En 2023, les volumes collectés sur les plateformes de crowdfunding ont reculé de 11,3 %. Mais Bertrand Desportes, l’assure, si le crowdfunding connaît sa première baisse historique depuis 10 ans, en 2024, tous les indicateurs semblent favorables côté startups : « L'investissement en capital devient populaire notamment grâce à des émissions de télévision. L’agrément PSFP (Prestataire de Services de Financement Participatif) professionnalise le secteur et permet le passeportage, récemment concrétisé par l'arrivée de l'acteur britannique Crowdcube. Le nouveau dispositif fiscal est ultra favorable. L'objectif ambitieux fixé par Paul Midy de récolter 600 millions supplémentaires pour les startups dès 2024 devrait être atteint, et le canal crowdfunding devrait jouer un rôle essentiel.»
Même son de cloche du côté de Benjamin Wattinne. Sa plateforme dédiée à l'innovation et à l'impact Sowefund n'a jamais autant contribué au financement de projets ambitieux et porteurs : « L'immobilier, principale classe d'actifs du crowdfunding, a connu une période difficile en 2023. Cependant, cela a eu pour effet de favoriser les startups. L’accélération est significative. Elles ont collecté 267,23 millions en 2023 contre 150 en 2022, et cette tendance devrait se poursuivre en 2024 », explique-t-il. Depuis sa création, Sowefund a accompagné 114 projets, pour un montant cumulé de levées atteignant les 90 893 008 euros.
Un cas concret qui confirme les résultats du baromètre annuel du crowdfunding en France coréalisé par Mazars et Financement Participatif France (FPF) : « Le crowdfunding n'est pas à l'abri des fluctuations des secteurs qu'il soutient. Si l'immobilier a connu en 2023 un déclin, les énergies renouvelables ont progressé, et le financement des startups a explosé avec +78 % , détaille Bertrand Desportes. Pour ces dernières, la courbe est exponentielle et on ne voit pas vraiment où se situe l'aplatissement. »
Un avant et un après Qonto
« Il y a selon moi eu un avant et un après Qonto », explique le fondateur de Sowefund, faisant référence à la fintech devenue la première licorne européenne à avoir ouvert son capital à ses clients. Pour Benjamin Wattinne, cette initiative, sans précédent, a eu un impact certain sur le secteur. « Les startups qui viennent sur Sowefund sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus matures. Alors que le contexte économique des 18 à 24 derniers mois a entraîné un changement de paradigme, que l’argent s’est raréfié, que les fonds d’investissement sont nettement moins réactifs et que les investisseurs sont bien plus attentifs à la rentabilité, elles viennent vers nous parce qu’elles voient en Sowefund une source de financement complémentaire. »
En plus de l'aspect financier, le CEO de Sowefund observe que l'essor du financement participatif découle d'une prise de conscience accrue des startups quant à l'importance de construire une communauté et d'engager massivement. « Les startups comprennent que nous sommes devenus des acteurs incontournables de l’écosystème », ajoute-t-il.
Le PSFP ouvre les frontières aux financements européens
Mais Qonto n'est pas la seule raison de la consolidation du crowdfunding. L’arrivée de l'agrément PSFP - avec lequel les plateformes avaient jusqu’au 6 novembre dernier pour se mettre en conformité - est un autre élément important du renforcement du marché. « Son objectif est d'harmoniser tous les agréments européens avec un statut unique. Le PSFP apporte également de la transparence en imposant aux plateformes la mise à disposition, pour les investisseurs, d'une fiche très détaillée concernant les tenants et les aboutissants de l'investissement. Il intensifie également les contrôles et contraint les plateformes à une gestion prudentielle, au cas où, pour une raison ou une autre - et nous avons eu quelques exemples ces dernières années - leur activité venait à disparaître », explique Benjamin Wattinne.
Pour l’administrateur de Financement Participatif France, les dix années de régulation et l’arrivée du PSFP consolident le secteur : « Les plateformes vont être plus contrôlées, plus surveillées. Elles auront des obligations de reporting plus élevées. C’est une bonne chose pour les épargnants qui ont la garantie de voir leur argent géré adéquatement. »
Les dossiers JEI et JEIR dans le viseur
La réforme des avantages fiscaux pour les investisseurs dans les startups, proposée par Paul Midy et incluse dans la Loi de finances, constitue aussi pour Benjamin Wattinne une incitation majeure à soutenir les startups. Les premiers effets devraient se faire sentir avant l’été. « Les dispositifs Jeune Entreprise Innovante et Jeune Entreprise d’Innovation et de Rupture devraient avoir impact important sur la démocratisation de l’investissement et sur l’activité des plateformes puisqu’ils ne sont ouverts qu’aux Business Angels ou aux investisseurs qui passent par les plateformes », explique le CEO de Sowefund. « Avec cette réforme qui permet désormais de bénéficier d'une défiscalisation pouvant aller jusqu'à 50 % des investissements, contre 25 % en 2023, les investisseurs peuvent réduire leur impôt sur le revenu jusqu'à la moitié du montant investi dans des startups éligibles. C’est beaucoup plus attractif. » Il semble donc que tous les signaux soient au vert pour le crowdfunding.