Dans le secteur des industries créatives et culturelles, les levées de fonds d’un tel montant ne sont pas monnaie courante. Hélène Nguyen-Ban, collectionneuse passionnée et ancienne galeriste, a souhaité accompagner la digitalisation du monde de l’art contemporain en connectant artistes, galeries et collectionneurs du monde entier sur son application. Une idée qu’elle qualifie « d’un peu folle », mais qui a reçu le soutien de Polytechnique Ventures, de BPI Industries Créatives et Cultuelles, de Point72 Ventures, le fonds du célèbre collectionneur d’art Steve A. Cohen, ainsi que de business angels de renom dont le footballeur Raphaël Varane.
Cette première levée de 5 millions d’euros doit permettre à Docent de lancer son go-to-market, développer son marketing digital, créer sa base de données d’utilisateurs, renforcer ses liens avec les galeries d’art et investir dans des événements physiques. L’application recense déjà, quelques mois après son lancement, environ 25.000 utilisateurs, 150 galeries, 200 artistes et plus de 20.000 œuvres répartis dans 30 pays et 5 continents.
La rencontre entre l’art et l’IA
L’idée de Docent lui trottait dans la tête depuis une vingtaine d’années. « L’art a toujours été ma passion, voire mon obsession », soutient Hélène Nguyen-Ban, cofondatrice de Docent. Elle travaille pendant 10 ans chez LVMH, avant de tout quitter pour suivre les cours de l’École du Louvre puis monter sa galerie. « Quand j’ai voulu acheter une œuvre avec mon premier salaire, j’ai réalisé à quel point j’étais perdue. Je n’avais pas de point d’entrée. » La jeune femme a pour seule intuition sa volonté d’acquérir l’œuvre d’un véritable artiste, qui marque l’histoire de l’art contemporain. « J’ai alors pensé que ce serait extraordinaire d’avoir un outil capable de screener tout ce qui existe et de me recommander des œuvres dans mon périmètre de goût, sachant que je ne suis même pas capable de qualifier ce qu’est mon goût. »
L’idée de Docent est ainsi née. Elle pressent que l’IA est la réponse à son problème et rencontre Mathieu Rosenbaum, chercheur et professeur de Mathématiques Appliquées à l'École polytechnique, qui devient son associé. Ils constituent deux équipes, une de data scientists et de machine learning engineers, et une autre d’historiens et experts du marché de l’art. Deux mondes a priori antagonistes se retrouvent afin de créer cette application de matchmaking d’art. Trois ans de recherches seront nécessaires pour parvenir à des algorithmes propriétaires basés sur l’apprentissage automatique (Machine Learning), la vision par ordinateur (Computer Vision) et le traitement automatique du langage naturel (NLP), capables de recommander des œuvres d’art en fonction des préférences de chacun, en matière d’esthétique, de courants artistiques ou de contextes créatifs.
Démocratiser l’accès à l’art grâce au digital
Au-delà de l’achat, sur lequel Docent perçoit une commission, l’application propose un éveil au goût et à l’art, comme une promenade virtuelle à travers des galeries du monde entier. « Cet aspect éducationnel est très important dans notre vision du projet. Nous souhaitons éduquer toute une nouvelle génération à aborder l’art contemporain et découvrir ces artistes qui dessinent notre héritage culturel futur », poursuit la cofondatrice.
Mais comment parvient-on à convaincre un milieu de l’art par essence opaque et très exclusif, qui limite volontairement ses entrées à un public d’avertis ? « Un gros travail d’évangélisation a été nécessaire. Le milieu avait tendance à nous dire qu’il était impossible qu’un algorithme puisse faire de la recommandation d’art, alors même qu’il le fait probablement mieux que l’homme puisqu’il est capable de recenser des millions de données. »
La startup profite du boom de ChatGPT et parvient à convaincre 150 galeries, dénicheuses de talents à travers le monde entier, du Guatemala au Vietnam en passant par la Côte d’Ivoire, mais aussi dans les grands hubs du marché de l’art : Londres, Paris, New York… Des artistes qui, dans chaque région du monde, ont la capacité de bousculer la scène contemporaine et aider Docent dans sa mission : que plus de collectionneurs ou de nouveaux entrants aient accès à un spectre plus large d’artistes, et que plus d’artistes puissent ainsi vivre de leur art.