« Si vous regardez autour de vous, vous verrez à quelle vitesse les fintechs apparaissent et disparaissent en se laissant distraire par les aspects faciles et séduisants du métier. Celles qui perdurent investissent dans la conformité, la lutte contre la fraude et travaillent en collaboration avec les banques traditionnelles », partage Jordane Giuly, PDG et cofondateur de Defacto, dans une note envoyée à la presse.
En effet, pour les fintechs, ce n’est pas au tout de début de l’histoire que les barrières à l’entrée sont les plus importantes. « Avec l’émergence d’acteurs de banking as a service comme Treezor ou Swan, il est possible de créer une néobanque en développant juste une application et en déléguant les aspects réglementaires à un tiers », souligne Jordane Giuly. « Si on veut offrir la meilleure expérience client, accélérer et diversifier son offre, on doit maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur. Les barrières réglementaires sont alors fortes, mais ce n’est pas tout, il y a aussi des barrières capitalistiques, car être régulé demande des capitaux. Il y a aussi des barrières en termes d’exécution, car tout cela exige des ressources dédiées », ajoute-t-il.
Obtenir sa propre licence, une condition sine qua none pour les fintechs qui veulent grossir
« Obtenir une licence peut être un processus long et difficile et pourtant, c'est une condition nécessaire pour s’imposer en tant que fintech et grandir », ajoute Olivier Boisserie, en charge des opérations financement et titrisation chez Citi, qui gère notamment le financement pour Defacto. « Le régulateur est proche des différents acteurs et ne laissera pas une fintech grossir sans agrément. Les fintechs doivent opérer selon les mêmes règles que les acteurs de la finance traditionnelle », ajoute-t-il.
Schématiquement, les fintechs ont deux manières d’opérer. Soit, elles s’adossent à des entités qui sont elles-mêmes régulées, et opèrent donc en tant que courtier ou agent, soit elles obtiennent leur propre licence. Jordane Giuly qui avait précédemment cofondé Spendesk a expérimenté les deux options et vante largement les mérites de la seconde. « Le jour où l’on souhaite vraiment grossir et disrupter le marché, on n'a pas d’autres choix que d’internaliser ces compétences. Il faut maîtriser toute la chaîne de valeur. Si on fonctionne sur les rails existants d’une autre entreprise, on est aussi tributaire de ses process. Or l’avantage des fintech par rapport aux acteurs traditionnels, c’est justement la capacité à automatiser un certain nombre de process et à aller vite », explique-t-il.
Defacto est ainsi devenue en mars la première fintech de prêt B2B à être agréée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), une institution intégrée à la Banque de France, chargée de la surveillance de l'activité des banques et des assurances en France. La startup qui offre une solution de crédits intelligents aux PME européennes franchit une étape significative en obtenant sa licence de Société de financement. La startup rejoint un groupe exclusif de fintechs agréées telles qu'Alma, également société de financement ou Klarna et Younited, qui sont eux agréés établissements de crédit.
Un gage de confiance pour les clients et pour les investisseurs
En intégrant la conformité de manière transparente dans leurs produits, tels que la réglementation contre le blanchiment d'argent (AML) et le financement du terrorisme (CFT), les fintechs peuvent renforcer leur avantage concurrentiel et gagner la confiance de leurs clients comme de leurs partenaires. « Nos plus gros clients vont regarder si nous avons cette licence », confirme Jordane Giuly.
« La licence est un gage de confiance non seulement auprès des clients, mais aussi auprès des investisseurs. Le respect du cadre règlementaire et l’obtention d’une licence est un élément clé de notre analyse », partage Olivier Boisserie.
Un régulateur français particulièrement strict
« En Europe, tous les pays ont des réglementations différentes, et le cadre réglementaire de la France est relativement strict, en particulier sur le crédit », partage Olivier Boisserie. En effet, en fonction des pays, les dogmes sont différents. La BaFin en Allemagne, par exemple, va être plus permissive avec les petits acteurs, et au fur et à mesure qu’ils grossissent, elle va leur imposer des couches de réglementation additionnelles. En France, l’ACPR part du principe que toutes les entreprises régulées doivent respecter les mêmes exigences.
Pour obtenir l’agrément, il faut présenter un dossier, dans lequel sont précisément décrits l’offre, le marché, les procédures, notamment celles liées à la gestion des risques et aux réglementations sous-jacentes. Le régulateur français examine le dossier en détails puis certifie ou non que la société est conforme aux réglementations en vigueur. « Obtenir l’agrément ne représente pas d’investissements spécifiques. C’est plus un travail de longue haleine et la traduction d’une certaine philosophie business. Quand on réussit à l’obtenir, cela signifie que dès le début, on ne s’est pas concentrés uniquement sur le développement du business, mais qu’on a réfléchi à toute la chaîne de valeur », conclut Jordane Giuly.