« Une startup, c’est un chat de Schrödinger : vivant et mort en même temps. Notre chat est passé par toutes les étapes, mais il est beaucoup plus vivant maintenant. C’est à partir du moment où un fonds d’investissement arrive que le temps s’étire un peu plus et que tu peux penser à des choses un peu plus lointaines », explique Bénédicte Tilloy, cofondatrice de Ask for the moon, une IA “au service du savoir-faire industriel”.
En effet, après cinq ans d’existence, la startup boucle une levée de fonds de 2,5 millions d’euros auprès de Matterwave Ventures (un fonds européen deeptech basé à Munich) et UI Investissement (un fonds français avec 1,5 milliard d’actifs sous gestion). Une opération qui va permettre à Ask for the moon de recruter une quarantaine de nouveaux collaborateurs dont la moitié en recherche et développement.
Ask for the moon, l’histoire d’une rencontre
Clément Dietschy, ancien Chief Information Officer de la Ruche qui dit Oui !, est passé par l’un des programmes d’accélération de Schoolab. Le projet, alors nommé Wingzy, était de créer un annuaire d’entreprises intelligent. C’est dans les locaux de ce studio d’innovation qu’il fait la rencontre de Bénédicte Tilloy, à la fois ancienne DRH du groupe SNCF et ancienne directrice générale de Transilien.
« J’ai toujours été fasciné par le numérique. Quand je dirige Transilien de 2011 à 2014, j’ai un problème quasiment philosophique. J’ai 3 millions de clients par jour, mais je sais que je suis obligé de les traiter comme une foule, alors même que ces gens ont besoin d’avoir de la considération et du respect. Et tu ne peux pas résoudre ça. Mais l’arrivée du numérique permet la personnalisation à grande échelle. On va être capable de s’adresser à chacun individuellement. Et cette perspective me fascine. Je commence à m’impliquer dans des programmes d’innovation à la SNCF mais je comprends aussi que je dois me mettre un peu en danger. Je quitte la SNCF pour aller suivre la Singularity University en Californie. Puis je reviens en France et je m’investis chez Schoolab avec l’objectif d’apprendre à refaire des choses. »
Le projet de Clément Dietschy attire son attention et ensemble, ils imaginent le pivot vers un outil qui permettrait de mettre en relation immédiate des questions de collaborateurs avec des sachants capables d’y répondre. Ask for the moon est donc né avec cette volonté de mettre l’intelligence artificielle au service de la gestion des connaissances et des savoir-faire d’une entreprise.
L’outil permet donc à un collaborateur de poser une question (l’intelligence artificielle l’aide à mieux formuler la question), puis va identifier les profils d’une poignée de collaborateurs qui pourraient y répondre (grâce aux profils créés en quelques minutes), et récolter leurs réponses (en les aidant là aussi à mieux la formuler). Et si la question a déjà été posée, le collaborateur se voit plutôt proposer la précédente réponse immédiatement.
Ask for the moon se présente donc comme un outil qui permet de poser la bonne question, au bon moment, au bon collègue.
Entreprendre à plusieurs générations
Bénédicte Tilloy, aujourd’hui 62 ans, plaisante souvent sur son sentiment d’être « une vieille dame qui fait de l’entrepreneuriat ». Un sentiment qui a été d’autant plus exacerbé pendant le récent roadshow qui a abouti sur leur levée de fonds. « Les investisseurs écoutaient beaucoup plus Clément que moi. Ils se demandaient visiblement ce que je faisais là. C’était surprenant pour eux que, à mon âge, j’ai envie de monter une boîte de SaaS. Clément était beaucoup plus bankable. »
Les deux cofondateurs (bientôt rejoints par un troisième, Alexandre Storelli, comme CTO) s’amusent beaucoup de cette dichotomie qui accompagne de nombreux sujets d’Ask for the moon. « On dit que l’on fait de la co-génération. Entre l’homme et la machine, entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle. Entre une vieille dame et un jeune ingénieur. »
Bénédicte Tilloy apporte donc toutes ses expériences passées dans cette startup. Elle se souvient d’ailleurs avoir participé à la réunion de la SNCF où il a été décidé de lancer un site internet. Un syndicat avait fait imprimer des tee-shirts avec les mots « Internet va me tuer » pour dissuader de faire ce choix.
« On voyait l’impact que cela allait avoir sur de nombreux métiers, mais on ne pouvait pas non plus ne pas se lancer sur internet. La question est toujours comment tu fais les deux à la fois. C’est ça que je trouve intéressant dans l’innovation. C’est comment prendre appui sur une contrainte et utiliser les opportunités qui se présentent. »