Gilles Samoun annonce la couleur : “Je suis dans ce domaine depuis un petit bout de temps.” Le domaine en question : l’informatique. À 58 ans, il se souvient du jour où il est “tombé amoureux de l’informatique”. “Je n’ai plus arrêté depuis.” À l’origine de cette passion : “l’envie de résoudre un problème et le côté itératif de la programmation qui crée une sorte d’addiction.” Depuis, ses intérêts ont évolué pour utiliser ces technologies aux profits de la création de produits qui répondent aux besoins de tous.
Pour atteindre cet objectif, Gilles Samoun intègre des études de physique, filière lui permettant d’effectuer de l’informatique industrielle. “Les études d’informatique n’existaient pas ou très peu à l’époque.” Dans les années 1980, il poursuit sa quête en traversant l’Atlantique : “Je suis allée aux Etats-Unis parce que c’était là où il fallait aller.” Là-bas, il a la chance de “voir Steve Jobs et Bill Gates au début de leur gloire” et s’inspire de “l’énergie de création d’entreprise et de projets” qui bouillonne alors au sein de la Silicon Valley.
Un pied dans le monde de l’investissement
Ces quelques années aux États-Unis lui permettent de confirmer sa passion. Elles donnent aussi la volonté d’entreprendre à cet enfant d’enseignants qui n’a jamais fréquenté le milieu de l’entrepreneuriat. “On a une idée, on la concrétise et on veut la vendre. Comment faire pour créer un produit qui va conquérir le monde ? Là-bas, j’ai appris comment marchait l’entrepreneuriat et j’ai compris que c’était possible.”
En 1987, Gilles Samoun revient en France. Il reprend ses études universitaires, rejoint une société d’informatique financière puis co-crée une société de ventes aux enchères sur Minitel. “Ça n'a pas fonctionné mais le concept était intéressant.” Il rejoint alors l’entreprise américaine Verity, à l’époque des débuts des moteurs de recherche, en tant que directeur technique France puis dirige la partie européenne de la société.
“À l’époque, j’allais tous les mois aux Etats-Unis. Nos investisseurs m’ont demandé d’aller voir des sociétés dans lesquelles ils souhaitaient investir. Ça m'a permis de mettre un pied dans le monde de l’investissement et de toucher du doigt la notion d’accès au marché.” Peu à peu, les salariés quittent Verity pour des moteurs de recherche comme Google et Gilles Samoun quitte lui aussi la société en 1998 après cinq ans au sein de celle-ci.
Un an plus tard, en France, il crée Qualys, un logiciel SaaS de détection de vulnérabilité, aujourd’hui côté au Nasdaq. “Nous avons eu nos premiers clients en France puis nous sommes allés aux Etats-Unis pour le financement.” Peu de temps après, en 1999 naît Salesforce, autre pionnier du SaaS, système CRM d’aide à la gestion des données des clients. À ce moment-là, Gilles Samoun est déjà un serial entrepreneur et s’apprête à devenir un serial investisseur. En 2001, il rejoint le fonds d’investissement Balderton, en Angleterre. “Rejoindre un fonds était la deuxième étape pour moi. Quand on dirige une société et qu’on a en face de soi des investisseurs, il est assez compliqué de comprendre leur dynamique et leur logique malgré des intérêts communs. Je me suis retrouvé de l’autre côté de la table et en deux semaines j’ai appris bien plus qu’en plusieurs années.” Au cours de sa carrière, il investit notamment dans les entreprises telles qu’Algolia, Payfit, Spendesk et Shine.
“Au moins trois idées par jour”
Lorsqu’il devient papa, Gilles Samoun retourne à Paris. Il reprend une société de logiciels de sécurité qu’il revend deux ans plus tard après l’avoir refinancée et restructurée. Une expérience différente. “Lorsqu’on fonde une société, surtout la première fois, une sorte d’affect se crée. On prend des décisions qui ne sont pas toujours rationnelles. Quand on reprend une société, le lien d’affect est moins important et on peut prendre des décisions sans être influencé par l’émotionnel”, assure-t-il. L’intérêt : “Si on reste dans une société pendant 20 ans, on peut évoluer sans pour autant avoir suffisamment de recul.”
À la naissance de son deuxième enfant, Gilles Samoun s’octroie un peu de temps off… sans jamais vraiment s’éloigner du travail. “Je donne alors des conseils, de façon bénévole, à de jeunes entrepreneurs qui souhaitent démarrer leur projet.” En parallèle, il continue à reprendre puis revendre des entreprises, notamment en Espagne.
En 2016, il crée Successeve, “une customer intelligence platform qui permet d’analyser les données de nos clients, le comportement de leurs utilisateurs, de l’inscription sur la plateforme de nos clients, et jusqu’au désabonnement”.
Désormais, l’entrepreneur au CV impressionnant s’est installé à Aix-en-Provence et réfléchit encore à d’autres projets. “Ma fille me dit “mais tu as beaucoup d’idées”. Oui, je remplis des cahiers avec au moins trois idées par jour.” Gilles Samoun est poussé par l’aventure humaine qui importe dans chaque nouveau projet. “Ma famille pense, à raison, que je ne prendrai pas de retraite parce que je ne sais pas ce que c’est de ne pas travailler.” Quant aux Etats-Unis, il continue de s’y déplacer une fois par an car “en informatique, c’est le centre du monde”.