De rares mentions des «défis technologiques» à relever, des «impacts de l’intelligence artificielle», «des risques cyber» et du «financement si coûteux de l’innovation dans des domaines aussi majeurs que la décarbonation ou la santé», mais aucune sur les startups. C’est ce qui est ressorti du discours de Patrick Martin, le nouveau patron du Mouvement des entreprises de France (Medef), en ouverture de la Rencontre des entrepreneurs de France (REF) qui s'est déroulée à l’hippodrome de Longchamp ces 28 et 29 août.
Visiblement, le numérique n’est pas vraiment une priorité lors de cet événement, qui est surtout l’occasion pour les patrons de faire pression sur le gouvernement sur des sujets plus traditionnels, à l’image de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui sera finalement étalée jusqu’à 2027. Dans les allées et les salons de l’hippodrome de Longchamp, le constat est similaire. Ce ne sont pas des pépites du Next 40 ou du French Tech 120 qui sont mises en avant, mais essentiellement des acteurs de l’assurance, comme Malakoff Humanis, Axa, AG2R La Mondiale, Allianz ou encore Klésia. Ce n’est pas une grande surprise, puisqu’il s’agit de partenaires de l’événement, comme certains grands groupes, à l’image de BNP Paribas, TotalEnergies, L’Oréal, Engie, Société Générale ou encore Sanofi.
Néanmoins, la French Tech a été représentée par quelques startups, comme Naarea, jeune pousse spécialisée dans le développement de mini-réacteurs nucléaires, Edflex, acteur qui a levé 12 millions d'euros en mai dernier pour proposer une offre de contenus de formation e-learning pour les entreprises, et Teoola, société à l’origine d’une application pour mieux gérer son carnet d’adresses. La Mission French Tech était également de la partie avec un stand, qui a reçu Jean-Noël Barrot, ministre délégué au Numérique, ce mardi dans le cadre de plusieurs tables rondes organisées pour défendre l’initiative «Je choisis la French Tech», lancée en juin dernier pour flécher davantage la commande publique et privée vers les startups. Une manière pour l’exécutif de mettre en avant les passerelles entre l’écosystème des jeunes pousses tricolores et celui des grands groupes, avec des entreprises comme Thales, Capgemini, Stellantis, LVMH, EDF ou encore Engie.
Une table ronde sur l’IA avec un casting relevé
Si Élisabeth Borne était logiquement la membre du gouvernement la plus attendue à la REF, il n’en reste pas moins que Jean-Noël Barrot s’est montré particulièrement actif pour ce premier grand rendez-vous de la rentrée. En effet, le ministre en charge du Numérique était sur le pont dès ce lundi soir à l’hippodrome de Longchamp dans le cadre d’une table ronde sur les enjeux autour de l’intelligence artificielle. Le casting était particulièrement relevé pour cette dernière, puisque Luc Julia, expert mondialement reconnu de l’IA et concepteur de Siri, Éléonore Crespo, co-fondatrice et co-CEO de Pigment, Arthur Mensch, co-fondateur et directeur général de Mistral AI, ainsi que Georges-Olivier Reymond, co-fondateur et président de Pasqal, fer de lance de la France dans l’informatique quantique, accompagnaient notamment Jean-Noël Barrot sur scène.
C'était l'occasion d’évoquer forcément les problématiques induites par l’envol de l’IA générative, notamment au niveau de la réglementation à mettre en œuvre pour éviter les dérives et en matière de concurrence face aux Américains et aux Chinois. «La priorité, c’est que la France et l’Europe disposent dans les prochains mois de leurs propres outils d’IA générative. Il est inconcevable de laisser ces outils dans les mains d’intérêts privés loin de nous, extra-européens, qui nous tiendraient dans un lien de dépendance», a notamment déclaré le successeur de Cédric O face à un parterre de patrons.
Ces propos ont sans doute été appréciés par Arthur Mensch, le patron de Mistral AI, qui a levé 105 millions d’euros en juin dernier pour proposer des modèles d’IA générative qui permettraient d'offrir une alternative européenne à ChatGPT. «Si nous maîtrisons ces domaines, nous maîtriserons les conditions de notre souveraineté et nous pourrons peser dans le jeu de la régulation internationale», a ajouté Jean-Noël Barrot. A l'hippodrome de Longchamp, le «monsieur Numérique» a également rappelé l'urgence de mettre fin aux pratiques déloyales des géants Amazon, Microsoft et Google pour verrouiller le marché du cloud. «Les choses sont en train de changer, l’Europe se réveille», a-t-il estimé.
Outre cette table ronde, les rares échanges impliquant des acteurs de la French Tech étaient cantonnés à la scène secondaire de la REF, dédiée à l’engagement et aux initiatives à impact. Dans ce cadre, Frédéric Mazzella, co-fondateur de BlaBlaCar qui s’est relancé dans le bain de l’entrepreneuriat avec Captain Cause, Marie Ekeland, fondatrice du fonds 2050, ou encore Tatiana Jama, co-fondatrice de Sista, collectif pour réduire les inégalités de financement entre les femmes et les hommes dans l’entrepreneuriat, sont intervenus. Mais à n’en pas douter, la véritable rentrée de la French Tech aura lieu le 20 septembre prochain à l’occasion du France Digitale Day au musée des Arts forains, dans le quartier de Bercy, à Paris.