Quel est le point commun entre Herta, Place des Tendances, But ou encore Renault ? Ils ont testé des exosquelettes pour soulager leurs salariés. Près de 90% des Français souffrent de TMS, troubles musculo-squelettiques (sondage Ifop 2021), au travail. Deux millions de salariés en France sont surexposés au risque de lombalgies chroniques. Un mal qui peut être soulagé par un exosquelette.
Japet Medical développe depuis 2016 des exosquelettes motorisés pour le dos. L’entreprise est en forte croissance : le chiffre d’affaires est multiplié par deux tous les ans depuis six ans sur le marché français. « Les budgets sont de plus en plus importants, on commence à prendre des commandes de 50 exosquelettes par 50 lorsqu’il y a quelques mois c’était 2 ou 3 », souligne Antoine Noël, cofondateur et CEO de Japet Medical. « Il y a eu une vraie avancée dans la compréhension de l’outil exosquelette. 100 à 300 entreprises nous contactent chaque mois pour acheter notre exosquelette.»
Les exosquelettes de santé au travail, un marché prometteur
Un constat partagé par Jean-Baptiste Malaclet, fondateur d’Exomat. « Nous avons de plus en plus de demandes, de tests validés et les acquisitions par nos clients sont de plus en plus nombreuses.» Exomat est un revendeur indépendant d’exosquelettes, lancé commercialement en janvier 2023. L’entreprise commercialise aujourd’hui une marque allemande. « Le marché français tend à se structurer, il est innovant. Il y a une vraie prise de conscience. »
Cette prise de conscience est une singularité. « Il y a moins de barrières psychologiques à l’achat en France », selon Antoine Noël. « Ce n’est pas le cas sur le marché allemand car on ne maîtrise pas la rentabilité de l'investissement. » Les gains induits grâce à un exosquelette ne sont pas facilement chiffrables.
« C’est une tendance longue, il y a une nécessité d’accompagner le marché pour le bien-être des salariés et pour le développement de l’activité des entreprises, d’autant plus dans un contexte où l’âge de départ à la retraite recule », souligne Hélène Cannard, membre du directoire de Finovam Gestion, un fonds d’investissement d’amorçage dans le nord-est de la France. Finovam Gestion a notamment soutenu Japet Medical à ses tout débuts.
Un coût de développement encore trop important
Le marché double en effet tous les deux ans, boosté par les problématiques de recrutements et d’arrêts de travail des entreprises du BTP, de la logistique et des industriels. « Le marché est croissant, il y a de la rentabilité, on est loin d’avoir couvert tous les besoins », développe Hélène Cannard. Après les grands groupes, les PME et les indépendants se tournent à leur tour vers les exosquelettes.
Selon Antoine Noël, « 100% des grands groupes industriels maîtrisent cette technologie. Aujourd’hui, ils sont précurseurs. » Certains ont même essayé de développer leurs propres produits… sans grand succès. Pour réussir à intégrer un tel dispositif, le processus est long : « L’ exosquelette parfait, celui qui règle tous les problèmes, n’existe pas. » Il faut bien identifier le poste et les difficultés sur lesquels implémenter l’outil puis réaliser une étude ergonomique et enfin, l'intégrer dans la routine du salarié avec le fabricant.
C’est d’ailleurs là l’un des freins du marché : le développement du produit. Plusieurs métriques sont à prendre en compte. Le poids, la batterie, les réglages, l’adaptabilité au mouvement… Les premiers exosquelettes pouvaient créer d’autres tensions musculaires alors même qu’ils cherchaient à soulager la nuque, le dos ou les épaules. La R&D est capitale : « Nous avons mis deux ans et demi à trouver le bon produit », confirme Jean-Baptiste Malaclet d’Exomat. « Je l’ai testé en conditions réelles, j’ai cassé des murs, porté des parpaings…»
Wandercraft, pépite française des exosquelettes
Autre frein : le prix. Les fabricants visent donc d’abord le BtoB. Comme Wandercraft qui commercialise son exosquelette auprès des hôpitaux en France. Dans une démarche de santé au travail, il faut compter entre 1 000 euros, pour un harnais léger par exemple, et 10 000 euros pour un exosquelette plus complet ou motorisé. Pour un exosquelette d’assistance à la marche, c’est de l’ordre de 100 000 à 200 000 euros.
Wandercraft est pionnière sur ce segment. Il y a une trentaine de leur premier modèle d’exosquelette dans les hôpitaux français. Un produit qui a mis plus de 6 ans à être abouti. Avec 3 objectifs : redonner de la mobilité, amoindrir les pathologies liées à l’immobilisation dans un fauteuil roulant, comme des maladies cardio-vasculaires, et améliorer la qualité de vie. Les trois mêmes piliers sont au cœur du développement actuel de leur robot d’assistance à la marche personnelle. « Une version plus fine capable de fournir une mobilité en ville ou à domicile, capable de s’asseoir dans un train… Il y a 10 ans, on nous disait que c’était impossible », raconte Jean-Louis Constanza, cofondateur de Wandercraft. Le prototype préindustriel a été présenté à New York en décembre.
Les États-Unis, locomotive du secteur
des exosquelettes personnels
Wandercraft, qui a ouvert un bureau à New York, mise sur le marché américain pour ce produit. Pour une raison simple : Medicare, la sécurité sociale américaine, a débloqué des lignes de remboursement pour les exosquelettes personnels. Une condition indispensable pour commercialiser des exosquelettes destinés aux particuliers.
En France, « on commence à travailler avec la CNAM (Caisse Nationale d'Assurance Maladie) et la HAS (Haute Autorité de Santé) sur les financements et les remboursements, ce sont les premiers contacts », indique Jean-Louis Constanza. 150 000 personnes en France pourraient être concernées par l’utilisation d’un tel robot. Reev, jeune pousse française qui a levé 3 millions d’euros en septembre dernier, lancera elle aussi son orthèse d’assistance à la marche aux Etats-Unis.
L’un des seuls exosquelettes accessibles aujourd’hui pour les particuliers est l’option proposée par la startup française Mojo : le ski-mojo. Des jambières articulées avec un mécanisme basé sur « des puissants ressorts réglables », à partir de 674 euros. Un premier exemple du développement des exosquelettes dans notre quotidien ? « Le marché ne peut aller qu'en augmentant : plus il va se déployer, plus les prix vont diminuer », analyse Antoine Noël. Dans 5 ans, verra-t-on des exosquelettes dans la rue ? Peut-être à un horizon plus proche, selon Jean-Louis Constanza de Wandercraft.