Doit-on sonner le glas des cabinets de conseil en RH ? Si l’on regarde l’activité de conseil au sens large, en 2021, le secteur semble avoir été épargné par le contexte économique et géopolitique. En effet, il affichait une croissance à deux chiffres (12.5 %) porté par les activités de conseil en stratégie (22.5 %) et d’organisation et de conduite du changement (14.3 %). 2023 semble plus imprévisible, notamment dans le secteur de la tech. En cause, la chute des levées de fonds qui ont reculé de 49 % (au premier semestre 2023), entraînant, mécaniquement, un repli massif des recrutements.
La marché du conseil RH étant diversifié, de nouvelles offres émergent en phase avec la réalité économique et sociale : recrutements inclusifs, restructuration, plans sociaux… Pour comprendre les nouvelles ramifications sectorielles, trois dirigeantes de cabinets RH partagent leur vision et prospective.
Recrutement : après l’euphorie, la disette ?
« Le recrutement représentait 75 % de notre chiffre d’affaires. Aujourd’hui, il se situe à 50 %, complété par 50 % de conseil en people et performance », confie Eugénie Chaltiel, fondatrice et CEO du cabinet High Flyers. En effet, la manière de recruter dans l’écosystème tech et digital s’est transformée : « L’argent étant plus rare, on ne recrute plus en masse, sans fiche de poste ni pilotage de la performance. Les startups rationalisent davantage avec des embauches plus réfléchies. Ce qui est plus sain. »
Le ralentissement s’est également fait sentir sur la vélocité des processus de recrutement selon Sarah Huet, cofondatrice de A female agency, un cabinet spécialisé dans le recrutement des top talents féminins. « On ressent une instabilité du secteur de la tech depuis 2023 avec une frilosité des investisseurs. Résultat : les recrutements sont soit gelés, soit plus longs. À titre d’exemple, le placement d'une personne à un niveau C-level est passé de 7 semaines à 10 semaines. »
Un faisceau de nouvelles opportunités
Le secteur tech expérimente une facette sociale plus sombre : celle du cost killing impliquant des plans sociaux et de la restructuration. En effet, selon une enquête d’avril 2023, le nombre de startups créant des emplois est en chute (-69 %), alors que le nombre de celles qui licencient progresse (+ 50 %). « Notre cabinet a donc étoffé son offre : le conseil RH et l’accompagnement des plans sociaux (RCC et PSE), qui à eux deux, représentent aujourd’hui 50 % de notre chiffre d’affaires », explique Eugénie Chaltiel. C’est « une réelle opportunité » de dépoussiérer le secteur des restructurations et de l’outplacement qui, selon la fondatrice d’High Flyers, a été longtemps préempté par les acteurs historiques « peu innovants et ne connaissent pas ou peu les enjeux RH de l’écosystème tech ».
Même constat pour Ignition program, cabinet d’accompagnement RH et d’innovation managériale : « Il y a un déferlement de plans sociaux dans les startups à cause du retournement soudain du marché. Or, les dirigeants ne sont pas armés pour affronter cette situation tant humainement que financièrement. Ce qui se passe est très inquiétant », avertit Caroline Pailloux, fondatrice et CEO du cabinet. Le cabinet a donc créé une offre pour accompagner les PSE de A à Z : conseil sur la gestion des départs, travail sur l’engagement des équipes (restantes), mise en place d’outplacement et/ou de bilans de compétences : « Nous sommes experts en transformation depuis longtemps : nous avons donc transféré ce savoir-faire sur les enjeux sociaux actuels. »
Selon A female Agency, le pari du recrutement inclusif, en faveur de la mixité, leur a permis d’échapper à la baisse drastique des recrutements tech. « En tant que cabinet qui œuvre pour la diversité à haut niveau, les entreprises continuent de nous solliciter car notre modèle répond à une demande croissante : celle de mettre en place des équipes dirigeantes plus inclusives et pérennes », souligne Sarah Huet. Le cabinet a néanmoins élargi sa cible en termes de secteur en accompagnant davantage les ETI, PME et plus grandes entreprises.
2024-2025 : les 4 offres RH qui montent
Essor du placement « On demand » : eu égard à l’incertitude socio-économique, les entreprises exigent plus de flexibilité. Le freelancing, « à la demande », se développe de plus en plus à des postes stratégiques. « Cela se traduit par une approche de recrutement mixte : la personne commence en freelance dans l’optique de transformer la collaboration en CDI, avec la dispense de la période d’essai. 10 à 15 % des embauches se déroulent ainsi depuis un an », explique Sarah Huet.
Accompagnement humain du « Build up » : « C’est une stratégie financière qui s’accélère actuellement en France pour faire face à la disette des levées de fonds. Pour financer leur croissance, les startups se rachètent entre elles afin de devenir un acteur commun de poids sur leur marché », décrit Eugénie Chaltiel. Les impacts humains sont significatifs et doivent être accompagnés : réorganisation, culture d’entreprise, analyse des impacts métiers…
Émergence du recruteur coach : au vu du coût d’un recrutement raté (« entre 30.000 et 150.000 euros pour un C-level », selon Sarah Huet), le rôle du recruteur est en train de s'étoffer. « Nous proposons un spectre d’accompagnement plus large : en amont du recrutement jusqu’à la fin de l’onboarding pour maximiser les chances de réussite », explique Sarah Huet.
Investissement massif sur les compétences : « La crise a pointé du doigt la nécessité d’être de meilleurs gestionnaires. Cela passe par de la formation managériale et une maîtrise des coûts, notamment des coûts cachés », souligne Caroline Pailloux. En ce sens, Ignition Program a déjà mis à disposition (gratuitement) des outils pour piloter les coûts d’un recrutement et améliorer sa performance managériale. « Dans le contexte actuel, il devient essentiel d’équiper les managers avec des compétences techniques. »