En France, ce ne sont pas moins de 600 000 personnes qui vivent avec une schizophrénie et plus d’un million avec un trouble bipolaire. A l’échelle mondiale, c’est même près d’une personne sur huit qui souffre d’un trouble mental, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce chiffre témoigne de la dégradation de la santé mentale de centaines de millions de personnes dans le monde, qui s’est accélérée à cause de la pandémie de Covid-19. En effet, la crise sanitaire a fait exploser les taux de dépression et d’anxiété. Dans ce contexte, le suivi des troubles mentaux est plus que jamais un enjeu de santé publique.
Pour y faire face, Martin Denais, Xuan-Nga Cao et Rachid Riad ont lancé en début d’année la startup Callyope. Celle-ci vise à mettre au point une plateforme de télésurveillance permettant aux professionnels de santé de mesurer l’efficacité d’un traitement contre la dépression sévère, les troubles bipolaires et la schizophrénie. «J’avais envie de créer quelque chose qui a de l’impact. Or en santé mentale, il y a beaucoup de personnes concernées avec de gros problèmes de suivi. Par conséquent, nous nous sommes dit que nous pouvions aider des millions de personnes et éviter les rechutes», indique Martin Denais, co-fondateur et CEO de Callyope, à Maddyness.
Éviter les rechutes
Au cœur de cette approche, il y a la voix. Et pour cause, les biomarqueurs vocaux se révèlent particulièrement utiles pour évaluer la sévérité des symptômes psychiatriques et cognitifs liés à la dépression sévère, la bipolarité ou la schizophrénie. «La voix, c’est quasiment 100 % de la source des décisions cliniques. C’est une vraie force pour détecter les signaux faibles de rechute. Par exemple, la désorganisation du discours fait partie des symptômes pour détecter la schizophrénie», explique Martin Denais, qui travaillait dans la finance à Londres, avant de créer Callyope avec l’appui de l’Institut du cerveau.
Une fois collectés, les biomarqueurs vocaux, qui pourraient être récupérés à l’aide d’une application invitant le patient à tenir une sorte de journal vocal sur son parcours de santé mentale (efficacité des médicaments, sommeil, humeur…), seraient ensuite traités par des technologies de machine learning pour déterminer la sévérité des symptômes et ainsi épauler les psychiatres dans leur travail pour améliorer la qualité des soins. L’objectif est d’éviter les rechutes de manière à éviter les réhospitalisations, malheureusement trop fréquentes avec les troubles mentaux. «Près de la moitié des patients hospitalisés rechutent dans les 12 mois», précise Martin Denais. Avant d’ajouter : «La santé mentale est l’un des plus gros problèmes de santé publique de notre époque.»
Une première levée de 2,2 millions d’euros
Pour lutter contre ce fléau, la société tricolore, actuellement hébergée à Station F, espère parvenir à un produit estampillé CE dans quelques mois. Dans ce sens, Callyope a bouclé un tour de table de 2,2 millions d’euros mené par 360 Capital et Bpifrance via son fonds Digital Ventures. No Label Ventures et des business angels, comme Thomas Clozel, co-fondateur et CEO d’Owkin, et Adrien Montfort, co-fondateur et CTO de Sorare, ont également participé à l’opération.
Ce financement doit permettre à l’entreprise de poursuivre ses travaux scientifiques pour prouver que son angle d'attaque peut être un véritable «game changer» dans la personnalisation des soins en santé mentale. «Après avoir démontré que nous arrivions à capter des symptômes à partir de données sur la population générale, l’enjeu est désormais de montrer que notre approche fonctionne avec des patients», explique Martin Denais.
Dans ce cadre, la jeune pousse travaille avec plusieurs établissements hospitaliers pour collecter des jeux de données et ainsi calibrer ses algorithmes. «Nous adressons des problématiques lourdes, donc le développement prendra du temps. On ne lésinera pas sur les preuves cliniques et l’aspect réglementaire sur la sécurité des données et le respect de la vie privée. Nous voulons partir sur des bases scientifiques très solides pour avoir un produit qui marche très bien avec un vrai impact», indique le patron de Callyope. A l’heure où le gouvernement souhaite faire de la France une «Nation Deeptech», cette initiative pourrait ainsi constituer une innovation de rupture majeure pour transformer le suivi des patients atteints de troubles mentaux.