Dans le monde de l'equity, le cash-out est une opération partielle ou totale qui se réalise à diverses étapes du développement de l'entreprise. Une nuance assez importante qui permet de rappeler que ce n'est pas exclusivement réservé aux exits définitifs par lesquels les fondateurs cèdent leur entreprise à un tiers pour tourner définitivement la page. C'est d'autant plus vrai au vu du contexte persistant de contraction du marché du capital risque : l'obtention d'un exit n'est plus aussi rapide qu'auparavant et reste surtout accordé aux startups les plus rentables.
Xavier Gury, Founding Partner chez Wind Capital, a d'ailleurs tout récemment accompagné une entrepreneuse lors de son exit final. En revendant sa startup à un grand groupe, celle-ci ambitionne de devenir business angel, en investissant dans des fonds (et non pas en direct) ainsi que de se constituer un patrimoine immobilier. On est ainsi très loin de l'image de l'entrepreneur quadragénaire qui boucle son exit uniquement pour se la couler douce en préretraite. C'est d'ailleurs cette image qui peut pousser de nombreux fonds à être réticents à l'idée d'un exit prématuré.
Continuer à travailler après l'exit
Pas selon Xavier Gury, qui fait valoir l'expertise de l'entrepreneur qui a déjà en tête une stratégie de sortie. « Je fuis les projets qui ont de maigres chances de rachat », renchérit-il, justifiant cela comme une garantie de la valeur de l'entreprise en question. Néanmoins, il serait bon ton de ne pas aborder cette question du cash-out avant d'avoir fait ses preuves. « Les entrepreneurs qui veulent un cash out trop vite, avant une série A, soulèvent plusieurs questions », poursuit Xavier Gury en précisant son refus systématique de demande de cash-out lors de bridges défensifs, « sauf si la startup affiche une rentabilité hors norme ».
Pour Reza Malekzadeh, General Partner chez Partech, la clé reste de « construire un business solide et sain ». « L'optionalité signifie être maître de son destin et ce n'est pas possible sans perspectives de rentabilité », défend-il. Ainsi, lever de l'argent ne doit plus être le seul cap et toutes les options d'exit par introduction en Bourse, rachat ou fusion en late stage seront réservées uniquement aux « business sains ».
Mention est faite par exemple à Planisware et la réussite récente de son introduction en Bourse ou encore à Vade, racheté en mars dernier par l'éditeur allemand de solutions de cybersécurité Hornetsecurity. « Le fondateur de Vade a quitté ses fonctions de président mais a rejoint le conseil de surveillance du nouvel ensemble, explique Reza Malekzadeh. De manière générale, en France, les entrepreneurs après un exit continuent de travailler ».
Les raisons justifiant un cash-out prématuré
Baignant dans un contexte économique incertain et persistant, nombreux sont les entrepreneurs à faire face à un assèchement de leur trésorerie mais aussi de fonds propres. Certains cas spécifiques peuvent donc justifier un cash-out prématuré, comme l'arrivée d'un nouvel enfant ou l'achat d'une maison par exemple. « La situation personnelle de l'entrepreneur est évidemment prise en compte car si il va mal dans sa vie personnelle, il ne va forcément pas pouvoir performer dans sa vie professionnelle », partage Xavier Gury.
Évidemment, le board d'une startup n'est pas toujours aussi bienveillant et tout le monde n'a pas la chance de présenter des revenus annuels récurrents robustes. D'autres sorties "in extremis" sont possibles comme le fait de vendre son savoir-faire technologique, marketing ou commercial. « Nous avons récemment restructuré une deeptech 9 mois avant le mur du cash, raconte Xavier Gury. Nous leur avons demandé d'adresser un cas d'usage plus précis et cela leur a permis d'être racheté ». Ici l'acquisition ne se fait pas sur la base du chiffre d'affaires mais sur celle de l'équipe et de son savoir-faire (pratique baptisée de "acqui-hiring").
Enfin, de nombreuses plateformes secondaires sont aussi apparues pour permettre de revendre des parts auprès du grand public. Un moyen davantage prévu pour les salariés actionnaires mais qui peut aussi être autorisé aux fondateurs dans le pacte d'actionnaires. « Attention toutefois avec ces plateformes qui proposent souvent un rachat de vos actions au rabais », tient à mettre en garde Xavier Gury.
Le cash-out est-il différent aux États-Unis ?
Reza Malekzadeh a vécu plus de 20 ans à San Francisco et a lui-même opéré cette transition d'entrepreneur à investisseur en 2016. À l'entendre, les pratiques outre-Atlantique semblent peu ou prou les mêmes : « Le cash-out en pre-early est aussi très rare. En revanche, beaucoup d'entrepreneurs ont vendu très tôt à cause de pressions financières et des crédits à rembourser trop importants ». D'où l'importance de privilégier de plus petits cash-out intermédiaires - si les investisseurs l'autorisent - pour continuer l'aventure plus longtemps avec moins de pression.
La grande différence aux États-Unis réside selon Reza Malekzadeh dans l'absence de « filet de secours, comme la couverture santé ou chômage ». Cette culture de la prise de risques reste donc bien différente et pousse les entrepreneurs à être plus "agressifs" sur leur marché. En témoigne par exemple l'émergence de l'entrepreneur Adam Neumann, connu pour sa gestion très décriée de WeWork, mais qui a tout de même réalisé un cash-out de près de 1,7 milliard de dollars pour la cession de sa startup.
Xavier Gury ajoute également la question de la fiscalité dans l'équation : « En France, plus un actionnaire garde longtemps ses parts, plus il aura droit à une défiscalisation avantageuse… Il n'a donc pas intérêt à sortir du capital trop tôt ». « Aux États-Unis, les entrepreneurs veulent conquérir le monde, poursuit Reza Malekzadeh. Cela peut être vu comme de l'arrogance mais de nouveaux entrepreneurs européens ont pourtant cette même ambition internationale comme Doctolib ou Alan ». D'autres pépites tricolores comme Ivalua et Akeneo ont d'ailleurs déjà réussi ce passage à l'échelle.