«Merci d’assister à une conférence qui n’est pas centrée sur l’IA !» Cette phrase, prononcée dans le discours d’ouverture de NFT Paris par Alexandre Tsydenko, co-fondateur de l’événement, témoigne en effet de l’hystérie qui règne actuellement dans la tech autour de l’IA. Néanmoins, il existe d’autres verticales technologiques qui tentent de se démarquer et l’écosystème Web3 entendait bien revenir sur le devant de la scène à l’occasion du salon parisien organisé ces 23 et 24 février au Grand Palais éphémère, avec la Tour Eiffel en toile de fond grandiose.
L’événement, qui vit cette année sa 3e édition, avait rassemblé 18 000 visiteurs en 2023, et ce dans un contexte délicat pour les NFT (Non Fungible Token). Souvent réduits, à tort, au milieu artistique, avec des collections emblématiques comme les singes de Bored Ape Yacht Club, ces actifs numériques intéressent de plus en plus certaines industries, comme le luxe. LVHM était d’ailleurs de la partie pour expliquer pourquoi une telle technologie est utile à sa stratégie de développement. Traçabilité, sécurité, meilleure connaissance des clients… Les avantages sont nombreux pour les marques à l’heure où le marché du seconde main ne cesse de s’envoler.
«L’écosystème français du Web3 se professionnalise, il devient plus premium»
Cette vision novatrice, Arianee a été l’un des premiers acteurs du Web3 à la mettre en œuvre. Dès 2017, cette structure, née sous l’impulsion des fondateurs de Vestiaire Collective, Alexandre Cognard et Christian Jorge, et Frédéric Montagnon, figure majeure de l’écosystème blockchain, a fait le pari de réunir des concurrents d’une même industrie autour d’un même système d’information pour délivrer aux clients un certificat d’identité numérique pour chaque produit fabriqué.
Après avoir vécu une année 2023 «paradoxale», de l’aveu même du co-fondateur et patron d’Arianee, Pierre-Nicolas Hurstel, ce dernier estime que la communauté Web3 se situe à un moment charnière de son histoire. «L’écosystème français du Web3 se professionnalise, il devient plus premium. Quand les temps sont durs, ce sont acteurs plus structurés avec la proposition de valeur la plus sérieuse qui restent. NFT Paris est le reflet de cette prise de maturité», estime-t-il. Ce n’est ainsi pas un hasard si Arianee est le sponsor principal du salon parisien. «Je pense que c’est extrêmement important pour une industrie d’avoir l’événement leader mondial à la maison. Beaucoup d’acteurs du secteur viennent du monde entier pour cet événement et ça rejaillit sur l’ensemble de l’écosystème. Nous avons un rôle à jouer pour être l’un des moteurs de l’industrie. Nous assumons ce rôle en prenant part à cet événement», ajoute Pierre-Nicolas Hurstel.
Les créateurs des Bored Ape et le métavers font de la résistance
Si l’événement est l’occasion de réunir les principaux acteurs du Web3 le temps de deux jours pour faire le bilan de l’avancée de l’écosystème et des prochaines étapes à mener pour le fortifier, il prend une dimension particulière dès qu’on s’éloigne des scènes dédiées aux conférences. En effet, NFT Paris prend davantage l’apparence d’une exposition ou d’une Fashion Week dans les allées du Grand Palais éphémère par rapport à un salon traditionnel. De nombreux œuvres digitales sont présentées au public sur différents stands et il n’est pas rare de croiser des visiteurs ayant dégainé un look «fashion», lunettes de soleil sur le nez et même pour certains un sac à dos avec des LED pour afficher des NFT.
