Pouvez-vous nous en dire plus sur Sweep, votre startup fondée en 2020 ?
L’objectif de Sweep est de permettre aux entreprises de piloter leurs données carbone et ESG, afin de les manager dans un seul et même endroit. Cette plateforme leur permet de se connecter à leurs différentes données d'entreprise, afin qu'elles puissent les mesurer et agir sur leurs données carbones et leurs données de durabilité, dans le but d’être alignées sur un monde décarboné pour pouvoir transitionner vers une économie bas carbone.
Comment encourager les entreprises à recruter plus de femmes ?
Il est important d’encourager les entreprises à recruter plus de femmes car, tout d’abord, cela fait partie des critères qui sont aujourd'hui demandés d'un point de vue ESG. De plus, une entreprise moderne doit être une entreprise qui pense à la réglementation, au fait d'être alignée sur ce qui est aujourd'hui demandé par la loi. Les entreprises doivent comprendre que l’égalité entre les genres est quelque chose de primordial pour développer un environnement divers et fructueux, mais aussi d'un point de vue réputationnel pour l'entreprise.
Ces changements devraient-ils être apportés par la législation ou par l'éducation ?
Si on cherche à accélérer son temps d'inflexion, il faut que ça passe par les deux. Je le vois avec ma propre entreprise : il est assez rare de tomber sur des CVs féminins. Cela s’explique par le système éducatif, car on a beaucoup moins de femmes qui codent ou qui travaillent dans le design logiciel. Donc pour une entreprise tech, il est compliqué de récupérer une pile de CVs qui contienne un parfait équilibre entre la quantité d’hommes et de femmes.
Cependant, il y a aussi des cabinets de recrutement qui ne proposent que des femmes. Il serait donc faux de dire qu’il est aujourd’hui impossible de recruter des femmes. Je pense à WILLA par exemple, qui donne accès à une communauté de femmes. Des structures comme celle-ci permettent de corriger ce point d'entrée qui est encore déséquilibré dans l'éducation.
Le monde des startups et de la tech se diversifie-t-il progressivement ? Ou la situation stagne-t-elle ?
Après 15 ans à la tête d'une entreprise tech, je vois plus de femmes PDG dans la tech aujourd'hui. Mais les chiffres sont encore ridicules. En 15 ans, les choses ont à peine doublé. Mais elles ont doublé sur un pourcentage qui était de base quasi nul ; nous sommes aujourd’hui à peine 10% si on s’appuie sur les statistiques de France Digitale.
Je pense que les investisseurs aussi ont de plus en plus conscience que c'est important pour eux. Au niveau de la tech, les investisseurs prennent conscience qu'ils doivent de plus en plus investir sur les fondatrices de startups, ne serait-ce que pour leur propre performance. Je pense donc qu’il y aura de plus en plus de femmes qui vont réussir à lever de l'argent.
Il faut aussi qu'il y ait plus de réglementation sur ces sujets. Je suis pour les quotas dans les entreprises. Il faut amorcer la pompe maintenant, pour pouvoir éventuellement stopper ces quotas dans le futur, mais en ayant au préalable rétabli un semblant d’équilibre. Les choses évoluent beaucoup trop lentement. Il y a un travail des investisseurs, il y a un travail réglementaire, et il y a un travail de prise de conscience des managers qui peuvent aller recruter malgré le peu de CV entrant.
De la même manière que les startups dans le secteur de la Climatech jouent un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique, pensez-vous que l'entrepreneuriat a son rôle à jouer dans la lutte pour l'égalité des sexes ?
Quand vous êtes une startup, que vous partez de zéro, vous ne portez pas sur vos épaules le poids d’un héritage. Dans une entreprise établie il y a 30 ans, où il y a 75% d'hommes pour 25% de femmes, il ne faudrait recruter que des femmes pendant plusieurs années pour rétablir la balance. Mais ce serait alors discriminer une partie de la population. Une startup, en démarrant avec zéro employé, a le choix de s'inscrire dans une certaine modernité.
Les startups doivent être des terreaux d'expérimentation sur ces sujets sociétaux. Elles peuvent être garantes d'une certaine modernité, d'une certaine image de la société qu'elles veulent créer. Les scale-ups aussi font partie des entreprises qui sont récentes et qui ont normalement pris des décisions concernant la diversité. J’ai vu beaucoup de scale-ups qui avaient réussi à intégrer cette modernité-là dans leurs indicateurs ESG.
Les entreprises qui décident d'ignorer ces sujets ne sont pas des entreprises qui pensent à investir dans leur futur. Il est très important que les entreprises comprennent que s'il n'y a pas de compréhension, de mesure et d'action sur ces sujets dits extra-financiers, il n’y aura pas de pérennité de l'entreprise dans le temps. En 2024, il n’est plus possible de penser son entreprise que par le prisme financier.