La Maddy Keynote 2024, qui avait lieu le jeudi 28 mars au Palais Brongniart, a mis en lumière un sujet crucial pour la transition écologique : la collaboration étroite entre startups et grands groupes. « Cet enjeu de décarbonation est une opportunité formidable pour créer des liens et adresser ce challenge ensemble », soulignait d’ailleurs Jean-Christophe Lambert, cofondateur et CEO d’Ascendance, pour qui « de belles histoires sont en train de s’écrire, car cette transition accélérée oblige les grand groupes et les startups à discuter ».
Les grands groupes ont désormais compris la nécessaire rapide décarbonation de leurs activités et ont besoin pour cela des startups et leurs innovations disruptives, qui, elles, ont besoin de la scalabilité qui leur est proposée pour créer un véritable impact. Pourtant, la collaboration entre les deux n’est pas toujours évidente du fait du fossé qui existe entre leurs modes de fonctionnement, que ce soit en termes d’agilité, de temporalité ou encore de capacité de prise de décision.
Comprendre le grand groupe
« On dit un grand groupe mais ce n’est pas une seule entreprise, dans le cas de Vinci elles sont 4000 et le go-to-market est par nature compliqué », expliquait d’ailleurs Kevin Cardona, directeur de l'innovation entrepreneuriale pour Leonard, la plateforme d’innovation et de prospective du Groupe Vinci. Premier challenge dès lors pour la startup : comprendre les besoins et contraintes du grand groupe et surtout échanger avec tous les interlocuteurs impliqués sur le sujet.
« On a mis du temps à comprendre qu’un interlocuteur même très haut placé n’a pas la science infuse pour ce qui est nécessaire pour son entreprise. Le boulot de la startup c’est d’écouter tous les profils de métiers au sein d’un grand groupe pour faire une synthèse qui est acceptable sur l’ensemble des contraintes », confessait à ce propos Pierre Trémolières, président d’Accenta, qui propose une solution décarbonée à base de géostockage.
Se structurer pour s’engager avec des startups
Il y a en tout cas « une révolution mentale des grands groupes, dans lesquels j’ai rencontré des gens qui étaient conscients qu’ils avaient besoin de l’agilité des startups pour faire le chemin, mais n’ont pas forcément la notice pour savoir faire », poursuit-il. D’où la nécessité de se structurer comme l’a compris Vinci avec Leonard avec deux programmes à deux niveaux de maturité de la startup, seed pour accompagner le product market fit et Catalyst pour développer le business. « Achat, légal, politique… ça ne devrait pas être le job de la startup », précisait à ce propos Kevin Cardona.
En plus de ces freins structurels, un changement de l’ordre culturel est à opérer pour les grands groupes, chez qui, considérait Jean-Christophe Lambert, « on manque un peu de pragmatisme business et on se confronte au not invented here, et quand on arrive avec une innovation, on a un frein culturel parce que ça ne vient pas de l’intérieur, par peur d’être dépossédé de sa capacité d’innovation ».
L’importance de l’écosystème et des investisseurs
Le changement de paradigme est néanmoins en train de s’opérer d’autant que « si on veut vraiment viser le net zéro, c’est de la deeptech, du hardware, des nouveaux matériaux, là où le niveau d’impact va être décuplé », constatait Kevin Cardona. Se posent alors les problématiques du temps long nécessaire et de la connaissance du secteur par des investisseurs plutôt habitués au monde du software.
Selon Pierre Trémolières, « on est en 1993 de l’internet pour la décarbonation du monde. Les financiers doivent changer leur logiciel pour apprendre ces nouveaux équilibres au croisement du hardware et du software, ce ne sont pas les mêmes profils de risque, pas les mêmes retours sur investissement, pas les mêmes temps. On doit changer notre discours avec eux et eux doivent apprendre à nous analyser différemment ».