L’événement est également l’occasion de voir que certains acteurs n’ont pas dit leur dernier mot. C’est le cas notamment de la société Yuga Labs, lancée par les créateurs des Bored Ape, qui a vécu une année 2023 cauchemardesque marquée par des plaintes d’investisseurs aux États-Unis et une restructuration pour faire face à un contexte plus difficile. En 2022, Yuga Labs était sur une toute autre dynamique et avait notamment marqué les esprits en s’offrant leur rival Larva Labs. Avec ce rachat, Yuga Labs disposait ainsi des deux principales collections de NFT du marché. L’opération n’avait pas échappé à Andreessen Horowitz qui avait mené un tour de table de 450 millions de dollars dans la société quelques mois plus tard, à une valorisation de 4 milliards de dollars. La situation est radicalement différente aujourd’hui…
Dans les allées de NFT Paris, il était également difficile de manquer le stand d’Animoca, acteur majeur du jeu vidéo dans le Web3 qui détient notamment The Sandbox. La plateforme, créée en 2011 par deux Français, Arthur Madrid et Sébastien Borget, poursuit son ascension alors que le mot «métavers» a complètement disparu (ou presque) des discussions et des salons technologiques depuis l’an passé. Si Meta a complètement raté son pari dans le secteur, dilapidant des milliards de dollars au passage avant de se réaxer sur l’IA, The Sandbox tire son épingle du jeu avec son approche gaming qui lui permet de continuer à séduire des utilisateurs dans le monde entier, notamment au travers d’une bonne croissance sur le marché asiatique.
«Il faut faire un peu attention à l’hyper-décentralisation»
Enfin, on croise à NFT Paris des acteurs bien connus de l’écosystème crypto, mais qui viennent seulement sur le salon parisien en tant qu’observateurs. C’est le cas notamment d’Alexandre Dreyfus, l’entrepreneur à la tête de la blockchain Chiliz et de la plateforme Socios.com, qui permet aux clubs sportifs d’offrir une nouvelle manière d’engager leur communauté de supporters au travers de fan tokens. «Je vois ça plutôt comme une exposition artistique technologique. Ce n’est pas le CES. Nous utilisons la même technologie, mais nous ne sommes pas vraiment dans le même monde. Il n’y a pas beaucoup d’entreprises françaises qui sont visibles à l’étranger dans mon univers qui est celui du trading de NFT», confie-t-il à Maddyness.
Néanmoins, l’événement a le mérite de pouvoir confronter différentes visions à l’égard du Web3. «L’ironie du Web 3, c’est que les plateformes ne sont pas propriétaires des données de leurs utilisateurs. L’utopie d’un monde où tout est décentralisé n’est pas nécessairement réaliste au regard des besoins business qui existent. C’est essentiel d’avoir une bonne connaissance de ses clients. Donc je pense qu’il faut faire un peu attention à l’hyper-décentralisation», ajoute-t-il. De son côté, Alexandre Dreyfus veut poursuivre le déploiement de sa blockchain pour en faire une référence dans la sphère sportive. «Nous sommes une blockchain sports & entertainment. Nous ne sommes pas là pour changer le monde, ni pour remplacer le dollar ou le bitcoin», assure l’entrepreneur tricolore basé à Malte.
«C’est un moment vraiment unique»
En attirant des acteurs qui ne constituent pas forcément sa cible initiale, NFT Paris confirme en tout cas que l’événement se positionne pour de bon comme un rendez-vous majeur de la communauté Web3. Signe de la force de frappe mondiale du salon parisien, Coinbase n’a pas hésité à débaucher le co-fondateur de NFT Paris, Côme Prost-Boucle, pour le nommer au poste de Country Manager France. Une annonce faite d’ailleurs quelques jours à peine avant cette édition 2024 de NFT Paris.
Lors de l’ouverture de la conférence, Alexandre Tsydenko, l’autre co-fondateur de la conférence, avait mis en lumière la période actuelle que vit l’écosystème Web3 : «Nous n’en sommes plus à la phase de lancement, mais nous ne sommes pas encore grand public. C’est un moment vraiment unique.» Et Pierre-Nicolas Hurstel de lancer une question cruciale quelques minutes plus tard : «Comment peut-on devenir grand public ?» Ce sera le prochain cap à franchir pour Arianee et les autres acteurs du secteur pour que leurs technologies deviennent aussi indispensables que les semi-conducteurs dans les mains de centaines de millions de personnes à travers le monde.