Conjuguer technologies numériques et éducation, tel est l’objectif du secteur de l’Edtech. Un secteur qui a explosé pendant la période Covid, le digital devenant indispensable pour assurer la continuité pédagogique à la maison. Mais les innovations dans ce domaine ne touchent pas seulement l’école à distance, elles transforment également l’enseignement, de la maternelle au supérieur, et la formation continue pour répondre au marché de l’emploi et aux besoins en compétences.
Impacté, comme les autres secteurs de la tech, par la baisse des investissements en 2023, l’Edtech a affiché l’année dernière 3 milliards de dollars de levée de fonds au niveau mondial, contre 20,8 milliards de dollars en 2021, selon une étude Holon IQ. Quelques startups françaises sont sorties du lot en 2023 : Nolej, qui a levé 3 millions d’euros auprès d’Educapital et de Square Knowledge Ventures, pour développer une IA qui permet de générer des contenus de cours pour les enseignants ; Edflex, qui a bouclé une série B de 12 millions d’euros pour accélérer la montée en compétences des salariés ; et la startup montpelliéraine Sweetch qui a levé 1,2 millions d’euros pour faciliter la recherche d’alternants.
Un secteur morcelé de petits entreprises
Une autre pépite française a fait parler d’elle en fin d’année : EvidenceB, qui a remporté un marché public pour déployer à la rentrée 2024 son outil MIA Seconde (Modules interactifs adaptatifs) à tous les lycéens de Seconde. Le principe : permettre aux élèves de réaliser, en dehors de la classe, des exercices de mathématiques ou de français sur une application. Grâce à un algorithme boosté par l’intelligence artificielle, l’élève reçoit de nouveaux exercices pour progresser, selon son niveau.
Selon la plus récente étude sur le marché de l’Edtech en France, réalisée en 2021 par EY Parthénon, la filière pèse 1,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec environ 500 startup et 10 000 salariés. « La France compte le plus grand nombre d’entreprises edtech en Europe, mais c’est un secteur très morcelé, composé de nombreuses petites entreprises, remarque Orianne Ledroit, déléguée générale de l’association Edtech France. On observe un ralentissement du chiffre d’affaires, par rapport au Royaume-Uni, qui rafle 33% du marché européen ».
Faire valider son innovation : un vrai parcours du combattant !
Principale différence entre la France et le Royaume-Uni sur le secteur de l’Edtech : l’absence de lien entre le Ministère de l’Éducation nationale français et les startup privées.
« Au Royaume-Uni, les enseignants se rendent dans les salons de l’Éducation et de la technologie pour acheter de leur poche des solutions », affirme Philippine Dolbeau, présentatrice de l’émission « L’école du futur » sur Sqooltv. « Il n’y a pas cette lourdeur administrative qu’on a en France. Ici, pour utiliser un logiciel en classe, il faut avoir l’aval de sa hiérarchie ». Un constat que dresse également Sharon Sofer, fondatrice de Startup For Kids, une organisation qui se donne pour mission de gommer les inégalités sociales ou de genre pour mener les 6-20 ans vers les métiers de demain. « Pour faire agréer son produit, une startup doit obtenir la validation de trois personnes différentes au sein de chaque académie. C’est le parcours du combattant ! De plus, le ministère n’a pas les moyens de financer ces entreprises. C’est pourquoi, chez Startup For Kids, nous avons fait le choix de travailler avec le public et le privé. Il faut avoir une approche de gestion très rigoureuse, nouer des relations avec le ministère, ce qui est très long ».
Conséquence : la fuite des pépites françaises vers l’étranger, à l’instar de Lalilo, startup qui facilite l'apprentissage de la lecture chez les enfants et qui a été rachetée par le groupe américain Renaissance ; ou Holy Owly, leader de l’apprentissage des langues des 3-12 ans, rachetée par des Suédois.
Apprendre avec un casque de réalité virtuelle
« L’Edtech est un marché porteur de sens, en croissance, non lié à un effet de mode », remarque Litzie Maarek, cofondatrice d’Educapital, le plus grand fonds d’investissement Edtech en Europe. « Pour connaître le succès, une startup doit construire un outil qui réponde à un besoin. Les tendances fortes pour 2024 restent l’intelligence artificielle, pour faire gagner du temps aux enseignants, personnaliser l’apprentissage, former les élèves aux nouveaux métiers et aider à la reconversion, mais aussi l’immersive learning, qui permet l’apprentissage grâce à la réalité virtuelle. Nous ne sommes qu’au début de cette révolution ».