Les retailers et les marques de grande consommation ont une opportunité sans précédent d'exploiter leurs données et d'améliorer l'expérience client de manière nouvelle et plus significative.
Sans surprise, le NRF Retail’s BIG Show 2024 qui s’est tenu à New York du 13 au 16 janvier, a mis en lumière de nombreuses collaborations entre enseignes et techs innovantes. On peut rappeler notamment l’exemple cité par Marc Benioff - CEO de Salesforce - du call-center de Gucci à Milan qui utilise une IA générative afin de mieux connaître et mieux parler des produits ou encore les initiatives assez similaires de Walmart et d’Instacart de “Generative AI-powered search” qui permet aux shoppers de faire des recherches en langage naturel (par exemple “que dois-je prévoir pour organiser un goûter d’anniversaire sur le thème des licornes”) et ainsi obtenir toute une liste de produits. Ces illustrations préfigurent les innombrables opportunités d’améliorer l’expérience client et de fiabiliser certaines tâches dans les entreprises.
Rien de neuf sous le soleil me direz-vous ? Nous avons déjà vécu ce type de révolution avec l’émergence du digital il y a 15 ans ! Ce qui distingue l’arrivée massive des IA génératives comparé aux sauts technologiques précédents c’est sa vitesse d’adoption par les consommateurs et par conséquent de l’impérieuse nécessité pour les entreprises de prendre le train en marche avant qu’il ne soit trop tard. Pour mémoire, il a fallu trois ans et demi à Netflix pour atteindre 1 million d’utilisateurs, 2 mois et demi à Instagram et seulement 5 jours pour ChatGPT !
On peut donc facilement imaginer que de nombreux métiers seront profondément transformés avec une utilisation massive des IA génératives. Là encore, dresser une liste exhaustive des fonctions concernées dans les années à venir serait une tâche ardue. Dans le retail, les métiers de la vente, de la relation client, du content marketing ou encore la communication sont les premières auxquelles on pense en complément des fonctions transverses que sont la finance et les RH.
Si aux Etats-Unis c’est principalement le manque de main d’œuvre qui est évoqué par les patrons d’enseignes pour recourir à une plus grande automatisation des tâches, la hausse de la productivité reste aussi un facteur déterminant. A ce titre, McKinsey estime que les IA génératives pourraient apporter entre 30 et 50 % d’augmentation de productivité sur certaines fonctions.
Or, dans un contexte économique en berne et face à une baisse tendancielle de la consommation des ménages, les enseignes ont placé l’optimisation des processus et l’augmentation de la productivité comme des priorités majeures pour 2024. Il s’agit donc là d’un terreau très fertile pour exploiter massivement les IA génératives.
Cette tendance de fond doit inciter les RH à travailler proactivement l’impact sur les métiers et les compétences. Il s’agit d’être au clair sur les métiers potentiellement concernés, sur les gains de productivité visés et sur ce que l’entreprise souhaite faire de ses gains. Dans certains cas, des métiers pourraient être moins représentés, dans d’autres il sera pertinent de consacrer plus de temps à des missions à plus forte valeur ajoutée.
Dans ce cadre, les équipes RH doivent se poser 6 questions pour lesquelles elles pourront se faire aider par les managers des métiers concernés et des experts externes :
1/ Quelles tâches peut-on déléguer aux IA Génératives dans le métier étudié ?
Cet audit doit se faire de concert avec les experts métiers. Il s’agit ensuite de valider la faisabilité de l’automatisation avec des POC et une analyse de la fiabilité de l’IA.
2/ Quels gains de productivité aller chercher ?
L’évaluation du gain de productivité est un élément clé qui permettra d’anticiper l’évolution des besoins en recrutement dans les années à venir. Cette mesure ne pourra se faire de manière fiable que par une analyse dans la durée en tenant compte de l’évolution réelle des pratiques métiers grâce à des KPIs clairement définis mais aussi des observations terrain et des interviews d’utilisateurs et de managers.
3/ Le métier concerné doit-il être prioritaire dans l’implémentation des IA Génératives ?
Face à la complexité des défis actuels, les entreprises ont l’impérieuse nécessité de se recentrer sur des priorités d’action. Il serait donc délétère de vouloir transformer tous les métiers de front. Les RH pourraient évidemment s’attaquer prioritairement aux métiers les plus volontaristes. Néanmoins, une analyse plus froide des besoins prioritaires de l’entreprise doit être menée. Les RH doivent aussi prendre en compte le risque de non-action : si on ne fait rien avec les IA génératives, arrivera-t-on toujours à attirer des candidats sur le métier concerné ? Risque-t-on de laisser d’autres acteurs du marché prendre un avantage concurrentiel irrattrapable ? Y a-t-il un prime à être le 1st mover ?
4/ Que faire du gain de productivité ?
L’IA générative doit-elle permettre de réduire le nombre de personnes dans les équipes concernées ? S’agit-il de réorienter les collaborateurs vers des missions à plus forte valeur ajoutée ? A ce stade, écouter le métier semble absolument nécessaire pour comprendre où résident les motivations de s’appuyer sur l’IA et pour déceler les gisements de nouvelles propositions de valeur. Il s’agira ensuite de mettre ces propositions en cohérence avec le reste de l’organisation pour ne pas recréer un effet de silos.
5/ Quelles nouvelles compétences sont nécessaires ?
Que ce soit pour adopter les IA génératives dans son activité ou pour proposer une nouvelle valeur ajoutée sur le temps gagné grâce à l’automatisation de certaines tâches, chaque mutation des métiers nécessitera un accompagnement des collaborateurs vers de nouvelles compétences. Celles-ci doivent être identifiées par un travail conjoint entre RH et les métiers en partant des skills attendues demain pour les traduire en parcours d’accompagnement et de formation. Cette étape sera encore plus critique si certaines personnes sont amenées à changer totalement de métier parce que leur fonction précédente est purement et simplement supprimée.
6/ Quand et comment activer le plan d'acquisition et de transfert de compétences ?
La question du timing est loin d’être anodine. Récemment, une DRH dans le domaine de la veille et de l’analyse réglementaire, me disait sa difficulté de trouver le bon rythme pour réduire les recrutements d’analystes et de les transférer progressivement vers d’autres postes sachant que l’essentiel de leur missions seront remplacées à terme par des IA génératives. L’inertie des décisions RH se cumulait avec beaucoup d'inconnues sur la date à laquelle leurs IA seraient vraiment matures et prêtes à fonctionner seules. A cela s'ajoutent les craintes et résistances inhérentes à toutes les transformations et qui requièrent un véritable plan de conduite du changement.
Si l’expérience des précédentes révolutions technologiques nous a enseigné qu’il est encore trop tôt pour assurer de manière péremptoire que les IA génératives vont changer fondamentalement la donne, il serait inversement délétère que les RH ne prennent pas en compte les impacts potentiels et ne travaillent pas dès à présent sur des plans de strategic workforce planning pour accompagner le mouvement plutôt que de le subir.