Avec la hausse des taux d’intérêt, l’épargne est récemment (re)devenue un sujet d’intérêt pour les différents acteurs de l’écosystème. « Après des années à ne dépendre que des banques de détail, nous sommes entrés dans cette nouvelle ère des services financiers et de l'épargne », constate Léa Lejeune, journaliste économique. La cofondatrice de la plateforme d’éducation financière Plan Cash modérait la table-ronde “Cash Cash : l'expérience client au service de l'épargne” lors de la Maddy Keynote 2024 au Palais Brongniart.
Banques traditionnelles, fintech et PME rivalisent ainsi d’imagination pour proposer de nouveaux services et réinventer l’expérience client, en France comme à l’étranger. Comme dans le secteur des néo-banques, des opérateurs verticaux de l’épargne commencent à apparaître : pour les enfants (Kard en France), pour l’environnement (comme Helios), pour les seniors (Skarlett), etc.
Marketplaces, micro-épargne…
Parmi les tendances émergentes dans le domaine de l’épargne, Sabine Fillias, CEO d'Okali et directrice en charge des investissements dans des startups et scale-ups pour le compte du groupe Crédit Agricole SA, met en avant "le développement des marketplaces de l'épargne". C’est notamment le cas en Grande-Bretagne de Flagstone qui agrège les offres d’épargne de plus de 60 banques.
Sabine Fillias évoque aussi le développement de la micro-épargne, qui consiste à offrir des solutions d’investissements à partir de quelques euros, voire quelques centimes, à travers, par exemple, l’arrondi des dépenses par carte bancaire. Aux Etats-Unis, la fintech Acorns gère 7 milliards de dollars d’encours grâce à ce principe. Les petits ruisseaux font les grandes rivières…
… crypto et SNPL
Les cryptomonnaies - même si elles sont hautement spéculatives - ont également le vent en poupe en matière d’épargne, et tout particulièrement en France. « 12 % des Français qui détiennent des cryptos, ce qui est déjà énorme. Mais c’est 24 % pour les 18-35 ans », souligne-t-elle.
Enfin, une quatrième tendance est encore émergente, mais pourrait arriver en France prochainement : le “Save Now, Buy Later”, l’antithèse du “Buy Now, Pay Later” popularisé par des fintechs comme Klarna. Là, il s’agit d’épargner en vue d’un achat futur, en bénéficiant d’une réduction auprès du vendeur. Venu d’Inde, le concept est déjà développé aux Etats-Unis par la startup Accrue Savings et en Autriche par la startup Monkee.
Repenser l’épargne au service du client
Cette tendance du “Save Now, Buy Later” fait écho à un besoin identifié par le groupe mutualiste Garance, qui l’a conduit à lancer la solution “Garance Smart life” avec la fintech Germen (ex-incube), rachetée en 2020. Celle-ci repose sur le principe du “goal-based financing”, qui consiste à épargner en vue de projets précis. Une approche sensée qui correspond davantage aux enjeux des clients, au quotidien, et qui permet de rendre l’intérêt de l’épargne plus tangible.
« Depuis 4 ans, nous avons opéré une transformation énorme », souligne ainsi Virginie Hauswald, la directrice générale de Garance. L’enjeu : repenser toute l’expérience clients pour “répondre le plus précisément à leurs besoins”, notamment en termes de transparence, de pédagogie et de personnalisation. « Le sujet de l’épargne et plus largement du financement est souvent perçu comme hermétique et non adapté. Il faut lui redonner du sens, de la valeur. L’écosystème que nous créons et les transformations que nous conduisons ont pour objectif de rendre une épargne performante, accessible pour tous », ajoute-t-elle.
Les startups et les grands groupes, des partenaires
L’évolution de l’expérience client chez Garance passe notamment par la création d’un écosystème de services qui inclut des startups, comme Skarlett, créée par Benjamin Gaignault, le fondateur d’Ornikar. L’entrepreneur s’adresse désormais aux “jeunes de plus de 60 ans” en “insistant sur le caractère jovial du passage à la retraite” pour proposer une version modernisée du viager, qui permet de valoriser un patrimoine immobilier pour augmenter les revenus mensuels. « On veut apporter une solution à la baisse du pouvoir d’achat sur cette classe d’âge », résume-t-il. « Les commerciaux chez nous trouvent le service génial, et les clients aussi, il permet de rendre l’épargne [immobilière] plus liquide », s’enthousiasme Virginie Hauswald, dont les équipes distribuent l’offre Skarlett depuis quelques semaines.
Au tour de Sabine Fillias de conclure, en évoquant aussi la démarche de La Fabrique by CA au sein du Crédit Agricole : « les startups sont très fortes pour aller vite, imaginer de nouveaux produits qui vont toucher les early-adopters, mais quand il s'agit d’aller toucher le mass market, il y a un plafond de verre. Il faut réussir à trouver le meilleur des deux mondes ! »