Lors de la Maddy Keynote 2024, sur la scène de l’auditorium du Palais Brongniart, Louis Carle, cofondateur de Maddyness, entouré de trois professionnels les mains plongées dans l’IA : Cyrille Vincey, associé chez Bain & Company, Eleonore Crespo, cofondatrice de Pigment et Cedric O (Mistral AI et Artefact), ont échangé autour de l’IA. Objectif : réaliser ensemble une « mesure d’impact » dans le monde des affaires.
Quand on parle d’IA , le constat de la rapidité est inévitable. Cédric O l’a souligné initialement : « L’IA générative se distingue par son extraordinaire rapidité d’adoption, et pas seulement chez les startuppers: on voit que les grands groupes montent des preuves de concepts ultra-rapidement, en quelques semaines seulement. Cela s’explique sans doute par le fait que nous avons tous essayé ChatGPT dans nos vies personnelles. On automatise les processus intellectuels, on ne mettra pas cent ans comme pour la révolution précédente, celle des cols bleus. Peut-être seulement dix ans. »
Quatre critères pour évaluer le niveau d’urgence
Principal objectif des utilisateurs d’IA générative : les gains de productivité. « Tous les secteurs d’activité sont concernés mais pas à la même vitesse », a relevé Cyrille Vincey. « Cela dépend de quatre critères : du degré de proximité vis-à-vis du client (BtoC ou BtoB), du niveau de personnalisation du service, de la main d’œuvre nécessaire pour le concevoir et le vendre et enfin de la concentration du secteur. »
Les services financiers (banque-assurance-courtage) sont en première ligne car ils cochent toutes ces cases. « Juste derrière vient la grande distribution, poursuit Cyrille Vincey, avec de forts enjeux sur la manière de parler à ses clients et sur les services qu’elle leur propose, pour les aider à faire leurs courses. » Suivent les prestations intellectuelles (conseil, agences, …). Tous ces métiers de gestion de la connaissance sont déjà en cours de transformation, comme ceux d’ailleurs de l’investissement non coté.
« Viennent enfin les fournisseurs de services au sens large (mobilité, énergie, …). Puis les produits de grande consommation, avec des enjeux marketing forts sur l’acquisition et l’engagement. Et en queue de peloton, le monde du manufacturing, de l’infrastructure, de la construction, et l’artisanat. »
Un impératif : muscler son IT et son jeu de données
« Pourquoi la finance s’est-elle montrée la plus rapide ? », a complété Cédric O. «Parce qu’elle est habituée à gérer de très gros projets IT. Faire du RAG (Retrieval Augmented Generation), ça nécessite d’avoir un IT et une gouvernance de la donnée vraiment costauds. Si vous voulez aller chercher 7 à 8% de productivité, il faut être certain que vos “armoires” sont bien rangées. L’Oréal a fait le buzz au dernier CES, mais cela fait trois ans qu’ils organisaient leur back-office pour être prêts le moment venu. »
Les processus internes forment souvent la première poche de cas d’usage. Les entreprises essaient de voir comment elles peuvent améliorer leur mécanisme d’achats, par exemple.
Les VC seulement au début de la vague
« Les plus avancés sont les plus discrets. On a vraiment ceux qui parlent, et ceux qui font », s’est exclamé Cyrille Vincey (Bain & Company). « Il s’agit de garder un avantage concurrentiel bien sûr, mais aussi d’éviter d’enflammer la question sociale : la productivité est un sujet sensible. »
Chez Pigment, Eleonore Crespo a attiré l’attention sur le fait que l’écosystème des fonds de capital-risque n’est « pas encore mûr » sur le sujet. « Tout est encore en test, alors que les deux tiers des CEO, au niveau mondial, se disent prêts à investir sur le sujet. Des investissements massifs se font sur les infrastructures, cela se chiffre en milliards… mais à 90%, c’est financé par les éternelles mêmes grandes entreprises américaines. J’adorerais voir L’Oréal ou LVMH investir dans cet écosystème. »
Autre enjeu à ne pas sous-estimer : la formation des collaborateurs. « J’ai lu que 38% des patrons y songent, mais ce n’est pas encore assez…», a souligné Eleanore Crespo. « Nous n’avons pas 25 ans devant nous. Il va falloir s’y mettre rapidement et accorder une vraie place à la formation des femmes et des minorités, trop souvent en retrait. »