Créé en mai 2015, Safran Corporate Ventures fait figure de pionnier dans l’univers des CVC (Corporate Ventures Funds). Si la plupart de ses congénères ont commencé par investir indirectement avant de se transformer en CVC, Safran Corporate Ventures a depuis toujours préféré l’investissement direct. Au départ doté d’une enveloppe de 50 millions d’euros, le fonds déploie aujourd’hui 130 millions d’euros.
Autre fait notable, plutôt que de s’appuyer sur des personnes en interne qui maîtrisent l’industrie dans laquelle opère Safran, le groupe a choisi de faire appel dès ses débuts à des investisseurs de métier, à qui il a appris les rouages de l’aérospatial. C’est ainsi que Florent Illat, aujourd’hui directeur général de Safran Corporate Ventures, a rejoint l’aventure en juin 2019. Maddyness l’a rencontré.
Safran Corporate Ventures, pionnier des CVC
« La décision de commencer avec de l’investissement direct était parfaitement cohérente avec la stratégie du groupe qui consiste à être au plus près de la création de valeur entre les startups et le groupe », souligne Florent Illat. Son arrivée en 2019 correspond à une volonté d’accélérer les investissements, en augmentant l’enveloppe à 80 millions d’euros et en ouvrant aussi l’investissement indirect (LP). « L’investissement indirect s’effectue à la marge et a une vocation bien précise : il nous permet de nous ouvrir à des géographies ou des thématiques spécifiques sans multiplier nos effectifs », précise Florent Illat. Safran Corporate Ventures a ainsi investi dans le fonds Matterwave Ventures, spécialiste de l’industrie 4.0 en Allemagne, et dans United Airlines Sustainable Fund, un fonds spécialisé dans la décarbonation de l’aérien.
Autre date clé dans la vie de Safran Corporate Venture, la décision, en 2021, de rattacher le département d’open innovation, anciennement sous la R&D, au CVC. « C’est une manière de regarder ensemble l’intégralité du dealflow. Que nous investissions ou non, l’objectif est de créer des synergies fortes entre les startups et le groupe », partage Florent Illat.
Au cœur du réacteur, l’ambition de faire se rencontrer un dealflow entrant avec les priorités stratégiques du groupe et les manques identifiés au sein de ses sociétés. « Nous sommes très sélectifs, nous voyons passer environ 600 nouvelles opportunités par an et nous n’investissons que dans moins de 1% d’entre elles », partage Florent Illat. En plus des opportunités entrantes, le fonds fait aussi des recherches poussées sur des problématiques ciblées, et vient notamment de mener des recherches sur le sujet du recyclage des composites de carbone. À travers ses programmes Explore, il lance également des appels à projets publics pour les startups, l’un des derniers en date concernait l’hydrogène et deux nouveaux sont en train d’être lancés, dont un sur l’expérience passagers lors des vols.
Une thèse d’investissement flexible pour un mandat précis
Safran Corporate Venture, dont l’enveloppe est montée à 130 millions d’euros l’année dernière, est donc 100% dédié au groupe et à ses différents métiers. Afin de garantir cela, chaque investissement doit se faire avec le sponsoring d’un des présidents d’une société du groupe. En dehors de ce critère, avec pour seul Limited Partner le groupe Safran, la thèse d’investissement est assez flexible. Le fonds peut investir en pré-amorçage avec des tickets dès 200 000 euros, mais aussi en série B, avec des tickets initiaux allant jusqu’à 7 millions d’euros. « Notre sweetspot reste la série A, où sur des tours d’une dizaine de millions d’euros, nous pouvons apporter des tickets significatifs entre 2 et 4 millions d’euros », précise Florent Illat. La société a par exemple récemment participé à la série A de la deeptech industrielle Greenerwave.
Le fonds peut être lead, co-lead ou suiveur. « En pratique, comme on regarde des sujets deeptech pointus et relativement early-stage, peu de fonds ont la capacité de leader les tours. Le paysage est en train de changer, mais jusqu’à présent, nous avons leadé la majorité des tours auxquels nous avons participé », commente Florent Illat. En revanche, le fonds n’investit jamais seul, afin d’éviter une emprise trop forte du groupe sur une startup.
Le fonds investit dans des technologies de pointe et souvent uniques au monde. En termes de secteurs, il s’aligne avec les piliers stratégiques du groupe qui sont la décarbonation, la souveraineté (avec notamment le NewSpace) et la transformation digitale. « Ces piliers sont représentés de manière équilibrée dans le portefeuille avec un petit accent sur la décarbonation », précise Florent Illat.
Depuis 2015, le CVC a réalisé 22 investissements en direct et cinq sorties. « Sur les 17 sociétés en portefeuille, à deux exceptions près, nos collaborations sont en voie d’accélération. Par ailleurs, nous continuons aussi à collaborer avec les sociétés dans lesquelles nous ne sommes plus investis. Ces sociétés, souvent rachetées par des grands groupes, ont la possibilité de monter en puissance et de collaborer encore mieux avec Safran », indique Florent Illat. Parmi les sorties, on peut citer Diota rachetée par Dassault Système ou Safetyline, rachetée par Sita.