Le sujet de la souveraineté numérique est un sujet brulant. La CNIL a récemment décidé d’autoriser l’hébergement d’une importante base de données de santé de citoyens français, destinée à la recherche, par Microsoft. Cette décision justifiée par l’absence de « prestataire potentiel parmi les opérateurs français et européens » capable de proposer une « offre d'hébergement répondant aux exigences techniques et fonctionnelles du projet » est très largement décriée par les professionnels français. Alors que le Président Macron déclarait en juillet 2023 que « notre cap était l’indépendance de la France », ce choix de la CNIL montre l’échec de la France à héberger ses propres données de santé et à être souveraine sur un sujet aussi important que la sécurité et la confidentialité des données de ses citoyens !
Ces derniers mois, le terme de souveraineté numérique a d’ailleurs tout doucement été éclipsé par le terme de « confiance numérique ». Et pour cause, le terme est bien plus approprié pour qualifier les nouvelles offres de Cloud américaines et/ou franco-américaines qui ont récemment fleuri sur le marché et qui tentent de rassurer la clientèle française et européenne…
Pour être tout à fait juste, nous ne pouvons pas dire que les offres des GAFAM ne sont pas qualitatives. Elles ont largement fait leurs preuves et offrent par ailleurs une évolutivité extraordinaire. Y recourir, pour héberger certains assets non critiques, ne présente peut-être pas à première vue un risque direct car, après tout, les États-Unis sont des amis de longue date. Oui mais, il n’en demeure pas moins que nous avons des divergences sur de nombreuses questions, de géopolitiques, de commerce international ou encore de climat, et que sur un plan économique, nos entreprises sont souvent en compétition sur des appels d’offres de secteurs critiques tels que l’énergie, la Défense, l’aéronautique, les télécommunications, etc.
Cette question de souveraineté vs confiance numérique déporte le cœur du débat
En effet, la question que nous devrions nous poser est : jusqu'où peut-on compter sur des technologies et infrastructures étrangères pour des fonctions essentielles, surtout en considérant la compétition entre Nations, y compris parmi nos alliés ? Car d'un côté, il y a l'efficacité des solutions internationales reconnues et de l'autre, la necessité́ de garder un contrôle stratégique, en particulier pour la gestion et la protection de nos données critiques...
Les données des citoyens français et des entreprises françaises sont aujourd'hui majoritairement stockées dans des Cloud américains. Le seul Amazon s’est octroyé près de la moitié du marché du Cloud sur le territoire français en 2022. Ce quasi-monopole des 3 grands acteurs que sont Amazon, Microsoft et Google, doit nous faire réfléchir : quelles seraient les conséquences si un jour nos intérêts politiques ou économiques divergeaient de ceux des GAFAM ou des États-Unis ?
Nous savons pertinemment que les grandes nations se livrent toutes à de l’espionnage à grande échelle. Pourquoi prendre ce risque alors que des solutions françaises existent ?
La souveraineté numérique va en réalité bien au-delà d'une simple stratégie marketing de « consommer français » ou d'une préférence nationale. Elle s'ancre dans les enjeux de sécurité nationale, touchant à l'essence même de l'indépendance et de la résilience d'un pays dans l'ère numérique.
La souveraineté, c'est contrôler notre destin en tant que Nation
C’est une leçon qui a été clairement illustrée durant la crise du Covid-19. Cette période a mis en exergue les risques liés à la dépendance à d’autres pays pour certains équipements médicaux de première nécessité. La sécurité et la stabilité d'un pays dépendent de sa capacité à maintenir des infrastructures et des services essentiels indépendants des influences extérieures.
Car des solutions de ce type nous avons en France et puisque nous savons bien que l’incitation à consommer français ne suffit pas, ces solutions ont pour elles d’offrir une vraie proposition de valeur.
La France a les moyens de ne plus dépendre technologiquement des autres
Les solutions françaises en matière de Cloud et tous les marchés qui en découlent (stockage, IaaS, PaaS, SaaS, applications, etc.) existent. Elles proposent de vrais avantages concurrentiels par rapport aux solutions des GAFAM. Concurrencer les GAFAM est un défi car ils ont tissé une toile gigantesque résultant d’investissements massifs dans leurs infrastructures, et ils sont aujourd’hui présents dans quasiment toutes les entreprises françaises, petites ou grandes.
Soyons réalistes, il n’est pas évident de prendre la décision de remplacer des technologies qui fonctionnent, pour des solutions moins connues, au seul argument qu’elles sont françaises et souveraines. Mais cela se fait petit à petit, par la démonstration des avantages à utiliser du « Made in France » :
- Des prix bien inférieurs à ceux des GAFAM : en effet, acheter français coûte souvent moins cher. Ainsi, il est par exemple possible de délivrer une offre de stockage en ligne jusqu’à 80 % moins chère qu’Amazon.
- Un service client de proximité et local, basé sur l’humain.
- La souveraineté offre des garanties importantes pour la protection des données, car c’est un vrai argument quoi que l’on en dise : les éditeurs américains sont toujours soumis aux lois américaines, le Cloud Act et encore plus le FISA, qui de fait permettent à l’État américain d’accéder aux données de clients français, « au nom de la protection des États-Unis ».
Enfin dernier point important : l’adaptation des offres françaises aux besoins des entreprises. En effet, le tissu économique français est constitué principalement de TPE et PME qui auraient tout à gagner à utiliser des solutions françaises moins coûteuses, mieux dimensionnées pour leurs besoins et qui en plus offrent un service client de proximité.
Les solutions françaises existent déjà et sont performantes. Les privilégier nous mènera à une moindre dépendance aux technologies étrangères. De nombreuses entreprises ont entamé cette transition. Il est temps que les discussions politiques et publiques dépassent la sémantique pour se concentrer sur une réelle prise de conscience et des actions concrètes.