La naissance officielle de la startup Iridesense est toute récente, mars 2023. Pourtant, l’histoire commence dans les années 1990 lorsqu’un chercheur du MIT, Scott Buchter, développe la technologie de laser multi-spectrale qui se retrouve au coeur d’Iridesense. En effet, la startup propose une solution de perception multi-spectrale 3D, basée sur le Lidar, qui est non seulement capable de voir le monde en trois dimensions, mais qui peut aussi analyser à distance la matière pour en donner la composition chimique.
En 2019, Scott Buchter revend cette innovation à la startup Outsight, entreprise qui s’est créée pour exploiter cette technologie pour l’industrie automobile. Outsight pivote finalement en 2022 pour se focaliser sur le développement de la brique software, et vient créer une spin-off pour développer le Lidar multi-spectrale : Iridesense.
Une histoire de famille
La direction de cette spin-off est confiée à Nadine Buard, une ingénieure spécialisée en optronique, une discipline à l’intersection de l’optique et de l’électronique. Après être passée par Airbus (2009-2012), elle dépose une candidature spontanée chez Withings et se voit rappelée par Eric Carreel en personne, alors que l’entreprise ne dépassait pas les vingt employés.
Nadine Buard prend alors la tête de la R&D chez Withings jusqu’au rachat par Nokia en 2016 où elle ne reste qu’un an. Elle continue ensuite de graviter dans l’orbite du serial-entrepreneur puisqu’elle dirige l’innovation pour Invoxia avant de partir pour rejoindre la startup Outsight lors de sa création en 2019 par un autre cofondateur de Withings, Cédric Hutchings. Début 2023, Nadine Buard se voit proposée la direction de la spin-off Iridesense et décide de chercher deux autres cofondateurs : Elise Chevallard, qui tenait le rôle de chef de projet du Lidar multi-spectrale chez Outsight. Mais aussi Eric Carreel, celui qui est devenu un ami de longue date et qui se passionne aussi pour cette technologie, étant même devenu actionnaire d’Outsight en 2019.
« Je suis un peu un taré du hardware, confirme Eric Carreel à Maddyness. J’aime la physique qui prend racine dans un produit qui essaie de la rendre le plus utilisable possible pour enrichir la vie d’autres personnes. Je trouve ce projet passionnant. »
Cette histoire de famille retrouve d’ailleurs son centre de gravité à Issy-les-Moulineaux où les bureaux de Withings, Invoxia et Iridesense se trouvent l’un à côté de l’autre.
Une technologie aux multiples applications
Nadine Buard n’est pas à placer dans la case de l’entrepreneur qui a décidé de se saisir d’une opportunité business, il s’agit tout d’abord d’une passionnée de physique qui veut lui trouver des utilisations concrètes. « J’aime beaucoup cette technologie, lance-t-elle. Un Lidar multi-spectrale est un capteur particulièrement intéressant pour travailler sur le terrain directement. On est capable d’analyser la matière en amenant de la lumière, donc on maîtrise complètement les conditions d’illumination, même en extérieur. Ce qui fait que l’analyse est toujours juste, quelle que soit la lumière ambiante, et ça c’est quelque chose qui est très rare avec ce type de technologie. »
Elle vient également louer la précision de l’outil, capable de faire des mesures à longue distance. « Cela donne la capacité à l’homme et à la machine de voir l’invisible. » Iridesense se revendique comme étant la première entreprise au monde à développer un Lidar multi-spectrale. Ce n’est pourtant pas uniquement pour la beauté de la science, la startup étant convaincue des multiples applications possibles pour cette technologie : « On est capable de faire des analyses directement sur le terrain pour le secteur de la construction ou minier : distinguer différents types de roches pour dire où la machine doit creuser, estimer le contenu en minerais d’un chargement, détecter les hydrocarbures pour être capable de trier directement sur le terrain les terres polluées sur des chantiers de dépollution. »
Si l’entreprise est présente au CES 2024, c’est pourtant avec l’objectif de mettre l’accent sur un secteur en particulier : l’agriculture. « On est capable de mesurer le stress hydrique des végétaux et donc de savoir s’ils sont suffisamment arrosés ou non. Notre Lidar a aussi la capacité de monitorer la croissance des végétaux en plus de leur niveau d’hydratation, puisque ce dernier est aussi un marqueur de santé. Un dessèchement pourra nous informer de la présence d’une maladie des végétaux. »
Le choix de ces annonces liées au secteur agricole n’est pas fait par hasard sur le territoire américain : les États-Unis sont bien plus avancés que la France sur cette question de l’agriculture 4.0. La startup espère ainsi se faire remarquer auprès des très grands exploitants qui pourront embarquer ce Lidar multi-spectrale sur un drone, un tracteur, ou en haut d’un mât qui pourra surveiller une zone de cinquante hectares avec un seul appareil.
Un besoin d’accélération
Si l’entreprise est encore jeune, elle cherche à accélérer pour baisser le coût de ses capteurs qui sont aujourd’hui assemblés à la main en toute petite série. « Nous voulons passer en industrialisation à partir de l’année prochaine. Notre intérêt, c’est de produire en volume pour baisser les coûts. Donc on ne s’interdit pas de servir des marchés très différents, avec des surcouches softwares spécifiques pour multiplier les domaines d’application de cette technologie ».
En parallèle, Iridesense réalise une levée de fonds de 4 millions d’euros pour se donner les moyens de se développer. « Aujourd’hui on est les premiers, explique Nadine Buard. Mais il faudrait qu’on le reste ! »