« L’Espagne est un pays assez naturellement choisi par les entrepreneurs français. Pour la proximité géographique, la culture proche, et la proximité de la langue », souligne Maya Noël, directrice générale de France Digitale. Les startups françaises sont ainsi nombreuses à s’implanter de l’autre côté du pays basque. Selon une étude de France Fintech et de l'agence gouvernementale Business France, publiée en juin 2022, l’Espagne est d’ailleurs le pays européen où les startups françaises de la finance s'exportent le plus. 41 % des FinTech et AssurTech ayant tenté l'aventure hors de France se sont installées en Espagne. Pour elles, l’intérêt est de se lancer sur un marché qui ressemble à la France, mais où la concurrence est moins forte.
« C’est aussi une porte assez évidente vers l’international, et notamment vers les pays d’Amérique du sud », estime Maya Noël, qui précise que le recrutement y est également plus simple, avec « un pool de talents intéressant et un coût du travail moins élevé. » « C’est ce qui fait que beaucoup d’entreprises font le choix d’ouvrir des bureaux là-bas », assure la directrice générale de France Digitale.
Pourquoi XXII et Lakaa ont choisi l'Espagne
XXII, spécialisée dans la vision par ordinateur en intelligence artificielle, fait partie des startups qui ont récemment fait le choix d’ouvrir un bureau à Barcelone. L'Espagne a été choisie pour « sa culture autour de l’IA très avancée », précise William Eldin, cofondateur de la startup, qui considère d’ailleurs « une expansion en Amérique Latine », dès cette année. Avec sa plateforme RSE dédiée aux entreprises multi-sites, Lakaa a également tenté l’aventure espagnole. Mais plutôt pour « suivre ses clients ». « Nous travaillons avec les réseaux de magasins comme Carmila ou Leroy Merlin mais aussi les maisons de retraite par exemple, en leur mettant à disposition un outil pour suivre leurs démarches RSE », détaille Baptiste Frelot, le dirigeant, qui emploie 17 salariés. Lancée sur le marché français en 2021, la startup s’est implantée dès mars 2022 dans le pays voisin. « Leroy Merlin souhaitait déployer nos services en Espagne et au Portugal », précise le dirigeant, qui compte désormais 30 magasins dans le pays. Ce qui fait de lui son deuxième marché après celui de l’Hexagone.
« Parler espagnol fait partie des conditions pour réussir son implantation »
« Pour nous, c’était assez facile car plusieurs personnes parlent espagnol dans l’équipe. Cela fait partie des conditions pour réussir son implantation, ça permet de fluidifier les échanges et ça aide à comprendre le besoin local », souligne Baptiste Frelot. « Parler espagnol est impératif, estime, pour sa part, Maya Noël. L’anglais n’est pas la langue commune à tous. »
Côté réglementation, si XXII a aussi choisi l’Espagne pour bénéficier d’un « cadre juridique proche de celui de la France », le manque de règles communes dans d’autres secteurs peut parfois freiner les startups. « Ce qui est compliqué, c’est que l’Europe n’est pas un marché unique, on fait face à 27 institutions différentes. Pour contractualiser, cela peut être complexe », souligne Maya Noël. Un contexte qui explique que les startups françaises ne ciblent pas toujours les pays européens pour s’internationaliser. En 2022, 40 % de leur chiffre d’affaires étaient réalisés à l’export mais seulement 20 % en Europe. « L’idéal serait d’obtenir un code des affaires européen », estime la directrice générale.
« Se connecter à l’écosystème local est un accélérateur »
La barrière administrative, celle de la langue et la fiscalité sont ainsi les principaux freins à l’implantation. « L’enjeu est de faire grossir son chiffre d’affaires en contractualisant avec de grands groupes. Quand on est une startup, ce n’est pas simple dans son propre pays. Mais c’est encore plus compliqué ailleurs », poursuit Maya Noël.
Pour lever ces freins et faciliter les implantations, France Digitale organise des rencontres entre fondateurs, afin de partager des retours d’expérience et de bons conseils. « Nous créons aussi des ponts avec notre homologue espagnol pour mettre en contact les startups françaises avec les entreprises espagnoles et ainsi créer du business. Le fait de se connecter à l’écosystème local joue beaucoup. C’est un accélérateur évident », souligne la directrice générale qui estime que « pour créer de belles entreprises, il faut créer des sociétés européennes et pas seulement françaises. »