fonds la chagrine. « En passant par ces parcours-là, je me suis dit : il y a un enjeu à transformer l'économie telle qu'elle fonctionne, et pour faire ça, il faut créer une structure alternative, hybride entre le monde de l’entreprise et le monde associatif, se souvient-elle. L'entrepreneuriat social, pour moi, était une structure qui pourrait inspirer l'ensemble de l'économie à se transformer tout en essayant de travailler au service de l'intérêt général comme le fait le monde associatif. »
Elle fonde la plateforme de crowdfunding dédiée aux projets à impact Lita.co en 2014 avec Julien Benayoun. Six ans plus tard vient le lancement de l’application qui permet de mesurer l’impact carbone de son épargne, Rift, avec Léo Garnier. La première compte aujourd’hui un peu moins de cinquante salariés, la seconde, quatre. Reconnues pour incarner une nouvelle finance, les deux entreprises se sont lancé un nouveau défi il y a quelques semaines : expérimenter la semaine de quatre jours. « Dans le secteur financier, une forme de surproductivité est attendue. Réduire le temps de travail, pour nous, c'est permettre aux gens de mieux faire leur travail d'investisseur sur le long terme, de se préoccuper d’eux-mêmes, d'avoir une partie de leur temps qui n'est pas liée à des activités mercantiles », motive Eva Sadoun.
Les nouveaux projets d’Eva Sadoun
L’entrepreneuse, présidente de ces deux structures, est toujours impliquée dans leur gestion stratégique. « J’y suis présente la moitié du temps, voire un peu plus, mais mon terrain de jeu est plus vaste. En fait, mon projet transverse est de proposer un nouvel horizon à nos modèles économiques traditionnels, un horizon qui se préoccupe de toute la société. Je me concentre maintenant sur le travail de la bataille culturelle », appuie Eva Sadoun.
L’activiste confie travailler sur une activité multimédia autour de la thématique du “care”. « Après la décroissance des énergies fossiles, quel est notre nouveau modèle moins dépendant ? Pour moi, l'éthique du care et l'économie du care peuvent être une alternative. » Ce nouveau projet prendra d’abord la forme d’un podcast, dont le nom est encore secret. Prévu pour septembre, il est pensé comme “un vrai outil pop culture” et donnera l’occasion à Eva Sadoun de faire une tournée des librairies, des universités et des grandes écoles. Un livre, qui clôturera la première saison du podcast, et un think tank suivront. La militante ambitionne aussi de créer une mini-série animée, toujours autour de cette thématique du “care”. « On pourra alors réfléchir à organiser des diffusions dans des collèges et lycées, projette-elle. Il y a vraiment besoin d’agir sur le plan culturel aujourd’hui, notamment auprès de la génération qui va être la prochaine votante. »