L’histoire d’Alter Equity n’est pas un long fleuve tranquille. Après tout, c’est rarement le cas des acteurs qui ont pour mission de défricher de nouveaux territoires.
Parce qu’avant de questionner le statu quo du monde de l’investissement, sa fondatrice Fanny Picard en a respecté les règles pendant un temps. En effet, après être passée par Rothschild & Co ainsi que SFR Cegetel, Fanny Picard a été directrice des fusions et acquisitions du groupe Danone en Europe de l’Ouest et Amérique du Nord, ainsi que directrice des opérations financières chez Wendel Investissement.
« Le dirigeant de cette dernière entreprise était peu éthique, lâche-t-elle à Maddyness. Et je me suis sentie en décalage avec la pratique des affaires de cette maison. »
Fanny Picard ne va pourtant pas partir du jour au lendemain. Elle commence d’abord par rechercher ce qui fait sens pour elle, et se rapproche de l’association Mozaik RH où elle accompagne des jeunes dans leur recherche de stages.
« J’y ai trouvé un plaisir profond, beaucoup plus important que celui que j’avais à conduire les opérations de Wendel. Je me suis dit qu’il était temps pour moi de faire en sorte que mon activité professionnelle réunisse ce qui faisait du sens pour moi. »
C’est à cette période qu’elle fait la rencontre d’Alain Grandjean qui, avec Jean-Marc Jancovici, a créé Carbone 4, un cabinet de conseil spécialisé sur la stratégie bas-carbone et l'adaptation au changement climatique.
Fanny Picard se pensait bien informée, mais découvre la véritable ampleur du dérèglement climatique pendant cette conversation. Elle ne va donc pas construire son fonds d’investissement en partant d’une opportunité liée à la RSE, elle va tout simplement explorer le projet qui a le plus de sens pour elle : préserver l’homme de l’extinction.
Ethique, éthique et collegram
La perception autour du sujet a largement évolué depuis la création d’Alter Equity en 2007. Quand Fanny Picard se lance, personne n’y croit.
« J’étais la première à formuler l’idée d’un investissement utile aux personnes et à l’environnement. Cela n’existait pas. »
Elle avance donc à tâtons pour découvrir la formule gagnante d’un fond plus responsable. Elle a tout d’abord le sentiment que, compte tenu de la dimension responsable du projet, les souscripteurs pourraient se satisfaire d’un rendement plus faible. Elle va pourtant rapidement comprendre que ce n’est pas le cas. « Si tu ne promets pas 10% de rendement, tu ne lèveras jamais ! », lui lance un ami.
10% sera donc l’objectif de rendement qu’elle se fixe. Mission accomplie pour Alter Equity dont les estimations placent la performance de ses investissements entre 10 et 20% de rendement net. Ce serait significativement au-dessus de la moyenne du secteur, d’après sa fondatrice qui est fière de ses chiffres :
« Nous sommes 12 personnes dans l’équipe, on a fait 25 investissements et on a des résultats d’impact qui sont considérables. Les entreprises dans lesquelles nous avons une participation ont évité 4,6 millions de tonnes de CO2, soit 1% des émissions annuelles de la France. C’est colossal au regard des montants investis ».
En effet, si Alter Equity est un acteur qui compte dans le monde des fonds à impact, il s’agit d’un Lilliputien à côté de nombreux fonds classiques. Après une levée de 41,5 millions d’euros en 2015, puis de 110 millions en 2020, Fanny Picard est actuellement en train de travailler sur un troisième fonds où elle vise les 150 millions d’euros.
« On contribue à démontrer que l’on peut être à la fois rentable et responsable, martèle-t-elle. Et c’est peut-être la chose la plus importante que l’on ait apportée. Ce changement de regard sur le sujet. »
De son propre aveu, les choses sont loin d’avancer suffisamment rapidement pour construire la transition environnementale et énergétique nécessaire. Mais le paysage d’aujourd’hui est bien loin de celui de son lancement en 2007. Fanny Picard est d’ailleurs l’une de ses rares personnes à se féliciter de l’arrivée de la concurrence.
« Aujourd’hui, nous voyons beaucoup d’autres acteurs venir sur ces thématiques, lâche-t-elle. Et c’est tant mieux, parce qu’il faudra être nombreux pour organiser la transition vers un monde plus durable. »