« Je fais partie de la deuxième génération de l’internet français, explique Cédric Giorgi en préambule. Je suis arrivé peu de temps après l’explosion de la première bulle en 2000. ». Cette entrée dans l’écosystème se fait pourtant par hasard : le Toulousain réalise en 2005 un stage chez Airbus sur l’intérêt des blogs et wikis dans le cadre de la gestion des connaissances d’une entreprise (le knowledge management). Les choses s’enchaînent ensuite pour l’entrepreneur qui va multiplier les expériences (Goodjet/Scoopit, Seesmic, Sigfox), tentant aussi la création d’une startup (Cookening), et oeuvrant pour la médiatisation de cet écosystème naissant (Techcrunch France, LeWeb). Celui que l’on a désigné un temps comme étant le héraut de la French Tech est aujourd’hui dans une période de transition, propice aux réflexions, qu’il partage aujourd’hui avec Maddyness.
Est-ce que Cédric Giorgi a tout raté ? Il pose lui-même la question comme une provocation, donnant tous les arguments nécessaires pour étayer cette hypothèse : « ScoopIt a été revendu à Linkfluence, globalement à la casse, sinon ça se saurait. Je rejoins Seesmic pour monter la filiale européenne, et l’histoire s’arrête. Je monte ma propre boîte et je revends à un concurrent… je récupère ma mise et un peu plus mais pas de quoi me mettre à l’abri. Je rejoins Sigfox pour rebondir. À un moment donné, j’avais 0,1 % de l’entreprise quand elle valait 500 millions d’euros. Sur le papier, j’ai 500.000 euros, sauf que Sigfox part au tapis avec une vente au tribunal. Aucun salarié ni fondateur ne gagne de l’argent. On peut dire que j’ai la guigne sur le côté financier. ».
Apporter sa pierre à l'édifice
Si Cédric Giorgi dresse ce portrait peu chanceux de sa carrière, c’est parce qu’il veut questionner sur les critères de réussite de l’écosystème. « Cela tourne toujours autour de la réussite financière. Cela a des aspects positifs, cela libère la parole sur la réussite financière et c’est bien… mais il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres façons de réussir des projets. ».
Ces expériences étaient des périodes d'apprentissage, pour Cédric Giorgi comme pour toutes les personnes impliquées, et l’écosystème startup ne serait sans doute pas le même sans ce cheminement. De la même façon, il est possible de regarder l’histoire de BlackBerry et considérer que l’entreprise est un échec. Ce serait oublier les innovations apportées par l’entreprise de son vivant, puis le nombre de talents qui ont ruisselé dans un nombre incalculable d’entreprises. « À la fin, tout le monde meurt, résume Cédric Giorgi. Que ce soit les boîtes ou les gens. Tu n’as pas perdu parce que tu es mort à la fin de ta vie… la vraie question est : est-ce que tu as perdu ta vie ? ».
Cédric Giorgi cherche donc à apporter sa modeste pierre à l’édifice dès qu’il le peut. Par exemple, lors de la création de la French Tech, ou avec son rôle de conseiller ou lorsqu’il contribuait à Techcrunch France aux côtés de Roxanne Varza (aujourd’hui directrice de Station F) et tant d’autres. Quand il cherche un fil rouge dans sa carrière, l’entrepreneur se voit comme un connecteur, apportant de nombreuses mises en relation pour aider les entrepreneurs qu’il peut croiser. De ce côté-là, il reconnaît sans détour que le French Startupers Network est sa petite fierté. En effet, ce groupe Facebook privé lancé en 2012 a réussi à apporter énormément de valeurs pour fédérer la communauté des entrepreneurs et permettre une forme d’entraide.
La French Tech doit-elle mourir ?
Quand Cédric Giorgi réalise un bilan très personnel de sa vie professionnelle, il lui est impossible de ne pas faire également un bilan de l’écosystème dans lequel il s’est épanoui. « Si je veux être un peu provocateur, je dirais que la French Tech doit mourir, lâche-t-il avec un sourire. Je le dis alors même que je fais partie de ceux qui ont aidé à ce qu’elle naisse. ». Cédric Giorgi ne remet d’ailleurs aucunement en question son importance et l’utilité que l’initiative a eu à sa création. « Mais 10 ans plus tard, explique-t-il, il n’y a plus d’enjeu en fait. On a réussi le pari de devenir une startup nation. Maintenant l’enjeu n’est plus au niveau national. C’est en cela que je dis que la French Tech doit mourir. Il faut maintenant sortir du niveau national pour aller créer plus de passerelles avec l’Europe et l’Afrique notamment. ».
L’état d’esprit et l’innovation apportés par la French Tech auraient donc réussi à se diffuser dans tous les pans de l’économie et il serait temps de passer à une nouvelle étape. C’est du moins le message que Cédric Giorgi cherche à partager.
Vers un prochain défi
Sa prochaine étape personnelle, l’entrepreneur ne l’a pas encore trouvée. « Mais je sais que mon terrain de jeu, c’est a minima l’Europe. Je veux avoir un impact auprès des entrepreneurs, des startups et des fonds. ». Parce que si ces derniers mois lui ont permis de faire émerger quelque chose, c’est qu’il n’est expert en rien : « Un expert va rester sur un seul sujet. De mon côté, je ne me suis jamais verticalisé, je suis un multi passionné et je change de secteur à chaque fois que je change de boîte. Ma motivation principale, c’est de nourrir ma curiosité, de rencontrer des gens, de connecter, d’apprendre. ».