Femmes victimes de violences, jeunes sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance, réfugiés, travailleurs ou encore étudiants précaires … la liste des bénéficiaires de Stirrup, le « Airbnb solidaire », est longue, mais n’empêchera pas l’arrêt de son activité. Bien que déterminée à proposer un logement à ceux qui en ont le plus besoin, et malgré de nombreux efforts pour trouver un repreneur, sa fondatrice Delphine Barthe a annoncé la fin de l’activité le 20 décembre 2023.
« Chez Stirrup, nous signons des contrats avec des promoteurs et des bailleurs sociaux pour sécuriser leurs logements inoccupés mais le démarrage a demandé plus de temps que prévu par rapport à notre trésorerie », expliquait Delphine Barthe sur LinkedIn il y a un mois. « Le modèle économique fonctionnait, on avait nos premiers clients mais on n’a pas réussi à lever des fonds car un fond d’investissement à impact nous a planté au dernier moment. On générait du chiffre d’affaires, mais pas assez pour couvrir les charges », détaille-t-elle aujourd'hui auprès de Maddyness.
Stirrup se présentait comme un tiers de confiance
C’est en rencontrant une famille de sans-abri vivant sous une tente dans un camp de migrants que Delphine Barthe décide de mettre au point une solution de prêt de logement vacant pour les personnes dans le besoin : Stirrup. La startup agissait comme un tiers de confiance entre les propriétaires, les bailleurs sociaux, les promoteurs immobiliers et les associations d’insertion. Ainsi, les professionnels de l’immobilier disposaient d’une solution pour éviter le squat et la dévaluation de leurs biens immobiliers, tout en bénéficiant d’avantages fiscaux. En effet, le prêt de logement est considéré comme un don de loyers à une association d’intérêt général.
Le modèle économique de l’entreprise reposait sur la facturation aux promoteurs et bailleurs d'un forfait allant jusqu’à 300 euros par logement « sécurisé » par l’habitation solidaire. En effet, la startup facturait la sécurisation des relations entre les parties prenantes grâce à des contrats commerciaux avec les professionnels de l'immobilier, des contrats de partenariat avec des associations et des contrats de prêt gratuit du logement. Ce modèle avait permis de générer 20 000 euros de chiffre d’affaires en 2022 et la startup prévoyait un chiffre d’affaires pour 2023 de 35 000 euros.
« Nous épaulons les associations dans toutes les étapes en nous assurant de la décence des logements, de la fiabilité des futurs locataires, de la contractualisation, du suivi mensuel de l'état du logement. Nous agissons ainsi comme un tiers de confiance entre les associations et les propriétaires », précisait Delphine Barthe dans La Tribune il y a un an. « En moyenne, un logement vacant coûte environ 2500 euros par an et peut-être squatté ou dégradé. En le proposant sur notre plateforme, un propriétaire n'a aucune démarche à effectuer. Il réalise même des économies et réduit ses impôts, tout en favorisant l'intérêt général. »
"L'impact est encore très difficile à financer"
Cependant, malgré de nombreux contrats avec des acteurs de l’immobilier comme Pitch Immo ou Quartus, ou encore un partenariat avec le groupe 3F Notre logis, ce modèle économique n’a pas permis de rentabiliser l’activité rapidement. La startup, également avancée dans les négociations d’un contrat régional avec Bouygues Construction en partenariat avec Vilogia, incitait l’éventuel repreneur à trouver une solution pour accélérer le cycle de vente, particulièrement long. En effet, même si les promoteurs prospectés étaient intéressés pour signer un contrat de partenariat, ils ne disposaient pas toujours de logements disponibles.
« Nous commençons à avoir le retour de notre effort de prospection même si nous vendons notre service et que des clients paient depuis le début », précisait l’équipe de Stirrup dans un document disponible sur alvo.market pour la reprise de son activité. « Nous avons une traction commerciale et nous devons prouver que le produit est adapté au marché. Nous avons un très bon taux de prise de rendez-vous commerciaux suite à la prospection mais l’écueil est que le cycle de vente est très long : 8 mois pour des appels entrants et certainement 12 mois pour de la prospection ».
Les signaux verts de Stirrup n'ont donc pas suffit. « L’impact, c’est très à la mode… mais c’est encore très difficile à financer. Beaucoup de mouvements comme Impact France font du très bon travail sur cette problématique, mais, aujourd’hui quand on rencontre des fonds, ils sont doublement exigeants : exigeant déjà sur nos indicateurs de rentabilité, et ils le sont encore plus sur nos KPIs d’impact. Sauf qu’une société à impact, surtout en amorçage, doit réussir à trouver son modèle économique, ce qui n’est pas évident quand on nous demande d’innover sur tous les fronts », déclare à Maddyness Delphine Barthe.
L'aventure n'est pas terminée
En dépit de sa fermeture et d’un objectif audacieux qui ne pourra être atteint, celui d’offrir un toit à 30 000 personnes en 5 ans, Stirrup a posé les bases d’une approche solidaire dans le secteur de l'immobilier. Leur modèle, alliant défiscalisation et solution anti-squat pour les propriétaires et hébergement temporaire pour les sans-abris, pourrait servir de référence pour de futures entreprises sociales dans le domaine du logement.
« Stirrup, c’est terminé. Nous nous sommes battues jusqu’au bout pour trouver un repreneur ou de nouveaux investisseurs, mais le timing de 3 semaines était vraiment serré », conclut Delphine Barthe dans un post Linkedin du 20 décembre 2023. « Oui, je me suis plantée avec Stirrup, mais j’ai beaucoup appris, j’ai rencontré des personnes extraordinaires, des entrepreneurs solidaires qui m’ont donné de la force et même déjà de futurs investisseurs. Merci à toutes celles et tous ceux qui nous ont soutenus et ont essayé de nous trouver des solutions jusqu’à la dernière minute. »
Malgré la fin de Stirrup, Delphine Barthe n'entend pas baisser les bras. « Nous travaillons déjà sur le projet suivant, avec de super partenaires et la même équipe », nous confie-t-elle.« Il n'existe pas qu'un seul moyen de lutter contre le sans-abrisme, et nous nous y attellerons ! »