"Si vous n'avez pas d’exit, vous n'aurez pas d'investisseurs !” : c’est un des pré-requis du capital-risque rappelé par Anne Germain, Senior Investment Director chez Bpifrance, sur la scène du salon ChangeNOW au Grand Palais éphémère. Une règle de base qui freine aujourd'hui le développement des investissements dans le secteur de l'impact et de la climate tech. Or, sans liquidité, “le secteur de l'impact ne va jamais vraiment pouvoir passer à l'échelle”, estime-t-elle.
À ses côtés, lors d’une table-ronde consacrée au sujet, Benjamin Joffe, Partner du fonds deeptech SOSV, spécialisé dans l'amorçage, avec des centaines de startups dans son portefeuille, dont InBolt, Perfect Day ou Pili, fait le même constat : “si personne ne pense qu'il peut y avoir une voie de sortie pour les startups, alors on ne trouve tout simplement pas l'argent pour investir.”
Ce manque de visibilité à moyen et long terme limite la croissance du secteur, alors que par ailleurs, les signaux sont plutôt au vert. L”’impact” bénéficie en effet de l'intérêt croissant des grands groupes pour la RSE ainsi que de la prise en compte des critères ESG par les investisseurs institutionnels. “C’est une opportunité, mais aussi un risque pour un certain nombre de startups - à cause du potentiel de greenwashing”, nuance toutefois Anne Germain.
L’IPO, une porte de sortie bouchée
En matière de liquidité, l'introduction en Bourse ou IPO est l'horizon privilégié pour le capital-risque. Mais comme pour tout le secteur tech en général, le contexte actuel y est peu propice. “Le marché des introductions en Bourse est plutôt fermé, il ne s'est pas passé grand-chose depuis 2021. Je pense que dans la climate tech, en 2023, nous n'avons eu que deux introductions en Bourse”, constate ainsi l’investisseuse et cofondatrice de “Investors for Climate”, Helena Wasserman.
Quelles voies reste-t-il alors pour les investisseurs ? “De fait, la grande majorité des exits passent par des fusions-acquisitions, mais il n'y en a pas eu beaucoup dans la deeptech et l’impact”, regrette Benjamin Joffe. Son voeux : voir “davantage d'opérations de M&A, de plus en plus importantes, afin que les fonds d'amorçage, les fonds de growth et toutes les sources de capitaux nécessaires pour les différentes phases de développement trouvent le capital à investir.”
Un manque d’expérience en matière de M&A
Problème : lorsqu'elles existent, les acquisitions dans le secteur - par de grands groupes ou par d’autres startups dans le cas de “build-up” - sont encore peu concluantes. "Dans l’impact, la climate tech ou la santé, les grands groupes n'ont pas assez d'expérience dans l'achat et l'intégration de deeptechs. C'est vraiment un problème”, souligne l'investisseur de SOSV, qui regrette le manque d’expérience des entreprises européennes pour mener et réussir des acquisitions de startups, à la différence de leurs homologues américaines, qui disposent d’un solide “playbook” en la matière.
En parallèle d’une montée en puissance des fusions-acquisitions, d'autres solutions pourraient apporter davantage de liquidité au marché. Parmi elles, la création de fonds de growth spécialisés dans l’impact et la climate tech, pour continuer à financer plus longtemps les startups dans leur phase de “scale” ou encore le développement des transactions sur le marché secondaire (ventes de parts de fonds par des LPs ou ventes de portefeuilles).
Un marché secondaire à créer
En Europe, le marché secondaire est encore balbutiant dans l’impact. Mais il n’est guère plus développé aux Etats-Unis, selon Alexandre Covello, Managing Partner chez 109 Capital. Celui-ci cite toutefois des opérations récentes qui montrent une évolution du marché, comme le rachat en juin 2023 par North Sky et Aster d’un portefeuille de 20 participations de TotalEnergy (marquant l’arrêt de l’activité de corporate venture au sein du groupe pétrolier), ou encore l’acquisition par Blue Earth Capital de parts dans trois fonds de British International Investment.