Après l’explosion de la santé digitale pendant la crise sanitaire, le secteur « revient à la raison. » C’est le constat que dresse Catherine Boule, directrice du fonds d'investissement Karista, qui publie sa quatrième étude annuelle sur les investisseurs dans la santé digitale en Europe. Si le marché continue d’être actif, avec un nombre de deals stable en 2023, les montants investis dans les startups baissent de manière significative. Ils passent de 4 milliards d’euros en 2022 à 3,08 milliards l'année suivante. « Le marché financier s’est fortement contracté en 2023 de manière globale. Les investissements ont baissé dans la santé digitale mais dans la tech au sens large », constate Catherine Boule.
Pour autant, le nombre de fonds ayant fait au moins trois deals dans ce secteur au cours de l’année a fortement augmenté. « Nous sommes passés de 168 à 220 fonds, soit une hausse de 23 %, souligne la directrice de Karista. Cela montre que le marché est attractif. » D’autant que, selon l’étude, les investisseurs ayant investi dans des startups ces dernières années distribuent de nouveaux tickets. « Il y a même des fonds qui se spécialisent dans la santé digitale », affirme Catherine Boule, qui voit ainsi le secteur « se pérenniser et des perspectives se dessiner. »
La Pharmatech et la robotique chirurgicale se démarquent
Et bien que les montants investis soient en deçà de ce qu’ils étaient en 2022, l’année 2023 a quand même enregistré de gros tours de table. « L’un des secteurs qui se démarque est la Pharmatech. Elle concerne tous les outils utilisés pour favoriser le développement des médicaments grâce à l’IA », précise la dirigeante de Karista. Un secteur sur lequel s’est positionné Aqemia, spécialisée dans la recherche de médicaments, qui a récemment levé 30 millions d'euros ou Owkin, qui utilise l'intelligence artificielle pour accélérer la recherche médicale et vient de créer un consortium doté de 33 millions d'euros.
La Pharmatech réunit 20 % des investissements sur l’année. Mais ce n’est pas le seul secteur qui a brillé. La robotique chirurgicale s’est également démarquée avec des startups comme Moon surgical, qui a mis au point un système robotique d'assistance chirurgicale, Lunaphore, spécialisée dans le diagnostic tissulaire ou Olink, qui fournit des solutions pour la découverte de biomarqueurs de protéines humaines. « Ces dernières années, on voyait énormément de sociétés en amorçage. Désormais, on voit des entreprises plus mûres, qui ont trouvé leur marché et préparent des séries B ou C. Cela fait environ 18 mois que cette tendance se dessine et qu’on constate une plus grande maturité des startups. » Conséquence : le nombre de fonds multistage augmente lui aussi. Ils représentent désormais 30 % des investisseurs.
La France en tête des pays européens
Le dynamisme du secteur permet ainsi à la France de rester en tête des pays européens dans la santé digitale pour la deuxième année consécutive. Le pays concentre 12 % des fonds actifs en Europe et se place devant la Royaume-Uni et l’Allemagne. Pour autant, il reste loin derrière les Etats-Unis, où le marché s’est développé il y a 15, 20 ans. En Europe, le marché a environ 10 ans et a mis du temps à décoller. « Pendant longtemps, on s’est demandé si c’était le moment pour le numérique dans la santé. Aujourd’hui, plus personne ne se pose la question. Pendant la crise sanitaire, on s’est enfin rendu compte de tout ce que pouvait apporter le digital et qu’on pouvait faire des choses à distance pas si mal. »