Les Français sont de plus en plus nombreux à détenir des crypto-actifs. À fin 2023, 12% disent en posséder, soit environ 6,5 millions de personnes, selon la troisième édition du rapport annuel de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan), réalisée en partenariat avec Ipsos et KPMG, ainsi que Bpifrance et la Caisse des Dépôts.
Dans le détail, 10% des Français détiennent des cryptomonnaies - à commencer par le bitcoin -, 6% des NFT et 6% des stablecoins. Avec à chaque fois des motivations différentes. “Pour les cryptomonnaies, la recherche d’un rendement financier reste la principale raison”, précise Faustine Fleuret, la présidente de l’Adan, qui représente les acteurs du Web 3 en France. Concernant les stablecoins, “ils sont surtout utilisés pour recourir à des services de finance décentralisée”, relève-t-elle. Quant aux NFT, ils sont notamment acquis “dans le cadre de jeux vidéo ou comme supports d’identité numérique”.
Les embauches devraient reprendre cette année
L’augmentation de 28% du nombre de détenteurs de crypto-actifs n’a pas empêché les entreprises du secteur d’éprouver des difficultés l’an dernier. “2023 a été une année en demi-teinte, avec des licenciements en raison d’une conjoncture compliquée”, rappelle Faustine Fleuret. Les effectifs du secteur ont diminué de 11%, dans un contexte d’inflation et de hausse des taux. La licorne Ledger a par exemple annoncé se séparer de 12% de ses effectifs en octobre.
Toutefois, la nette remontée des cours des cryptomonnaies en fin d’année invite les entreprises du Web 3 à plus d’optimisme, puisque 85,7% d’entre elles prévoient “un redémarrage des embauches dès l’année 2024”, selon l’Adan. Et la flambée actuelle de la valeur de ces actifs, liée notamment à l’autorisation d’ETF spots (investis directement en bitcoin) aux Etats-Unis et à la perspective d’un nouveau halving (division par deux des nouveaux bitcoins émis), ne peut que favoriser l’essor des acteurs du secteur.
Les investisseurs français ne se bousculent pas
Des freins demeurent toutefois au développement des entreprises de cet écosystème, âgées de cinq ans en moyenne et qui restent à près de 70% des TPE. Si un peu plus de la moitié ont déjà levé des fonds, 88% de ces opérations ont permis de financer des startups en phase “early stage” seulement, c’est-à-dire en pré-seed (capital d'amorçage), seed (premier tour de table) et série A. Bpifrance apparaît comme un acteur quasi incontournable, puisque la banque publique a participé à 45% de ces levées de fonds early stage.
“Nous observons un statut quo sur certaines difficultés, comme la possibilité de lever des fonds au-delà d’un stade précoce de développement, en late stage (à partir de la série B, ndlr). Sur les phases plus avancées dans la maturité de l’entreprise, il y a une quasi disparition des acteurs français, qui ne prennent pas le relais de Bpifrance”, déplore Faustine Fleuret. Les investisseurs tricolores n’ont participé qu’à 33% des levées fonds en séries B et C dans le Web 3 en 2024, selon l’Adan, les fonds provenant donc pour l’essentiel d’acteurs étrangers.
En outre, la forte médiatisation dont bénéficie les technologies liées à l’intelligence artificielle ces derniers mois tend à faire de l’ombre au Web 3, globalement perçu comme étant moins disruptif pour l’ensemble de la société et attirant moins d’investisseurs.
Vivier de jeunes pousses prometteur
Par ailleurs, les startups du secteur doivent encore composer avec les réticences des banques et des assurances, qui rechignent souvent à les accompagner en raison de la complexité de leurs activités et des risques financiers et pour leur réputation qui y sont associés. “Ces difficultés se sont atténuées, mais elles restent encore très souvent présentes”, souligne Faustine Fleuret. Elles concernent environ la moitié des acteurs du Web 3.
Reste que le vivier de jeunes pousses dans cet écosystème pourrait malgré tout conduire à une “forte accélération du nombre de séries A” au cours des prochaines années, estime l’Adan, qui plus est si les crypto-actifs continuent de voir leurs cours grimper sur fond de baisse des taux.
Aujourd’hui, environ 31% des entreprises du Web 3 réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 2 millions d’euros, ce qui reflète “une structuration progressive du secteur”, selon l’Adan. Et 45% d’entre elles proposent leurs services à l’international. L’écosystème se montre confiant pour 2024 : une majorité des startups envisagent de lever des fonds et toutes anticipent une croissance de leur chiffre d’affaires cette année.