Après un doctorat en chimie supramoléculaire, Delphine Felder-Flesch rejoint le CNRS en 2003, où elle se consacre à la recherche sur les macromolécules et nanoparticules. En 2019, elle franchit le pas de l'entrepreneuriat en fondant Superbranche. Inspirée par les retours positifs des cliniciens sur le potentiel de leur produit, elle décide d'explorer comment appliquer les découvertes du CNRS dans le domaine médical : “du côté de l’imagerie, du diagnostic, mais aussi des thérapies”. “Nous voulions aller au bout et voir comment c'était possible d’appliquer ce qu’on trouvait au CNRS”, explique la chercheuse.
Aujourd’hui à la tête de la startup, Delphine Felder-Flesch raconte qu’elle s’est lancée dans l’aventure car il s’agit d’une technologie de rupture, difficile à appréhender. “Nous avions du mal à trouver des interlocuteurs capables de totalement maîtriser notre projet sans que je sois constamment présente. J'ai donc décidé de m'investir pleinement dans cette démarche”. Quelques années plus tard, et en pleine levée de fonds, elle travaille à l'industrialisation de son projet.
Des nanoparticules pour détecter les cancers
Delphine Felder-Flesch l’explique dès le départ : les nanoparticules, ce n’est pas nouveau. “Ce qui a beaucoup évolué, c’est comment on les fabrique. Du fait de mieux maîtriser des procédés bien spécifiques, votre objet a des tailles bien maîtrisées, on combine plusieurs propriétés au sein d’un même produit”. Et c’est dans ce cadre-là que Superbranche opère : “les nanoparticules sont à la fois bonnes pour faire du diagnostic, ET de la thérapie, c’est du deux en un ce qu’on appelle des produits théranostiques, et c’est vraiment ça le côté disruptif”.
Il s’agit de nanoparticules dendronisées. Elles possèdent un cœur magnétique, enrobé d’une partie externe qui aide la substance à reconnaître et à s’accrocher aux cellules cancéreuses, sans se diffuser inutilement dans le corps. “C’est le centre magnétique qui est ensuite détecté par différentes formes d’imagerie médicale”, lit-on sur le journal du CNRS. “Les nanoparticules doivent cependant présenter un diamètre inférieur à 100 nanomètres, sans quoi elles seraient interceptées par le système immunitaire. Superbranche les maintient donc entre 10 et 30 nanomètres. Une fois leur mission accomplie, les nanoparticules sont éliminées dans les urines et par le foie”. Parallèlement, la méthode exploite les propriétés magnétiques des nanoparticules, “collées aux tumeurs, pour les chauffer au point de les détruire”.
L'intérêt est évidemment de gagner du temps et du confort pour le patient, et par extension de l’argent, “parce qu’en fait, on peut diagnostiquer une maladie, principalement le cancer, on est focalisé là-dessus, et on peut immédiatement enclencher le traitement avec le même produit, donc on gagne beaucoup de temps”, précise la chercheuse. “L'idée, c’est d’avoir un produit qui pose un diagnostic, et que l’on n'attende pas des mois pour lancer un protocole thérapeutique“.
Une startup industrielle
Les nanoparticules demandent néanmoins un procédé de production spécifique, “et c’est le cœur stratégique, innovant de l’entreprise”, explique Delphine Felder-Flesch. “On est plutôt une startup industrielle, et on est au moment où on doit industrialiser notre procédé, parce qu’on peut faire plein de plans sur la comète, si on n'arrive pas à produire en grande quantité ça ne sert à rien”.
Les équipes de Superbranche ont la validation de l’utilisation théranostique avec des tests effectués sur des petits animaux. Delphine Felder-Flesch explique que maintenant “la première phase, c’est de savoir produire selon les pratiques de fabrication pharmaceutique, et ensuite, on pourra avancer sur des essais cliniques”.
Accélérer le développement
La startup a su naviguer habilement à travers différents canaux pour assurer sa croissance. Delphine Felder-Flesch détaille : "Nous avons réalisé plusieurs levées de fonds auprès des Alsace Business Angels, mais également auprès du Wiclub santé, une plateforme de financement participatif portée par l’incubateur santé du Grand Est Quest for Health et Wiseed". Elle cite également le fort soutien de Bpifrance depuis ses débuts. Superbranche a notamment “a été remarqué au concours d’innovation i-Lab, organisé chaque année par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en partenariat avec BPIfrance”, lit-on sur le site du CNRS.
La CEO a conscience que son projet peut paraître risqué. “Nous avançons avec des levées de fonds, avec des investisseurs qui adhèrent non seulement au projet de la startup industrielle, mais également à l'intérêt général des nanoparticules dans le domaine médical”.
Superbranche a intégré l'Accélérateur Neo, de Bpifrance. “C’est un programme qui aide les startups industrielles qui ont un gros besoin de financement pour monter des usines. On est rentré dans le programme l’année dernière au mois de février, si je ne me trompe pas, justement pour gagner en compétences afin de créer une première petite usine”, explique la CEO.
D’ailleurs, lorsqu’on questionne la chercheuse sur les prochains objectifs, elle parle de “finaliser la levée de fonds pour pouvoir créer cette petite usine rapidement, et avancer sur des phases cliniques et que ça devienne plus concret”.