Je suis engagé depuis quatre mois, à temps plein, dans la recherche active d’une entreprise à  reprendre. On appelle ça le repreneuriat. La reprise d’entreprise est un chemin. Certains  passent 12 à 18 mois avant de trouver. Je compte bien diviser ce temps par deux et ce serait  remarquable. Mais quoiqu’il en soit, c’est un chemin de plusieurs mois. Qui s’anticipe. Une  alternative inédite aux parcours salariés ou d’entrepreneurs. L’âge moyen en France du  repreneur est de 48 ans. 

Le nombre de dirigeants souhaitant céder est vaste en France, et pas seulement les personnes  qui souhaitent partir à la retraite. Le confinement passé (2020), les entreprises sont en train de  clôturer leur bilan 2023. Elles seront donc en mesure dans les prochaines semaines de  présenter trois années pleines (et propres) post-Covid : 2021, 2022, 2023. Les dossiers vont  émerger. L’année 2024 est une fenêtre d’opportunité réelle. J’en suis convaincu. Et les prix  d'acquisition des PME sont à leur plus bas depuis 2017 selon l’indice Argos, nous rappelle Les  Echos. 

En miroir de la création d’entreprise que j’ai vécu à plusieurs reprises (lire mon « journal intime d’un  startuper »), le repreneuriat est un sujet en soi. On peut s’y autoformer en suivant certains  webinaires, écouter des podcasts comme celui de l’IJ (Informateur Judiciaire) avec In Extenso ou  consulter des outils en ligne comme ceux de la BPI

Si le sujet vous intéresse, en voici les premières étapes. Je les ai découvertes en avançant un  pas devant l’autre, sans expérience particulière du sujet avant ça. Témoignage. 

Opacité

La reprise d’entreprise est encore très souvent un « marché caché ». Certains acteurs cherchent  à casser cette opacité comme Alvo de Thomas Colin et Matthieu  Stefani. Le design du site dépoussière ce qu’on peut trouver sur des sites d’une génération plus  classique comme Cessionpme, Fusacq ou Le Hub. Aucun site  existant n’agrège le marché, il convient donc d’en consulter plusieurs. Certains acteurs  proposent des outils (payants) de ciblages pro-actifs. D’autres vous permettront d’accéder à des  bases de données comme Diane. On peut aussi utiliser Pappers (gratuit). 

Tout ne sera toutefois pas accessible en ligne. Le marché caché de la reprise s’explique. Si s’afficher à vendre pour une entreprise n’est pas un sujet pour des cibles de type startups en  milieu urbain, quand il s’agit de PME industrielles en région, c’est moins évident. Il faut trouver un équilibre entre : 

  • le risque que ça se sache (peur d’inquiéter un fournisseur stratégique en distribution  exclusive, un client prépondérant dans son chiffre d’affaires ou ses équipes)
  • et l’envie de recevoir le plus d’offres possibles pour le cédant (alors en position de force  dans la négociation, au mieux de ses intérêts).

Côté repreneur, trouver sa cible, c’est arriver le plus tôt possible en face d’un cédant. Et quelque  part, une fois mis en ligne, on peut se demander si ce n’est pas trop tard. On a le sentiment que  c’est un peu comme les bons coins à champignon, on les garde pour soi. De nombreuses entreprises, dites de l’économie traditionnelle, rentables, que des cédants souhaitent transmettre,  utiliseront des réseaux informels ou des conseils-intermédiaires spécialisés de la cession. 

Alors « comment détecter les bons coins à champignons quand on n’est pas du coin » ? Il faut  rencontrer l’écosystème de la reprise d’entreprise. Appliquant des méthodes d’entrepreneur,  j’ai commencé par prospecter abondamment, de manière exploratoire. Sans trop savoir. Mais  avec la force mentale que je parviendrai à trouver la rivière dans cette étrange forêt. 

Se faire connaître

La CCI est un acteur incontournable. Votre CCI possède une équipe en charge des sujets de la  transmission. Si vous êtes validé comme étant suffisamment motivé (et pas seulement curieux),  ils vous ouvriront un carnet d’adresses de différents métiers : 

  • intermédiaires en cession – transmission
  • experts comptables
  • conseils, coachs, courtiers
  • banques d’affaires (filiales de banque en charge de la transmission au sein de réseaux  bancaires)
  • avocats

Ce fut mon cas. Je les ai contactés. Par LinkedIn, par email, par téléphone. J’ai doublé ces  démarches par des approches directes de chefs d’entreprises influents sur ma zone géographique  ciblée, en lien avec le secteur d’activité ciblé. J’ai triplé ces démarches de rencontres avec des  dirigeants de clubs d’entrepreneurs, le réseau national CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires) spécialisé sur le sujet et divers acteurs économiques influents  connexes (issus de structures publiques en charge du développement économique territorial). 

Avec la participation active d’un intermédiaire, j’ai aussi adressé un mailing (par voie postale)  en direction d’un groupe cible d’une cinquantaine d’entreprises. J’ai eu l’opportunité de faire  de nombreuses rencontres physiques au sein de cet écosystème spécialisé (c’est toujours mieux  pour présenter son projet), en me déplaçant parfois de 50, 100 ou 150 km (on ne sait jamais si  c’est du temps perdu avant de le faire, alors autant le faire), de faire des visio avec certains,  des réunions téléphoniques avec d’autres, fonction de leurs modes opératoires respectifs. 

L’écosystème possède l’information, vous êtes le demandeur. L’écosystème vous teste et vous  donnera accès à certaines opportunités si vous arrivez à les convaincre. Alors on s’adapte, on  s’applique et on s’implique. 

La fiche de cadrage

Avant de contacter ces acteurs spécialisés, j’ai dû créer un document considéré comme un  passage obligé en tant que candidat repreneur. Un peu comme un CV pour chercheur d’emploi ou un deck pour lever des fonds. Quand on cherche une entreprise à reprendre, on fait une « fiche de cadrage » (ou lettre de cadrage). Ce document normé, d’une page, doit dire qui vous êtes, votre parcours, ce que vous cherchez, quel apport êtes-vous prêt à poser sur la table, si vous cherchez une entreprise en difficulté ou une entreprise rentable pour un montage de type LBO. 1 page ! 

Vous trouverez des modèles en ligne (par exemple ici), c’est facile d’accès. Cet exercice s’affine avec le temps, et quand on arrive à un  document abouti (personnalisé !), c’est un véritable passeport pour entrer efficacement en  relation avec les acteurs opérant sur le marché de la cession transmission. La maturité de votre  fiche de cadrage est même essentielle pour traduire votre réelle intention de reprendre une PME  et d’aller au bout du process. Un chemin long, pavé d’hésitations, de rencontres sans lendemain  parfois, d’opportunités subites… on se tient disponible mentalement.

Labellisation

Sélectionné par la CCI de Nantes, j’ai passé un grand oral devant les  professionnels de la cession transmission d’entreprise et reçu le « Label Repreneur ». Un  moment particulier au cours duquel on a la chance de rencontrer dans une même unité de lieu 30 à 50 acteurs clés qui seront demain partenaires de votre closing (identification d’affaires, montage bancaire, juridique, due diligences comptable). Du réseau, du réseau, encore du réseau.  Il semble que ce label soit une initiative de la CCI région Ouest, j’encourage toutes les CCI de France à faire pareil car c’est un vrai boost pour les repreneurs. Je recevais dès le lendemain matin des opportunités d’affaires à  reprendre. Dans mes critères. 

Grâce à mes démarches antérieures, j’ai pu regarder plusieurs autres opportunités et rencontrer des cédants. On est impatient de reprendre  mais il ne faut pas se précipiter sur la première occasion. Comme le rappelle la serial repreneuse  Karine Schrenzel dans un podcast récent, n’oublions pas qu’ « on ne meurt jamais d’un dossier qu’on ne fait pas ». 

Outre le Label Repreneur, certains profils (quand vous avez notamment besoin de renforcer vos  compétences en finance/juridique) choisissent de suivre la très respectée formation du CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires), reconnue par de nombreux acteurs comme un gage de  crédibilité. Cela peut en effet rassurer certains intermédiaires pour vous présenter des dossiers  ou des banques pour vous financer. 

Je ne sais pas encore quelle entreprise je rachèterai bientôt, mais je sais que j’y arriverai, parce  que j’ai franchi ces étapes préalables. J’espère que ce témoignage aura pu vous être utile pour  gagner du temps si la reprise d’entreprise vous intéresse. Certains ayant déjà réalisé une  opération y retrouveront sans doute des souvenirs communs. On se retrouve dans quelques temps pour le dénouement !